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08/11/2022 | FRANCE | N°21MA03672

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 08 novembre 2022, 21MA03672


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 18 avril 2018 par laquelle a été décidée son affectation, à compter du 5 mai 2018, au service d'aide et d'assistance et de proximité (SIAAP) Unité d'intervention et de secours service A, ainsi que la décision verbale lui retirant son arme de service, et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices matériel et moral.

Par un jugement n° 1802514 du 25 juin 2021, le tribunal administra

tif de Nice a annulé la décision orale du 30 avril 2018 emportant retrait de l'arme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 18 avril 2018 par laquelle a été décidée son affectation, à compter du 5 mai 2018, au service d'aide et d'assistance et de proximité (SIAAP) Unité d'intervention et de secours service A, ainsi que la décision verbale lui retirant son arme de service, et de condamner l'Etat à lui verser une indemnité en réparation des préjudices matériel et moral.

Par un jugement n° 1802514 du 25 juin 2021, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision orale du 30 avril 2018 emportant retrait de l'arme de service de M. A..., a condamné l'Etat à verser à celui-ci une somme de 2 500 euros en réparation de son préjudice, et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par un recours, enregistré le 25 août 2021, le ministre de l'intérieur demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 25 juin 2021;

2°) de rejeter la demande présentée par M. A... devant le tribunal administratif.

Le ministre soutient que :

- en annulant la décision portant retrait de l'arme de service du demandeur, le tribunal a dénaturé les pièces du dossier, dès lors que cette mesure, prise pour la période du 1er mai au

1er juillet 2018, et destinée à préserver à la fois l'intéressé et ses collègues, est justifiée par ses réactions disproportionnées et agressives ainsi que par le caractère surprenant de certains de ses comportements ;

- les autres moyens de première instance ne sont pas fondés.

Par des mémoires, enregistrés les 25 novembre 2021 et 4 septembre 2022, M. A... indique ne pas être en mesure de constituer avocat pour produire un mémoire en défense, en soutenant ne pas renoncer à sa demande et qu'aucun des moyens du recours en appel n'est fondé.

Par une lettre du 29 août 2022, la Cour a invité M. A... à constituer avocat aux fins de présenter ses mémoires, dans le délai d'un mois.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Angéniol, rapporteur public,

- et les observations de M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., brigadier de police en poste au commissariat de l'Ariane à Nice, a été l'objet le 18 avril 2018 d'une note de service par laquelle a été décidée son affectation à l'unité d'intervention de police et de secours service jour, à compter du 5 mai 2018. Le 2 mai 2018 son chef de commissariat a décidé de lui retirer son arme de service pour une durée de deux mois et M. A... a remis cette arme le 4 mai 2018, dont procès-verbal a été dressé le même jour. Par un jugement du 25 juin 2021, dont le ministre de l'intérieur forme appel, le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé la décision portant retrait de l'arme de service de M. A... et, d'autre part, condamné l'Etat à verser à ce dernier la somme de 2 500 euros en réparation du préjudice moral subi du fait d'agissements de harcèlement moral dont il a été victime.

Sur les écritures en défense de M. A... :

2. Aux termes de l'article R. 811-7 du code de justice administrative : " Sous réserve des dispositions de l'article L. 774-8, les appels ainsi que les mémoires déposés devant la cour administrative d'appel doivent être présentés, à peine d'irrecevabilité, par l'un des mandataires mentionnés à l'article R. 431-2. ". L'article R. 612-1 du même code dispose pour sa part que :

" Lorsque des conclusions sont entachées d'une irrecevabilité susceptible d'être couverte après l'expiration du délai de recours, la juridiction ne peut les rejeter en relevant d'office cette irrecevabilité qu'après avoir invité leur auteur à les régulariser. / Toutefois, la juridiction d'appel ou de cassation peut rejeter de telles conclusions sans demande de régularisation préalable pour les cas d'irrecevabilité tirés de la méconnaissance d'une obligation mentionnée dans la notification de la décision attaquée conformément à l'article R. 751-5. / La demande

de régularisation mentionne que, à défaut de régularisation, les conclusions pourront être rejetées comme irrecevables dès l'expiration du délai imparti qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à quinze jours. La demande de régularisation tient lieu de l'information prévue à

l'article R. 611-7 ".

