Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... épouse D... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 15 janvier 2016 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " conjoint de retraité ", celle du 29 mars 2016 rejetant son recours gracieux, et celle du 9 août 2016 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique.
Par un jugement n° 1607996 du 21 juin 2018, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 3 juillet 2018, Mme D..., représentée par Me E..., demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler les décisions des 15 janvier, 29 mars et 9 août 2016 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer le titre demandé, ou, à défaut de réexaminer sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais qu'elle a exposés en première instance et en appel.
Elle soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône a fait une inexacte application de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 en estimant qu'elle n'avait pas régulièrement résidé en France.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 mai 2019, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.
Il soutient que le moyen soulevé par Mme D... n'est pas fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la cour a désigné M. Marcovici, président assesseur de la 5ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Après avoir entendu en audience publique :
- le rapport de M. B...,
- et les observations de Me E..., représentant Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme D... fait appel du jugement du 21 juin 2018 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 janvier 2016 par laquelle le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " conjoint de retraité ", celle du 29 mars 2016 rejetant son recours gracieux et celle du 9 août 2016 du ministre de l'intérieur rejetant son recours hiérarchique.
Sur le bien-fondé :
2. Le premier alinéa de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles prévoit que : " Le ressortissant algérien, qui, après avoir résidé en France sous couvert d'un certificat de résidence valable dix ans, a établi ou établit sa résidence habituelle hors de France et qui est titulaire d'une pension contributive de vieillesse, de droit propre ou de droit dérivé, liquidée au titre d'un régime de base français de sécurité sociale, bénéficie, à sa demande, d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention "retraité" (...) ". Le deuxième alinéa du même article prévoit ensuite que : " Le conjoint du titulaire d'un certificat de résidence portant la mention "retraité" ayant résidé régulièrement en France avec lui, bénéficie d'un certificat de résidence conférant les mêmes droits et portant la mention "conjoint de retraité" ".
3. Mme D... est une ressortissante algérienne née le 3 octobre 1954. Son époux s'est vu délivrer un certificat de résidence valable du 8 juillet 1985 au 7 juillet 1995, puis un certificat de résidence portant la mention " retraité " valable du 12 juin 2012 au 11 juin 2022. Il ressort d'une attestation de sortie définitive volontaire du territoire français établie le 30 août 1986 par les services de la police aux frontières du port de Marseille que Mme D... leur a remis à cette occasion l'autorisation provisoire de séjour dont elle disposait en dernier lieu, qui lui avait été délivrée le 7 août 1986 par le préfet de Seine-Saint-Denis. Il n'est pas contesté que cette autorisation provisoire de séjour avait été remise à Mme D... en vue de son départ, en échange du certificat de résidence dont elle était titulaire. La même attestation a, selon les mentions qui y figurent, été transmise à la préfecture de Seine-Saint-Denis accompagnée du certificat de résidence restitué. En outre, si Mme D... ne produit pas les titres de séjour qui lui ont été délivrés avant 1986, le tribunal administratif de Montreuil a enjoint au préfet de Seine-Saint-Denis de lui communiquer une copie de ces documents par un jugement n° 1607597 du 31 janvier 2017, sans que cette injonction ait été exécutée ni que l'inexistence des documents demandés ait jamais été alléguée. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, ces pièces justifient de ce que Mme D... avait régulièrement été autorisée à séjourner sur le territoire français.
4. Par ailleurs, l'adresse figurant sur le document du 30 août 1986 est la même que celle figurant sur le certificat de résidence délivré le 8 juillet 1985 à son époux, de l'union avec lequel elle a eu quatre enfants nés en France en 1977, 1978, 1982 et 1984. Compte tenu de l'ancienneté des faits et de la situation conjugale de Mme D..., ces éléments, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, suffisent pour établir que Mme D... a résidé en France avec son conjoint avant son départ le 30 août 1986, d'autant plus que cette condition n'a pas été contestée par le préfet des Bouches-du-Rhône et le ministre de l'intérieur.
5. Il résulte de ce qui précède que le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de délivrer à Mme D... un certificat de résidence valable dix ans portant la mention " conjoint de retraité ", alors qu'elle justifie avoir régulièrement résidé en France avec son conjoint, a fait une inexacte application de l'article 7 ter de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Mme D... est en conséquence fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, ainsi qu'à demander l'annulation des décisions des 15 janvier et 29 mars 2016 du préfet des Bouches-du-Rhône, ainsi que celle du 9 août 2016 du ministre de l'intérieur.
Sur l'injonction :
6. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que Mme D... remplit les conditions pour bénéficier d'un certificat de résidence valable dix ans portant la mention " conjoint de retraité ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer ce titre dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
7. L'Etat est la partie perdante dans la présente instance. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D... de la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés tant en première instance qu'en appel.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 21 juin 2018 du tribunal administratif de Marseille, les décisions du préfet des Bouches-du-Rhône des 15 janvier et 29 mars 2016, et la décision du 9 août 2016 du ministre de l'intérieur sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme D... un certificat de résidence portant la mention " conjoint de retraité " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme D... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... épouse D... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée pour information au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 9 mars 2020, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- Mme F..., première conseillère,
- M. B..., premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 avril 2020.
2
No 18MA03154