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26/05/2023 | FRANCE | N°22MA01601

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 26 mai 2023, 22MA01601


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière de construction vente (SCICV) Les Oliviers des Costes a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et la restitution de la somme totale de 189 714 euros indûment versée au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un jugement n° 1903640 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2022, et deux mémoire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière de construction vente (SCICV) Les Oliviers des Costes a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 et la restitution de la somme totale de 189 714 euros indûment versée au titre de la taxe sur la valeur ajoutée.

Par un jugement n° 1903640 du 11 avril 2022, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 8 juin 2022, et deux mémoires, enregistrés les 16 janvier 2023 et 5 février 2023, la SCICV Les Oliviers des Costes, représentée par Me Finet, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Toulon du 11 avril 2022 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet de sa réclamation prise par l'administration fiscale le 27 juin 2019 ;

3°) de prononcer la décharge, en droits, pénalités et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 ;

4°) à titre subsidiaire, de faire droit à sa demande de compensation en ramenant le montant des rappels de taxe sur la valeur ajoutée à la somme de 22 983 euros ou, à défaut, de prononcer la restitution de la somme totale de 189 714 euros indûment versée au titre de la taxe sur la valeur ajoutée ;

5°) à titre infiniment subsidiaire, de prononcer la réduction des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en les ramenant à la somme de 15 669 euros, afin de tenir compte de la valeur des biens inscrits en stock à la date de l'avis de mise en recouvrement et des régularisations effectuées ;

6°) dans le cas où la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur la livraison à soi-même ne serait pas admise, d'ordonner avant-dire droit une expertise aux fins de déterminer, d'une part, si la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge par l'avis de mise en recouvrement du 15 décembre 2017 pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014 porte, pour partie, sur les lots de l'immeuble dont elle a assuré la construction, vendus en novembre 2015, juin 2016 et avril 2017, et pour lesquels elle a collecté la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de 106 666 euros, et, d'autre part, d'analyser la somme de 83 048 euros versée à titre de régularisation sur le stock d'immeubles invendus, en décembre 2016 et août 2017 ;

7°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration fiscale, qui l'a contrainte à régulariser sa situation, n'était pas fondée à imposer à la taxe sur la valeur ajoutée une livraison à soi-même au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, dont le fait générateur est intervenu au cours d'une période non vérifiée ;

- la taxe sur la valeur ajoutée afférente à cette livraison à soi-même est déductible dès lors que la société a pour objet la vente de l'immeuble construit, que l'administration n'a pas entendu l'exclure du régime spécial de l'article 239 ter du code général des impôts et qu'elle disposait d'un délai de cinq ans à compter de son achèvement pour procéder à sa cession ;

- elle avait pour intention de vendre l'immeuble bâti et d'appliquer à ce titre le régime de la taxe sur la valeur ajoutée ;

- dans le cas où la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur la livraison à soi-même ne serait pas admise, elle a droit, afin d'éviter une situation de double imposition contraire au principe de neutralité, à ce que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge soient compensés avec la taxe acquittée sur les ventes de biens en 2015, 2016 et 2017 et les régularisations effectuées postérieurement en 2016 et 2017 ;

- dans l'hypothèse où la taxe sur la valeur ajoutée ne pourrait faire l'objet ni d'une compensation ni d'une restitution, elle a droit à ce que sa situation soit actualisée en appliquant le taux de taxe sur la valeur ajoutée sur le stock résiduel de biens à la date de l'avis de mise en recouvrement et en compensant cette somme avec les régularisations effectuées en 2016 et 2017 ;

- à titre infiniment subsidiaire, une expertise doit être ordonnée.

Par trois mémoires en défense, enregistrés les 21 novembre 2022, 6 février 2023 et 17 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics demandent à la cour de rejeter la requête de la SCICV Les Oliviers des Costes.

Ils font valoir que :

- les conclusions de l'appelante sont irrecevables à hauteur d'un montant de rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 967 euros, en l'absence de moyen de contestation sur ce point ;

- la demande de restitution présentée à titre subsidiaire par l'appelante est irrecevable en tant qu'elle porte sur la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 37 500 euros versée au titre de la déclaration CA 3 de novembre 2015, le délai légal de réclamation prévu à l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales étant expiré ;

- les moyens invoqués par l'appelante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 7 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 février 2023.

La SCICV Les Oliviers des Costes a présenté un mémoire le 26 février 2023, enregistré après la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

Par lettre du 16 mars 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur le moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions à fin d'annulation de la décision du 27 juin 2019 portant rejet implicite de la réclamation préalable de la SCICV Les Oliviers des Costes, une telle décision n'étant pas susceptible de recours pour excès de pouvoir.