3. Il résulte des pièces de la procédure que M. A... a produit les 25 novembre 2021 et 4 septembre 2022, sans avoir constitué avocat, des mémoires en défense alors qu'il résulte des termes de la notification du jugement du tribunal administratif de Nice attaqué par le ministre de l'intérieur, reçue par l'intéressé le 26 juin 2018, qu'il avait été informé de l'obligation de constituer avocat en appel et que, par lettre du 29 août 2022, il a été invité à régulariser à cet égard ses productions dans le délai d'un mois. Dès lors, ces mémoires sont irrecevables et doivent être écartés des débats.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la décision de retrait de l'arme de service de M. A... :

4. Aux termes de l'article R. 411-3 du code de la sécurité intérieure : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale reçoivent en dotation une arme individuelle. Ils doivent, lorsqu'ils sont en service, qu'ils soient revêtus de leur tenue d'uniforme ou en tenue civile, être porteur de l'arme individuelle qui leur est affectée. Le port de l'arme est alors lié à celui du gilet pare-balles individuel à port dissimulé. (...) ". L'article 114-3 de l'arrêté du 6 juin 2006 portant règlement général d'emploi de la police nationale précise que : " Les fonctionnaires actifs des services de la police nationale reçoivent en dotation une arme individuelle, qu'ils portent en service et qu'ils peuvent porter hors service, et dont l'usage est assujetti aux règles de la légitime défense et aux dispositions législatives et réglementaires en vigueur ". L'article 114-6 du même arrêté ajoute que : " L'arme de service est retirée par l'autorité hiérarchique à tout fonctionnaire présentant un état de dangerosité pour lui-même ou pour autrui. L'éventuel réarmement de l'intéressé est soumis aux conclusions favorables d'une visite d'aptitude passée auprès du service médical de la police ".

5. S'il résulte des dispositions réglementaires précitées que la décision portant retrait de l'arme de service d'un fonctionnaire de police, dont le port en service constitue pour lui une obligation, constitue une mesure provisoire et conservatoire, son prononcé ne peut se fonder que sur des motifs tenant à l'état de dangerosité que présente ce fonctionnaire pour lui-même ou pour autrui.

6. Pour soutenir que la décision de désarmer M. A... pour la période du 1er mai au 1er juillet 2018, qui n'est pas motivée, était légalement justifiée, le ministre de l'intérieur fait valoir que l'intéressé a manqué à ses obligations déontologiques de probité, d'exemplarité et d'intégrité, et que ces fautes, constitutives de réactions disproportionnées et consistant en une dégradation des locaux professionnels, son refus récurrent de recevoir les plaintes d'usagers et ses propos vindicatifs et injurieux à l'endroit de l'institution de police et de sa hiérarchie, révèlent les " risques inhérents à son comportement ".

7. Toutefois et en premier lieu, compte tenu de l'objet et de la finalité de la mesure de désarmement prévue à l'article 114-6 du règlement général d'emploi de la police nationale, qui n'est pas une sanction disciplinaire, la simple circonstance que le fonctionnaire de police a commis des fautes disciplinaires, propres à justifier le prononcé d'une telle sanction, ne peut légalement justifier le retrait de l'arme de service de l'agent si de telles fautes ne traduisent pas chez l'intéressé un état de dangerosité pour lui-même ou pour autrui. Dans ces conditions, s'il ressort des pièces du dossier, et notamment des propres déclarations de M. A... lors de l'une de ses auditions le 5 janvier 2018 pour les besoins d'une enquête administrative, que celui-ci, alors affecté à l'accueil du public au commissariat de l'Ariane, a indûment et à plusieurs reprises refusé de recevoir les plaintes de nombreux usagers, de tels manquements à ses obligations déontologiques et professionnelles ne sont pas à eux seuls de nature à justifier son désarmement, même provisoire, en l'absence de toute circonstance révélant de sa part, en ces occasions, un comportement dangereux.

