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26/06/2025 | FRANCE | N°24LY03406

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 26 juin 2025, 24LY03406


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La société anonyme Cevede a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en totalité ou, subsidiairement, à concurrence de 500 880 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.



Par un jugement n° 2000608 du 12 octobre 2021, ce tribunal a prononcé la réduction de 500 880 euros des r

appels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Cevede au titre de ces périodes, ainsi que de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société anonyme Cevede a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand de prononcer la décharge, en totalité ou, subsidiairement, à concurrence de 500 880 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre de la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2017, ainsi que des intérêts de retard correspondants.

Par un jugement n° 2000608 du 12 octobre 2021, ce tribunal a prononcé la réduction de 500 880 euros des rappels de taxe sur la valeur ajoutée réclamés à la société Cevede au titre de ces périodes, ainsi que des intérêts de retard correspondants, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Par un arrêt n° 22LY00001 du 21 septembre 2023, la cour, statuant sur appel de la société Cevede et appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a annulé l'article 1er de ce jugement, remis à la charge de la société Cevede les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont le tribunal administratif avait prononcé la réduction et rejeté le surplus des conclusions de la requête de la société Cevede.

Par une décision n° 489588 du 2 décembre 2024, le Conseil d'Etat statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la société Cevede, annulé les articles 1er et 2 ainsi que, en tant qu'il portait sur les conclusions présentées par la société au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'article 3 de l'arrêt du 21 septembre 2023 et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.

Procédure devant la cour après renvoi du Conseil d'Etat

Par effet de la décision du Conseil d'État du 2 décembre 2024, la cour se trouve à nouveau saisie de l'appel incident du ministre, désormais enregistré sous le n° 24LY03406.

Par un mémoire présenté après cassation, enregistré le 25 avril 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour, par la voie de l'appel incident, d'annuler l'article 1er du jugement du 12 octobre 2021 et de remettre à la charge de la société Cevede les droits de taxe sur la valeur ajoutée réclamés au titre de la période du 1er février 2014 au 31 janvier 2017 et les intérêts de retard correspondant déchargés par le tribunal à hauteur d'un montant total de 548 945 euros.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par la société Cevede ne sont pas fondés ;

- les pièces soumises au vérificateur établissant que les montants enregistrés en tant que prestations de coopération commerciale sont des prix hors taxe convenus entre les parties.

Par un mémoire enregistré le 14 mai 2025, la société Cevede, représentée par Me Feschet, conclut au rejet de l'appel incident et à ce la somme de 10 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune marge arrière n'était prévue par le contrat la liant à la société Carrefour Hypermarchés, son franchiseur ;

- la réponse aux observations du contribuable, qui ne se prononce que sur l'un des chefs de contestation, est insuffisamment motivée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,

- les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique,

- et les observations de Me Feschet, pour la société Cevede.

Considérant ce qui suit :

1. La société anonyme (SA) Cevede, qui exploite en franchise un hypermarché à Cusset (Allier) sous l'enseigne Carrefour, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2013 au 31 janvier 2017 à l'issue de laquelle l'administration a, notamment, réclamé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée calculés, au taux de 20 %, sur des sommes perçues, au titre des périodes du 1er février 2014 au 31 janvier 2017, pour un montant global de 15 026 442 euros, de la société Carrefour Hypermarchés, son franchiseur, en règlement de " marges arrières " facturées " avec le montant hors taxes sans taxe sur la valeur ajoutée ", conformément à des demandes de ce franchiseur selon lequel ces opérations ne devaient pas être soumises à cette taxe. L'administration ayant rejeté la réclamation de la société Cevede, celle-ci a saisi le tribunal administratif de Clermont-Ferrand qui, par un jugement du 12 octobre 2021, a prononcé la réduction de la taxe sur la valeur ajoutée réclamée d'un montant de 500 880 euros, correspondant à la différence entre le montant de la taxe sur la valeur ajoutée due au titre des " marges arrières ", calculée, au taux de 20 %, sur une assiette de 15 026 442 euros, et le montant de la taxe calculée, au même taux, " en dedans ", c'est-à-dire sur une assiette minorée du montant de cette même taxe, soit 12 522 035 euros. Par un arrêt du 21 septembre 2023, la cour a rejeté l'appel que la société Cevede avait formé contre ce jugement en tant qu'il lui demeurait défavorable et, sur appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, a remis à la charge de cette société les rappels dont le tribunal avait prononcé la réduction. Par une décision du 2 décembre 2024, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a, saisi d'un pourvoi présenté par la société Cevede, annulé les articles 1er, 2 et en tant qu'il a rejeté les conclusions présentées par celle-ci au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, l'article 3 de l'arrêt du 21 septembre 2023 et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour.

2. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. ". Aux termes de l'article 266 du même code : " 1. La base d'imposition est constituée : / a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations (...). ". Aux termes de l'article 267 du même code : " I. Sont à comprendre dans la base d'imposition : / 1° Les impôts, taxes, droits et prélèvements de toute nature à l'exception de la taxe sur la valeur ajoutée elle-même. / (...). ".

3. La taxe sur la valeur ajoutée dont est redevable un vendeur ou un prestataire de services est un élément qui grève le prix convenu avec le client et non un accessoire du prix. En vertu des dispositions des articles 266 et 267 du code général des impôts, l'assiette de la taxe sur la valeur ajoutée est égale au prix convenu entre les parties, diminué notamment de la taxe exigible sur cette opération. Par suite, lorsqu'un assujetti réalise une affaire moyennant un prix convenu dans des conditions qui ne font pas apparaître que les parties seraient convenues d'ajouter au prix stipulé un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée applicable à l'opération, la taxe due au titre de cette affaire doit être assise sur une somme égale au prix stipulé, diminué notamment du montant de cette taxe.

4. Il résulte de l'instruction que la société Cevede a produit, lors du contrôle, trois courriers des 10 février 2014, 27 janvier 2015 et 25 janvier 2016, par lesquels la société Carrefour Hypermarchés lui demandait d'établir des factures d'acomptes " avec le montant hors taxe sans taxe sur la valeur ajoutée ", de valeurs de différés prévisionnels alimentaires et non alimentaires calculés à hauteur de 90 % des estimations concernant ses approvisionnements logistiques et ses achats directs auprès des industriels référencés par la société Carrefour Hypermarchés, afin de permettre le règlement de ces acomptes aux dates de valeur. Il résulte des termes de ces courriers, qui ont trait notamment aux opérations de coopération commerciale au profit de la société Carrefour Hypermarchés, que les sociétés ont convenu d'un prix des prestations sans qu'un supplément de prix correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée n'ait été prévu. De même, la société a produit les factures établies par la société Carrefour Hypermarchés pour différents achats, dont le prix est mentionné comme " net de taxes ". Par suite, les montants comptabilisés au titre des opérations de coopération commerciale par la société Cevede, qui ne font pas apparaître un supplément de prix égal à la taxe sur la valeur ajoutée, doivent être réputés toutes taxes comprises. La taxe due par la société Cevede à raison des prestations de coopération commerciale ne pouvait dès lors être calculée en retenant comme base d'imposition de la taxe sur la valeur ajoutée le prix convenu entre les parties, ainsi que l'a jugé à juste titre le tribunal.

5. Si le ministre, en se fondant sur l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 7 novembre 2013 Corina-Hrisi Tulica c/ Agentia Nationala de Administrare Fiscala - Directia Generala de Solutionare a Contestatiilor et Calin Ion Plavosin c/ Directia Generala a Finantelor Publice Timis - Serviciul Solutionare Contestatii, Activitatea de Inspectie Fiscala - Serviciul de Inspectie Fiscala Timis ( C-249/12 et C-250/12 ), avance que la société Cevede aurait eu la possibilité de récupérer la taxe sur la valeur ajoutée " en dehors " auprès de la société Carrefour Hypermarchés, la circonstance que les prix entre commerçants s'entendent en principe hors taxes ne permet pas de déduire que les sociétés Cevede et Carrefour Hypermarchés se seraient nécessairement accordées sur le fait que la taxe ultérieurement exigée par l'administration fiscale devait être supportée par le franchiseur, ni que la société Cevede aurait été en droit d'exiger de son franchiseur, en vertu du contrat conclu avec celui-ci, un supplément de prix non prévu correspondant à la taxe sur la valeur ajoutée exigible.

6. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a prononcé la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajouté réclamés à la société Cevede ainsi que des intérêts de retard correspondants et à demander le rétablissement des droits sur la valeur ajoutée et des intérêts de retard déchargés.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme demandée par la société Cevede au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Les conclusions d'appel incident du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique sont rejetées.

Article 2 : Les conclusions présentées par la société Cevede au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société anonyme Cevede et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 5 juin 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente assesseure,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 juin 2025.

La rapporteure,

A.-S. Soubié La présidente,

C. Michel

La greffière,

M. A...

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 24LY03406

lc


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY03406
Date de la décision : 26/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Contrôle fiscal - Vérification de comptabilité - Garanties accordées au contribuable.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Liquidation de la taxe - Base d'imposition.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sylvie SOUBIE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SELARL FISCAVOC

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-26;24ly03406 ?
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