Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Entreprise Jean Spada a demandé au tribunal administratif de Nice d'arrêter le décompte général du lot n° 1 du marché de construction de la salle de spectacle communautaire d'Antibes conclu avec la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis à la somme de 1 459 579,17 euros HT et de condamner solidairement les sociétés Egis Bâtiment Méditerranée et Archidev au paiement d'une somme de 2 634 764 euros TTC. Par un jugement n° 1505146 du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande et arrêté le décompte général du marché à 19 440,61 euros TTC en faveur de la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis.
Par un arrêt n° 17MA03051 du 9 novembre 2020, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Entreprise Jean Spada contre ce jugement.
Par un arrêt n° 448580 du 10 novembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt n° 17MA03051 du 9 novembre 2020 en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société Entreprise Jean Spada dirigées contre la société Egis Bâtiment Méditerranée et la société Archidev et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Procédure devant la Cour :
Par des mémoires enregistrés les 15 décembre 2021, 11 février 2022, 7 avril 2022 et 22 décembre 2022, la société Entreprise Jean Spada, représentée par Me Deplano, demande à la Cour dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 23 mai 2017 en tant qu'il rejette les conclusions dirigées contre les maîtres d'œuvre ;
2°) de condamner solidairement la société Egis bâtiments méditerranée et la société Archidev au paiement de la somme de 2 202 980 euros HT, avec intérêts au taux légal à compter de la requête introductive d'instance ;
3°) de mettre à la charge de la société Egis bâtiments méditerranée et de la société Archidev le paiement de la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de statuer sur les retards de transmission par les maîtres d'œuvre des plans d'exécution qui étaient à sa charge et sur les quantités d'acier ;
- la maîtrise d'œuvre a commis des fautes de nature à engager sa responsabilité quasi délictuelle au regard, d'une part, de l'allongement des délais d'exécution des travaux, d'autre part, de l'augmentation des quantités d'acier nécessaires et, enfin, des travaux de modification de la surface du béton, qui sont à l'origine de préjudices qui doivent être indemnisés.
Par des mémoires en défense enregistrés les 12 janvier 2022, 4 mars 2022, 21 juillet 2022, 26 juillet 2022, et 23 décembre 2022, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la société Egis Bâtiments Sud venant aux droits de la société Egis Bâtiments Méditerranée, venant elle-même aux droits de la société Iosis Méditerranée, représentée par la SELARL Saint-Avit Yozgat, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de l'Entreprise Jean Spada ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une expertise ;
3°) de condamner la société Atelier architecture et développement venant aux droits de la société Archidev à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge de l'entreprise Jean Spada le paiement de la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2022, la société architecture et développement, représentée par Me Dersy, demande à la Cour :
1°) à titre principal, de rejeter la requête de l'entreprise Jean Spada ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Egis bâtiments Sud et la communauté d'agglomération Sophia Antipolis à la relever et garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ;
3°) de mettre à la charge de tout succombant la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions formulées à son encontre sont irrecevables dès lors qu'il n'a pas été fait opposition à la dissolution sans liquidation de la société Archidev dans un délai de 30 jours ;
- les moyens de la requête sont infondés.
La procédure a été communiquée à la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent, présidente assesseure,
- les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public,
- et les observations de Me Gaden pour la société Egis bâtiments Sud et de Me Paulus, substituant Me Dersy, pour la société atelier architecture et développement.
Considérant ce qui suit :
1. Par acte d'engagement du 26 octobre 2009, la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis a confié à la société Entreprise Jean Spada le lot n° 1 " gros œuvre, structure, terrassement, réseaux divers, espaces verts " du marché de construction de la salle de spectacle communautaire d'Antibes. Le montant total du lot n° 1 s'élevait à 9 945 391,25 euros HT, comprenant un marché de base de 9 612 628,25 euros HT et une option de 332 763 euros HT. Par un jugement du 23 mai 2017, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la société Entreprise Jean Spada tendant à arrêter le décompte général du marché à la somme de 1 459 579,17 euros HT et à la condamnation solidaire des sociétés Egis Bâtiment Méditerranée et Archidev, maîtres d'œuvre, au paiement d'une somme de 2 634 764 euros TTC. Le tribunal administratif de Nice a arrêté le décompte général du marché à 19 440,61 euros en faveur de la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis et a condamné la société Entreprise Jean Spada à verser cette somme à la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis. Par arrêt n° 17MA03051, la Cour a rejeté son appel contre ce jugement. Par arrêt n° 448580 du 10 novembre 2021, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt précité de la Cour en tant qu'il a omis de statuer sur les conclusions de la société Entreprise Jean Spada dirigées contre la société Egis Bâtiment Méditerranée et la société Archidev et renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la cour administrative d'appel de Marseille.
