Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Sous le n° 1905109, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 21 août 2019 par laquelle le président de la Métropole Nice Côte d'Azur l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois, de condamner ladite métropole à lui payer la somme 9 000 euros au titre des préjudices moral et matériel qu'il a subis du fait de cette décision et de mettre à la charge de ladite métropole la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sous le n° 2004652, M. B... A... a demandé à ce même tribunal de condamner ladite métropole à lui payer la somme 9 000 euros au titre des préjudices moral et matériel qu'ils a subis et de mettre à la charge de celle-ci la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°s 1905109 et 2004652 du 6 avril 2022, le tribunal administratif de Nice, après avoir joint ces deux requêtes, a annulé la décision du 21 août 2019 et condamné ladite métropole à payer à M. A... la somme de 6 000 euros, assortie des intérêts légaux à compter du 20 juillet 2020 et leur capitalisation, mis à la charge de cet établissement public une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 juin et 13 septembre 2022, la Métropole Nice Côte d'Azur, représentée par Me de Faÿ, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal :
- d'annuler le jugement n°s 1905109 et 2004652 du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Nice et de rejeter la demande présentée par M. A... devant ce tribunal ;
- de rejeter les conclusions d'appel incident de M. A... ;
2°) à titre subsidiaire, de réduire le montant de la condamnation mise à sa charge et de rejeter la demande formulée en appel par M. A... sur le fondement des dispositions de l'article R. 633-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal a statué ultra petita en mettant à sa charge une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors que le requérant avait limité sa demande à la somme de 2 000 euros ;
- c'est à tort que le tribunal a annulé la décision du 21 août 2019 alors que les faits reprochés à M. A... présentaient un caractère vraisemblable et suffisamment grave ;
- c'est par conséquent à tort que le tribunal a accordé une indemnisation à M. A... ;
- la réalité des préjudices invoqués par M. A... et leur lien de causalité avec le fait générateur des dommages ne sont pas établis ;
- la demande formulée par M. A... sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative n'est assortie d'aucun commencement de preuve et ne pourra, dès lors, qu'être rejetée.
Par des mémoires en défense et d'appel incident, enregistrés le 10 août 2022 et le 13 juin 2023, M. B... A..., représenté par Me Borgnat, conclut au rejet de la requête d'appel de la Métropole Nice Côte d'Azur et demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires et porter à la somme de 9 000 euros le montant de la réparation à laquelle doit être condamnée la Métropole Nice Côte d'Azur ;
2°) de déclarer recevable la procédure en inscription de faux visant l'attestation sur l'honneur de Mme C... (pièce adverse n° 7), un courriel du 15 juillet 2019 (pièce adverse n° 8) et un rapport hiérarchique du 15 juillet 2019 (pièce adverse n° 9) ;
3°) de mettre à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur la somme de 3 000 euros, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il apporte plusieurs éléments sérieux de nature à établir le caractère falsifié des pièces numérotées 7, 8 et 9, jointes à sa requête d'appel, ou des déclarations qu'ils contiennent ;
- la décision du 21 août 2019 ne reposait pas sur des faits vraisemblables et suffisamment graves ;
- il était fondé à demander l'allocation d'une somme de 4 000 euros pour la privation du complément indemnitaire dont il a fait l'objet pendant quatre mois ;
- le tribunal a insuffisamment évalué son préjudice moral.
Par une lettre du 5 juillet 2023, la cour a, sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative, fixé un délai de quinze jours dans lequel la Métropole Nice Côte d'Azur est tenue de déclarer si elle entend se servir des pièces qu'elle a produites et contre lesquelles M. A... a formé une demande en inscription de faux.
Par un mémoire, enregistré le 17 juillet 2023, la Métropole Nice Côte d'Azur, représentée par Me de Faÿ, a réitéré ses précédentes conclusions et demandé à la cour de rejeter les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative.
Elle déclare entendre se servir des pièces qu'elle a produites contre lesquelles M. A... a formé une demande en inscription de faux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;
- le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Lesure, représentant la Métropole Nice Côte d'Azur, et de Me Borgnat, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. A compter du 16 mars 2017, M. A... a exercé, en tant qu'agent contractuel, les fonctions de responsable de la régie publicitaire au sein de la direction des relations publiques de la Métropole Nice Côte d'Azur. Par un arrêté du 21 août 2019, le président de cet établissement public l'a suspendu de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois.
2. La Métropole Nice Côte d'Azur relève appel du jugement numéros 1905109 et 2004652 du 6 avril 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du 21 août 2019 et l'a condamnée à payer à M. A... la somme de 6 000 euros, avec intérêts à compter du 20 juillet 2020 et capitalisation, en réparation de ses préjudices subis du fait de cette décision, outre une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, M. A... demande à la cour de réformer ce jugement en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de ses conclusions indemnitaires, de porter le montant des indemnités mises à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur à la somme de 9 000 euros et présente une demande en inscription de faux contre l'attestation sur l'honneur de Mme C... (pièce adverse n°7), un courriel du 15 juillet 2019 (pièce adverse n°8) et un rapport hiérarchique du 15 juillet 2019 (pièce adverse n°9).