La SCICV Les Oliviers des Costes a répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 20 mars 2023.

Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministre délégué chargé des comptes publics ont répondu à ce moyen d'ordre public par un mémoire enregistré le 23 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- les observations de Me Finet, représentant Les Oliviers des Costes.

Considérant ce qui suit :

1. La société civile immobilière de construction vente (SCICV) Les Oliviers des Costes a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée jusqu'au 31 décembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, l'administration fiscale lui a notifié notamment, par une proposition de rectification du 31 juillet 2015, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée sur cette période, selon la procédure de rectification contradictoire, au motif qu'elle ne pouvait prétendre à la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée sur une livraison à soi-même dès lors qu'elle ne pouvait être regardée, à la date du contrôle, comme ayant eu pour activité la vente de l'immeuble qu'elle avait fait construire. La SCICV Les Oliviers des Costes relève appel du jugement du 11 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et, à titre subsidiaire, à la restitution de la somme de 189 714 euros correspondant, d'une part, à la taxe sur la valeur ajoutée collectée, à hauteur de 106 666 euros, à l'occasion des ventes de trois lots réalisées en novembre 2015, juin 2016 et avril 2017, et, d'autre part, à la somme de 83 048 euros versée à titre de régularisation sur le stock de lots invendus, en décembre 2016 et août 2017.

Sur la recevabilité des conclusions à fin d'annulation :

2. Les décisions par lesquelles l'administration fiscale statue sur les réclamations contentieuses des contribuables ne constituent pas des actes détachables de la procédure contentieuse d'imposition. Elles ne peuvent, en conséquence, être déférées à la juridiction administrative par la voie du recours pour excès de pouvoir et ne peuvent faire l'objet d'un recours de plein contentieux qu'au titre de la procédure fixée par les articles L. 199 et suivants du livre des procédures fiscales. Dès lors, les conclusions de l'appelante tendant à l'annulation de la décision du 27 juin 2019 par laquelle l'administration fiscale a implicitement rejeté sa réclamation préalable sont irrecevables et doivent être rejetées.

Sur la fin de non-recevoir :

3. Aux termes de l'article L. 199 du livre des procédures fiscales : " En matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par l'administration sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif. ". Aux termes de l'article R. 197-3 du même livre : " Toute réclamation doit à peine d'irrecevabilité : (...) b) Contenir l'exposé sommaire des moyens et les conclusions de la partie (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que la réclamation du 26 décembre 2018 de la SCICV Les Oliviers des Costes, comme ses recours contentieux, tend à contester l'intégralité des rappels de taxe sur la valeur mis à sa charge sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. La circonstance que la société requérante n'a soulevé aucun moyen de contestation sur le rappel de taxe sur la valeur ajoutée de 967 euros ayant grevé des dépenses d'entretien et de réparation de locaux nus loués, est sans incidence sur la recevabilité des conclusions à fin de décharge de cette somme. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par l'administration fiscale tirée de ce que les conclusions en décharge de la SCICV Les Oliviers des Costes seraient irrecevables à hauteur de ce montant doit être écartée.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne les conclusions à fin de décharge :

5. Contrairement à ce que soutient la société requérante, et dès lors que le contrôle de l'administration fiscale portait sur l'ensemble des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée sur la période vérifiée du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2014, l'administration était en droit de procéder aux rectifications en cause au vu de la déclaration de taxe sur la valeur ajoutée établie tardivement le 9 avril 2015 au titre du mois de décembre 2014.

6. Il résulte de l'instruction que la société requérante a, par cette déclaration rectificative de taxe sur la valeur ajoutée, entendu déclarer la taxe sur les livraisons à soi-même en précisant qu'elle portait sur " des constructions relatives au permis de construire (...) achevées le 26/01/2012 comme l'atteste la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux " et plus particulièrement " sur des constructions non vendues sous un délai de deux années après l'achèvement ". Ces éléments ne sont pas sérieusement contestés par la société requérante, qui se borne à soutenir, pour la première fois en appel, que cette déclaration fiscale lui aurait été imposée par le service au cours des opérations de contrôle. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'ordonner la production du rapport de vérification sollicité, le moyen ainsi soulevé par la SCICV Les Oliviers des Costes doit être écarté.

