Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2023 par lequel le préfet de la Côte-d'Or lui a retiré sa carte de résident, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office.
Par jugement n° 2303528 du 2 juillet 2024, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2024, Mme B..., représentée par Me Grenier, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 2 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 30 octobre 2023 susvisé ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Côte-d'Or de lui restituer sa carte de résident valable jusqu'en 2029 dans un délai de trente jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans le même délai sous astreinte de 300 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une erreur de droit et d'une erreur d'appréciation dès lors qu'elle justifie n'avoir pas quitté le territoire français durant plus de trois ans ;
- la décision portant retrait de la carte de résident est entachée d'une insuffisance de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- cette décision est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle n'a pas été titulaire d'une carte de séjour mention " membre de famille sans droit au travail " pour Mayotte entre le 13 juillet 1998 et le 12 juin 1999 et qu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle au Maroc ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article R. 432-3 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée à ce titre d'une erreur de droit et d'une erreur de qualification juridique des faits ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant retrait de la carte de résident ;
- elle méconnaît les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le délai de départ est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 novembre 2024, le préfet de la Côte-d'Or, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelante une somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 18 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante marocaine née le 14 septembre 1971, est entrée régulièrement en France le 13 juillet 1998. Elle a bénéficié d'une carte de résident en qualité de conjointe de Français à compter du 13 juillet 1999, puis, après son divorce, d'une carte de résident délivrée en 2009 et renouvelée en 2019. Par un arrêté du 30 octobre 2023, le préfet de la Côte-d'Or lui a retiré la carte de résident délivrée le 5 juin 2019 et valable du 5 juin 2019 au 4 juin 2029, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement. Mme B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Dijon aurait commis une erreur de droit ou une erreur d'appréciation, qui ne relève pas de la régularité du jugement, doit être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la légalité de la décision portant retrait de la carte de résident :
3. En premier lieu, l'appelante réitère en appel sans apporter aucun élément de fait ou de droit nouveau ni critiquer les motifs par lesquels le tribunal a pu écarter ces moyens, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation et du défaut d'examen de sa situation personnelle dirigés à l'encontre de la décision portant retrait de la carte de résident. Il y a lieu pour la cour d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal aux points 2 et 8 de son jugement.
4. En deuxième lieu, si Mme B... soutient que la décision susvisée est entachée d'une erreur de fait dès lors qu'elle n'a pas été titulaire d'une carte de séjour portant la mention " membre de famille sans droit au travail " pour Mayotte entre le 13 juillet 1998 et le 12 juin 1999, il ne ressort pas des termes de la décision en litige que le préfet de la Côte-d'Or aurait fait de cette circonstance erronée un des motifs de la décision édictée. Par suite, le moyen soulevé, qui est inopérant, ne peut qu'être écarté.
5. En troisième lieu, Mme B... soutient que la décision susvisée est entachée d'une autre erreur de fait tirée de ce qu'elle n'exerce pas d'activité professionnelle au Maroc contrairement à ce qu'a pu relever le préfet dans sa décision en visant notamment les informations délivrées par le consulat de France au Maroc et l'avocat de la requérante. A supposer même que cette assertion soit entachée d'erreur de fait, il ressort de ce qui est indiqué au point 7 que le préfet de la Côte-d'Or aurait pris la même décision de retrait de la carte de résident s'il n'avait pas retenu cet élément.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article R. 432-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions des articles R. 421-36, R. 421-37, R. 421-40 et R. 424-4, le titre de séjour est retiré dans les cas suivants : / (...) 6° L'étranger titulaire d'une carte de résident s'est absenté du territoire français pendant une période de plus de trois ans consécutifs sans que cette période ait fait l'objet d'une autorisation de prolongation (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité compétente de retirer la carte de résident en cas d'absence du territoire français pendant une période de plus de trois années consécutives, qui n'est interrompue par aucun séjour en France ou seulement par des retours qui, étant purement ponctuels, ne permettent pas de regarder l'intéressé comme ayant interrompu son absence du territoire national.
8. Il ressort de la décision en litige que l'étude des visas du passeport de Mme B... par les services préfectoraux a démontré que celle-ci avait été présente en France du 4 juin 2019 au 6 juin 2019, à l'occasion de la remise de sa carte de résident, du 19 février 2022 au 27 février 2022, du 8 novembre 2022 au 13 novembre 2022 et du 12 janvier 2023 au 16 janvier 2023 soit une durée totale cumulée inférieure à un mois à compter du dernier renouvellement de sa carte de résident courant de juin 2019 à octobre 2023. Mme B... n'apporte aucun élément de nature à démontrer sa présence sur le territoire français en dehors de ces dates et ne justifie pas être restée, comme elle le soutient, sur le territoire national aux côtés de son neveu handicapé durant la période en cause. L'attestation d'une connaissance de la requérante, qui n'est pas accompagnée de la carte d'identité de l'intéressé et dont la date est illisible, et le certificat médical établi le 15 juillet 2023 qu'elle produit sont insuffisants pour en justifier. En soutenant qu'elle a effectué des allers-retours entre la France et le Maroc pour réaliser des missions professionnelles ponctuelles et qu'elle s'est vu confier la charge d'une enfant abandonnée au Maroc dans le cadre d'une ordonnance de kafala le 19 janvier 2015, Mme B... ne remet pas utilement en cause la durée de présence en France retenue par le préfet et ressortant des mentions de son passeport. Dans ces conditions, c'est par une exacte application des dispositions citées au point 6 que le préfet de la Côte-d'Or a considéré que les quelques jours de présence en France de l'intéressée à compter du dernier renouvellement de sa carte de résident correspondaient à des retours purement ponctuels courant de juin 2019 à octobre 2023 et n'avaient pas interrompu son absence du territoire national durant plus de trois années consécutives. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision susvisée serait entachée d'une erreur de droit ou d'une erreur d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. Les moyens dirigés contre la décision portant retrait de la carte de résident ayant été écartés, Mme B... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle portant obligation de quitter le territoire français.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 et Mme B... ne justifiant pas avoir interrompu son absence du territoire national durant plus de trois années consécutives hormis par des retours ponctuels entre 2019 et 2023, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision susvisée méconnaîtrait les dispositions du 3° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile aux termes desquelles " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) 3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été, pendant toute cette période, titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " (...) ".
11. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...)".
12. Si Mme B... soutient résider en France depuis 1998 chez sa sœur et s'occuper de son neveu handicapé, aucune des pièces versées au dossier ne permet de corroborer ces affirmations. Elle ne justifie d'aucune insertion sociale ni professionnelle en France. La seule production d'un extrait d'immatriculation d'une société créée en 2023 par sa sœur ne saurait justifier de la réalité d'un projet professionnel en France. Elle n'y justifie d'aucun lien intense, stable et ancien malgré la durée de séjour alléguée. Elle conserve dans son pays d'origine des attaches privées et familiales dont l'enfant qui lui a été confié par kafala. Dans ces conditions, la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut ainsi être accueilli. Il en va de même du moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant octroi d'un délai de départ volontaire :
13. Compte tenu de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette décision à l'encontre de celle lui accordant un délai de départ volontaire.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement :
14. En raison de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la décision fixant le pays de destination de la mesure d'éloignement serait illégale pour défaut de base légale.
15. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par Mme B....
17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme demandée par le préfet de la Côte-d'Or au même titre.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le préfet de la Côte-d'Or au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, président assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 juin 2025.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Noémie Lecouey
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
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N° 24LY02977