Sur la demande en inscription de faux présentée par M. A... :
3. Aux termes de l'article R. 633-1 du code de justice administrative : " Dans le cas d'une demande en inscription de faux contre une pièce produite, la juridiction fixe le délai dans lequel la partie qui l'a produite sera tenue de déclarer si elle entend s'en servir. / Si la partie déclare qu'elle n'entend pas se servir de la pièce, ou ne fait pas de déclaration, la pièce est rejetée. Si la partie déclare qu'elle entend se servir de la pièce, la juridiction peut soit surseoir à statuer sur l'instance principale jusqu'après le jugement du faux rendu par le tribunal compétent, soit statuer au fond, si elle reconnaît que la décision ne dépend pas de la pièce arguée de faux. ". Sauf dans le cas où une loi prévoit expressément que les mentions d'un acte administratif font foi jusqu'à inscription de faux, le principe de séparation des autorités administrative et judiciaire fait obstacle à ce que l'exactitude de telles mentions soit appréciée par un tribunal de l'ordre judiciaire.
4. M. A... soutient que le rapport daté du 15 juillet 2019 rédigé par Mme C..., sa supérieure hiérarchique, qui n'a été produit ni lors de la procédure menant à sa suspension, ni devant les premiers juges, constitue un faux établi pour les besoins de l'appel, tout comme l'attestation sur l'honneur de ladite supérieure hiérarchique et un courriel correspondant. La circonstance invoquée par M. A... et les seules déductions dont il fait état ne sont toutefois pas de nature à l'évidence à démontrer que les pièces arguées de faux seraient falsifiées, alors que, par ailleurs, la Métropole Nice Côte d'Azur verse aux débats un constat d'huissier certifiant que Mme C... a envoyé par courriel ledit rapport à la date de sa rédaction. Par suite, la contestation élevée par M. A... au sujet de l'authenticité de ces pièces ne présente pas de caractère sérieux. Il n'y a, dès lors, pas lieu de surseoir à statuer sur l'instance principale et les conclusions présentées par M. A... sur le fondement de l'article R. 633-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
Sur le bien-fondé du jugement du 6 avril 2022 :
En ce qui concerne la légalité de la décision du 21 août 2019 par laquelle le président de la Métropole Nice Côte d'Azur a suspendu M. A... de ses fonctions à titre conservatoire pour une durée de quatre mois :
5. Il appartient à l'autorité compétente, lorsqu'elle estime que l'intérêt du service l'exige, d'écarter provisoirement de son emploi un agent contractuel, en attendant qu'il soit statué disciplinairement sur sa situation. Une telle suspension peut être prononcée lorsque les faits imputés à l'intéressé présentent un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité.
6. Pour prendre la mesure contestée, le président de la Métropole s'est fondé sur le fait qu'il estimait que " dans le cadre de ses missions, et plus particulièrement celles afférentes au Nice Jazz Festival 2019, (M. A...) aurait, auprès de différents partenaires de la Ville de Nice, et à plusieurs reprises, porté des critiques négatives sur la collectivité territoriale et tenu des propos douteux sur son fonctionnement " et a considéré que " ces agissements sont de nature à jeter le discrédit et à porter gravement atteinte à l'image, à l'honorabilité et à l'intégrité de l'administration ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, le 15 juillet 2019, la supérieure hiérarchique de M. A... a adressé au directeur de cabinet adjoint du président de la Métropole un rapport de onze pages dans lequel elle a notamment indiqué de manière circonstanciée que l'intéressé adoptait une attitude fréquemment critique à son égard, tenait des propos négatifs auprès des partenaires extérieurs et indiquait que celui-ci avait " mené une politique commerciale très agressive en affirmant à un partenaire que, sur demande du cabinet du maire, celui-ci devait acheter davantage d'espaces s'il voulait se voir prêter du matériel ". En l'absence d'élément contraire pertinent, de tels faits présentaient, à la date de la décision contestée, un caractère suffisant de vraisemblance et de gravité pour justifier que soit prise à l'encontre de M. A..., dans l'intérêt du service, une mesure de suspension conservatoire de fonctions d'une durée de quatre mois. Par suite, la Métropole Nice Côte d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice a annulé cette mesure.
En ce qui concerne le préjudice subi par M. A... du fait de l'illégalité de la décision du 21 août 2019 :
8. Par voie de conséquence de ce qui vient d'être dit au point précédent, M. A... n'est pas fondé à demander la réparation des préjudices qu'il aurait subis en raison de la prétendue illégalité de la décision du 21 août 2019.
9. Par suite, la Métropole Nice Côte d'Azur est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Nice l'a condamnée à payer à M. A..., en réparation de son préjudice subi du fait de l'illégalité de la décision en date du 21 août 2019, une somme de 6 000 euros.
10. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu d'annuler le jugement attaqué, sans qu'il soit besoin d'examiner sa régularité, et de rejeter les demandes présentées par M. A... devant ce tribunal.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Métropole Nice Côte d'Azur qui, dans la présente instance, n'est pas partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. A... non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement numéros 1905109 et 2004652 du 6 avril 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : Les demandes présentées par M. A... devant le tribunal administratif de Nice sont rejetées.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la Métropole Nice Côte d'Azur et à M. B... A....
Délibéré après l'audience du 7 septembre 2023 où siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 22 septembre 2023.
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N° 22MA01597