7. Aux termes de l'article 257 du code général des impôts, applicable à la période d'imposition en litige : " I. - Les opérations concourant à la production ou à la livraison d'immeubles sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée dans les conditions qui suivent. (...) 2. Sont considérés : (...) 2° Comme immeubles neufs, les immeubles qui ne sont pas achevés depuis plus de cinq années (...) 3. Sont également soumises à la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Lorsqu'elles sont réalisées par des personnes assujetties au sens de l'article 256 A : a) (...) les livraisons à soi-même d'immeubles neufs lorsque ceux-ci ne sont pas vendus dans les deux ans qui suivent leur achèvement (...) ". Aux termes de l'article 269 du même code : " 1 Le fait générateur de la taxe se produit : (...) b) Pour les livraisons à soi-même d'immeubles visées au I de l'article 257, au moment de la livraison qui intervient lors du dépôt à la mairie de la déclaration prévue par la réglementation relative au permis de construire. (...) 2. La taxe est exigible : a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur (...) ". Enfin, aux termes de l'article 270 du même code : " (...) II. - La liquidation de la taxe exigible au titre des livraisons à soi-même mentionnées au a du 1° du 3 du I de l'article 257 peut être effectuée jusqu'au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle au cours de laquelle est intervenu l'achèvement de l'immeuble. Elle est déclarée sur la déclaration mentionnée à l'article 287 dans les conditions fixées par un décret en Conseil d'Etat. ".

8. La SCICV Les Oliviers des Costes a notamment pour objet l'acquisition d'un terrain situé à Solliès-Toucas, la construction, sur ce terrain, de tous immeubles, ainsi que la vente et, accessoirement, la location des immeubles construits. Par un acte du 22 mai 2007, la société a acquis un terrain à bâtir d'une superficie de 3 079 mètres carrés situé à Solliès-Toucas pour un montant de 270 000 euros. La société a édifié sur ce terrain un ensemble immobilier comprenant un total de neuf logements. L'immeuble a été déclaré achevé le 26 janvier 2012. Il est constant qu'à l'exception d'un seul lot à usage d'habitation vendu en mars 2012, les huit autres lots ont été mis en location soit avant, soit immédiatement après l'achèvement des travaux et seuls deux d'entre eux ont ensuite été revendus dans le délai de deux ans à compter de leur achèvement au profit de deux associés de la SCICV. Dans ces conditions, l'administration fiscale a soumis à la taxe sur la valeur ajoutée, en application du a du 1 ° du 3 du I de l'article 257 du code général des impôts, les six lots qui n'avaient pas été vendus dans les deux ans suivant leur achèvement. La circonstance que ces lots puissent être regardés comme des immeubles neufs au sens du 2 du I de l'article 257 du code général des impôts dès lors qu'ils n'étaient pas achevés depuis plus de cinq ans à la date du 31 décembre 2014 ne faisait pas obstacle à l'application du a du 1° du 3 du I du même article qui prévoit, en tout état de cause, l'imposition à la taxe sur la valeur ajoutée des biens non revendus dans le délai de deux ans à compter de leur achèvement. C'est donc à bon droit que l'administration a considéré que ces biens étaient constitutifs de livraisons à soi-même d'immeubles neufs imposables à la taxe sur la valeur ajoutée sur le fondement des dispositions précitées du code général des impôts.

9. La société requérante ne peut utilement invoquer, à l'appui de sa contestation portant sur les rappels de taxe sur la valeur ajoutée, les dispositions de l'article 239 ter du code général des impôts, qui précisent les modalités selon lesquelles les sociétés civiles qui ont pour objet la construction d'immeubles en vue de leur vente échappent au régime de l'impôt sur les sociétés et sont soumises à l'impôt sur le revenu en vertu de l'article 8 du code général des impôts.

10. Aux termes du 1 du I de l'article 271 du code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération ". Aux termes de l'article 261 D du même code : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : (...) 2° Les locations de terrains non aménagés et de locaux nus, à l'exception des emplacements pour le stationnement des véhicules ; (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ", et aux termes du I de l'article 206 de la même annexe : " Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. ".

11. Il résulte de l'instruction que la société requérante n'a proposé aucune vente à l'état futur d'achèvement dans le cadre de son programme et a intégralement financé les opérations de construction à partir d'un contrat de prêt bancaire à long terme, de 800 000 euros et d'une durée de quinze ans, complété par un autre emprunt bancaire de vingt ans de 50 000 euros et par des apports en compte-courant d'associés à hauteur de 200 000 euros par associé. Il n'est pas contesté que le contrat de prêt précise que les fonds prêtés sont destinés à la " résidence principale " et à des " constructions à usage locatif ", sans autre précision. Si la société requérante fait valoir son souhait initial d'obtenir un prêt dans le cadre d'un projet de promotion immobilière, le courrier de son établissement bancaire du 28 septembre 2016 et l'attestation d'un responsable de la banque du 11 août 2015, établis postérieurement à la vérification de comptabilité de la société, ne suffisent pas à établir son intention de réaliser une telle opération, aucune preuve de dépôt d'une telle demande de financement n'étant au demeurant versée au dossier. Il n'est pas davantage établi que les biens en cause auraient été initialement acquis dans une perspective de vente.