Sur la régularité du jugement :
2. Par son arrêt du 9 novembre 2020, la Cour a répondu au moyen tiré de ce que le tribunal administratif de Nice aurait omis de statuer sur les retards de transmission par le maître d'œuvre des plans d'exécution qui étaient à sa charge et sur les quantités d'acier. Ledit arrêt n'a, en tant qu'il a statué sur la régularité du jugement attaqué, pas été annulé par le Conseil d'Etat. Par suite, il n'y a pas lieu de se prononcer de nouveau sur la régularité dudit jugement.
Sur le bien-fondé du jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires présentées contre les maîtres d'œuvre :
3. Dans le cadre d'un contentieux tendant au règlement d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé.
En ce qui concerne l'allongement de la durée du chantier :
4. Si la société requérante soutient que les délais d'exécution du marché auraient été dépassés et fait à cet égard valoir que les plans d'exécution lui auraient été remis tardivement par le maître d'œuvre, elle n'établit, en tout état de cause, ni la réalité de cette remise tardive ni l'existence d'un préjudice qui résulterait de l'allongement de la durée du chantier. Par suite, les conclusions présentées à ce titre ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'augmentation des quantités d'acier :
5. La société Jean Spada demande l'indemnisation du préjudice qu'elle estime avoir subi à raison de la mise en œuvre de quantités d'acier supérieures à celles qui étaient prévues initialement par les pièces du contrat. Il ressort des pièces du dossier que le lot n° 1 était un marché global et forfaitaire. Le document de consultation des entreprises ne comprenait aucune indication concernant les quantités d'acier nécessaires. Comme l'ont jugé les premiers juges, il revenait à la société Spada, dans le cadre de la décomposition du prix global et forfaitaire, d'estimer les quantités d'acier nécessaires pour la réalisation de l'ouvrage et de définir son offre financière sur la base de cette estimation. Il appartenait en particulier à la société Jean Spada, en vertu des stipulations de l'article 3-4-1 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), de vérifier la justesse du quantitatif avant la remise de son offre. Si la requérante produit, à ce titre, plusieurs documents du bureau d'études GCMGC réalisés à sa demande concluant à une estimation initiale des quantités d'acier correcte et raisonnable, elle n'établit pas pour autant que le maître d'œuvre aurait, dans la réalisation des plans initiaux versés au DCE ou dans celle des plans d'exécution commis une quelconque faute qu'elle ne précise au demeurant pas. Il suit de là que les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être rejetées.
En ce qui concerne les travaux de modification de la surface du béton :
6. La requérante fait valoir que les travaux de modification de la surface du béton liés à une usure prématurée de celle-ci du fait du stationnement du public résultent d'une faute des maîtres d'œuvre dans le choix initial du matériau et que le coût de ceux-ci ne saurait, dès lors, lui incomber.
7. Il résulte de l'instruction qu'une visite contradictoire relative à l'état de surface des bétons polis, à laquelle la société Jean Spada ne conteste pas avoir participé et dont elle ne critique pas le compte-rendu, a eu lieu le 22 janvier 2014. Cette visite a permis de constater l'existence de fissures dans les bétons, qui devaient faire l'objet d'un traitement par résine teintée, et sur certaines zones une usure et un encrassement anormal du béton. Concernant ces désordres, le document précise que les travaux de reprise devraient consister en " l'application d'une couche d'environ 3 à 5 mm d'une résine granito ".
8. Toutefois, la société requérante, qui a, directement ou au titre de son devoir de conseil, participé au choix des matériaux, n'établit pas que le choix du béton lui aurait été imposé par les maîtres d'œuvre ou qu'elle les aurait alertés de difficultés prévisibles liées à l'utilisation de ce matériau et ne démontre pas, dès lors, l'existence d'une faute de ces derniers.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions indemnitaires présentées par la société Entreprise Jean Spada à l'encontre des maîtres d'œuvre doivent être rejetées.
Sur les frais du litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge des sociétés Egis bâtiments Sud et Atelier Architecture et Développement, venant aux droits de la société Archidev, qui ne sont pas les parties perdantes. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Entreprise Jean Spada la somme de 1 500 euros chacune à verser aux sociétés Egis Bâtiments Sud et atelier architecture et développement au titre des dispositions précitées.
DECIDE :
Article 1er : Les conclusions de l'entreprise Jean Spada dirigées contre les sociétés Egis Bâtiments Sud et atelier architecture et développement sont rejetées.
Article 2 : La société Entreprise Jean Spada versera à la société Egis Bâtiments Sud et à la société Atelier architecture et développement la somme de 1 500 (mille cinq cents) euros chacune en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Entreprise Jean Spada, à la société Egis Bâtiments Sud, à la société Atelier Architecture et Développement et à la communauté d'agglomération Sophia-Antipolis.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
- M. Bocquet, président,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2023.
N° 21MA0441802