8. En deuxième lieu, à la supposer avérée, la circonstance, ayant donné lieu à un rapport du chef du commissariat de l'Ariane du 6 avril 2018, mais contestée par M. A... lors de son audition administrative du 4 mai 2018, que celui-ci avait déplacé l'imprimante collective, initialement positionnée dans le poste, pour l'installer dans le couloir des bureaux affectés aux garde-à-vue et y accéder directement au moyen d'un trou pratiqué par ses soins dans le mur de son bureau, n'est pas davantage, en tant que telle, au nombre de celles susceptibles de fonder légalement la mesure en litige.

9. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment d'un rapport du chef du commissariat de l'Ariane du 27 novembre 2017, que M. A..., bien qu'il ait nié leur contenu et leur portée lors de son audition du 5 janvier 2018, a tenu le 22 novembre 2017, en présence de son supérieur hiérarchique, des propos agressifs et vindicatifs au sujet de l'institution policière et de sa hiérarchie. Cependant, ni ces documents ni aucun autre élément de l'instance, même complétés par les déclarations, peu circonstanciées, contenues dans le rapport du chef du commissariat du 18 septembre 2018, selon lesquelles M. A... était souvent énervé tant avec le public qu'avec sa hiérarchie et rencontrait des difficultés à conserver son calme, ne montrent que ce comportement traduisait un état de dangerosité pour lui-même ou pour autrui, de nature à fonder son désarmement.

10. En dernier lieu, si en soulignant que certains des agissements de M. A..., correspondant à ses refus de recevoir les plaintes d'usagers, la dégradation du mur de son bureau et le dépôt de mains-courantes les 30 avril et 2 mai 2018, présentent un caractère " surprenant ", le ministre de l'intérieur a entendu remettre en cause l'aptitude de l'agent à exercer ses fonctions en toute sécurité, il ne ressort pas des pièces du dossier, et notamment pas des avis d'aptitude à la reprise de ses fonctions les 30 mai et 22 juin 2018, le dernier préconisant la reprise du service avec arme de service, que M. A... aurait souffert, au jour de la décision en litige, de problèmes psychiques ou psychiatriques, de nature à créer pour lui ou pour autrui un danger.

11. Il résulte de ce qui précède que le ministre de l'intérieur n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision de retrait d'arme de service de M. A....

En ce qui concerne les agissements de harcèlement moral :

12. Bien que le ministre forme recours contre le jugement du tribunal administratif de Nice du 25 juin 2021, tant en ce qu'il a annulé la décision de retrait de l'arme de service de

M. A..., qu'en ce qu'il a condamné l'Etat à verser à celui-ci une indemnité au titre du harcèlement moral dont il a été victime, il n'assortit pas ses conclusions dirigées contre le second objet de ce jugement de moyens propres et distincts de ceux relatifs à la légalité de la décision de retrait. Ces conclusions dirigées contre le jugement condamnant l'Etat à une indemnité ne peuvent donc qu'être rejetées par voie de conséquence du rejet par le présent arrêt de ses conclusions dirigées contre ce jugement annulant la décision de désarmement de M. A....

13. Il résulte de tout ce qui précède que le recours du ministre de l'intérieur doit être rejeté.

DECIDE :

Article 1er : Les mémoires présentés par M. A... les 25 novembre 2021 et 4 septembre 2022 sont écartés des débats.

Article 2 : Le recours du ministre de l'intérieur et des outre-mer est rejeté.

Article 3: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à

M. C... A....

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2022, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 novembre 2022.

N° 21MA036722


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21MA03672
Date de la décision : 08/11/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: M. ANGENIOL
Avocat(s) : ROUSSEL-FILIPPI

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2022-11-08;21ma03672 ?
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