12. Si la commercialisation des neuf logements constituant l'ensemble immobilier a débuté au cours du quatrième trimestre de l'année 2011, un seul logement a été vendu directement par la SCICV Les Oliviers des Costes à un tiers, en mars 2012, ainsi qu'il a été dit au point 8. Par ailleurs, les lots n° 3, 4 et 14, qui sont les seuls à avoir été mis en vente auprès d'agences immobilières, ont été mis en location peu de temps après l'achèvement de la construction le 26 janvier 2012, soit le 15 mars 2012 pour le lot n° 3, le 1er avril 2012 pour le lot n° 4 et le 15 juin 2012 pour le lot n° 14. Les lots n° 2, n° 5 et n° 15 ont été respectivement mis en location les 2 janvier 2012, 25 janvier 2012 et 7 novembre 2011, soit avant la date d'achèvement des travaux de l'immeuble. Enfin, les deux lots n° 16 et 17 n'ont fait l'objet d'aucune démarche de commercialisation et ont été donnés en location à deux des trois associés de la SCICV Les Oliviers des Costes à compter du 1er septembre 2012, avant de leur être cédés le 1er juillet 2013. Les locations ont toutes fait l'objet de baux de location vide d'une durée de trois ans et se sont déroulées de manière régulière et continue, sans qu'ait d'incidence la circonstance que certains locataires se soient succédés sur de courtes périodes. Au 26 janvier 2014, soit deux ans après la date d'achèvement des constructions, six logements, correspondant aux lots n° 2, 3, 4, 5, 14 et 15, restaient ainsi invendus.

13. Il n'est pas contesté que la cession des deux lots n° 16 et 17 en juillet 2013 à deux associés de la société requérante ainsi que celle du lot n° 15 le 19 novembre 2015 à la SCI Emma gérée par le troisième associé et sa fille, n'ont généré, eu égard à leur prix de revient, aucun profit mais des pertes d'exploitation pour la société. Compte tenu de ces différents éléments, et alors même que deux autres lots ont été par la suite vendus en 2016 et 2017, la société requérante doit être regardée, à la date d'achèvement des biens, comme ayant eu pour intention première de louer les biens immobiliers plutôt que de les céder et comme n'ayant, en tout état de cause, pas accompli de diligences suffisantes manifestant son intention de céder les biens en cause, en particulier les six logements qui demeuraient invendus deux ans après leur achèvement. A cet égard, les attestations, établies de manière stéréotypée et postérieurement aux opérations de contrôle, par des tiers certifiant avoir été démarchés par la société requérante, et les quelques annonces parues sur deux sites internet, ne sauraient suffire à justifier des démarches de commercialisation foncière effectuées dans le cadre d'un projet de promotion immobilière. La circonstance que la mise en location des biens en cause serait la conséquence de difficultés financières subies par la requérante et de l'état du marché immobilier, et ne correspondrait ainsi pas à son intention première, n'est pas davantage établie alors qu'en tout état de cause, et quelle que fût l'évolution du marché immobilier à cette période, la durée des baux consentis s'opposait à une revente rapide des biens. Enfin, si la société se prévaut de ce que l'ensemble de ses biens était inscrit en stocks et était donc destiné à la vente, cette circonstance est sans incidence dès lors qu'il résulte de ce qui a été exposé ci-dessus que les six logements en cause demeuraient invendus plus de deux ans après la date de leur achèvement et étaient utilisés pour une activité de location de locaux nus, exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en vertu du 2° de l'article 261 D du code général des impôts.

14. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les six appartements invendus au 26 janvier 2014 étaient destinés, dès leur achèvement, à une activité de location de locaux nus à usage d'habitation, et non à la vente, et qu'elle a refusé, s'agissant d'une activité de location de locaux nus exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en vertu des dispositions précitées du code général des impôts, la déduction de la taxe afférente à ces logements.

En ce qui concerne les conclusions présentées à titre subsidiaire :

15. Aux termes de l'article L. 205 du livre des procédures fiscales : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition ". Par ailleurs, aux termes du 3 de l'article 283 du code général des impôts : " 3. Toute personne qui mentionne la taxe sur la valeur ajoutée sur une facture est redevable de la taxe du seul fait de sa facturation. "

16. La société requérante se prévaut de la circonstance qu'elle a spontanément acquitté la taxe sur la valeur ajoutée d'un montant de 106 666 euros, correspondant aux ventes des lots n° 15, 4 et 2 précités, intervenues respectivement en 2015, 2016 et 2017, et qu'elle a procédé à deux régularisations effectuées au titre des déclarations trimestrielles de taxe sur la valeur ajoutée de décembre 2016 et août 2017, d'un montant de 83 048 euros. Le montant total de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée à ce titre s'élève ainsi à la somme de 189 714 euros. La société requérante demande la compensation de cette somme avec celle de 212 697 euros correspondant aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige. Toutefois, la compensation en matière de taxes sur le chiffre d'affaires doit s'effectuer entre impositions dues et payées au cours de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement en litige. Il est constant que la période concernée par l'avis de mise en recouvrement émis le 15 décembre 2017 s'étend du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014. Il suit de là que la société requérante ne peut demander le bénéfice de la compensation prévue par les dispositions précitées du livre des procédures fiscales.

17. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été dit précedemment que la SCI Les Oliviers des Costes n'était pas fondée à déduire la taxe sur la valeur ajoutée due sur la livraison à soi-même des lots non vendus à la date du 26 janvier 2014, soit deux ans après leur achèvement. La circonstance qu'elle ait vendu postérieurement, entre 2015 et 2017, trois de ces biens et ait été assujettie, au titre de ces cessions, à la taxe sur la valeur ajoutée n'est pas, par elle-même, de nature à lui ouvrir droit à la restitution de cette taxe, qui a été facturée et collectée conformément aux dispositions précitées des articles 257 et 283 du code général des impôts et devait ainsi être reversée. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions à fin de restitution de la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en 2015, la société appelante n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait fait l'objet d'une double imposition contraire au principe de neutralité fiscale.

18. La société requérante justifie cependant avoir procédé à des régularisations de taxe sur la valeur ajoutée en 2016 pour un montant de 5 433 euros et en 2017 pour un montant de 77 615 euros et produit à cet effet ses déclarations CA 3 de décembre 2016 et d'août 2017 mentionnant ces sommes au titre de la " TVA antérieurement déduite à reverser ", ainsi que ses relevés de compte portant sur les débits afférents. Le calcul de ces régularisations, qui tient compte du prix de revient des biens en stock restant invendus, des travaux effectués sur les biens et de la vente des deux biens intervenus en 2016 et 2017, est explicité et ne fait l'objet d'aucune contradiction utile de la part de l'administration fiscale. Ainsi, ces éléments sont de nature à justifier que l'administration fiscale aurait dû, lors de la mise en recouvrement des rappels de taxe sur la valeur ajoutée litigieux, déterminés eux aussi à partir du prix de revient des biens en stock, tenir compte de ces régularisations. Par suite, la SCICV Les Oliviers des Costes est fondée à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur de la somme de 83 048 euros.

19. Enfin, la société requérante ne peut valablement demander que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, afférents à la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, soient actualisés à une date postérieure et ramenés à la somme de 15 669 euros, afin de tenir compte de la valeur des biens restant en stock à la date de l'avis de mise en recouvrement, soit au 15 décembre 2017. Cette réduction ne saurait davantage être obtenue par compensation avec les régularisations de 83 048 euros effectuées en 2016 et 2017, compte tenu de ce qui a été exposé au point 16. Par suite et en tout état de cause, les conclusions subsidiaires présentées à ce titre doivent être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner l'expertise sollicitée à titre infiniment subsidiaire par la SCICV Les Oliviers des Costes, que cette dernière est seulement fondée à demander la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée à hauteur d'une somme de 83 048 euros.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions de la société requérante présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : L'Etat est condamné à restituer à la SCICV Les Oliviers des Costes une somme de 83 048 euros au titre de la taxe sur la valeur ajoutée mise à sa charge pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014.

Article 2 : Le jugement n° 1903640 du tribunal administratif de Toulon du 11 avril 2022 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société civile immobilière de construction vente Les Oliviers des Costes, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 4 mai 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- M. Mahmouti, premier conseiller,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mai 2023.

2

N° 22MA01601


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA01601
Date de la décision : 26/05/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-06-02 Contributions et taxes. - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées. - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : FINET

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-05-26;22ma01601 ?
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