Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision implicite née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande de titre de séjour présentée le 13 mars 2019 et d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié ".
Par un jugement n° 1904818 du 27 janvier 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 16 mars 2022, M. A..., représenté par Me Lavie, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 27 janvier 2022 ;
2°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à vivre et travailler en France.
Il soutient que :
- la décision du préfet méconnaît l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il est titulaire d'une carte de séjour de résident grec de longue durée en cours de validité et qu'il a habité et travaillé de manière régulière en Grèce depuis l'année 2001 ; de plus, son employeur a fait une demande d'autorisation de travail auprès de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi ; il manque beaucoup de main-d'œuvre en France dans le secteur du bâtiment ; il justifie d'un contrat de travail à durée indéterminée conclu le 19 octobre 2018 ;
- le récépissé de demande de titre contient une erreur puisqu'il est noté qu'il a fait une demande de titre de séjour portant la mention " visiteur ", ne l'autorisant pas ainsi à travailler ;
- toute sa famille réside en France, pays où il a fixé le centre de ses intérêts professionnels et familiaux et où son fils ainé est scolarisé ;
- la décision du préfet méconnaît la circulaire Valls du 28 novembre 2012.
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par ordonnance du 31 mai 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 juin 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu, au cours de l'audience publique, le rapport de M. Martin.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité albanaise, s'est vu délivrer un récépissé de demande de titre de séjour portant la mention " visiteur " valable du 13 mars 2019 au 12 septembre 2019. Par une demande du 8 octobre 2019, il a sollicité du tribunal administratif de Nice que soit prononcée l'annulation de la décision implicite de rejet née du silence gardé par le préfet des Alpes-Maritimes sur sa demande de titre de séjour en qualité de salarié. Par un jugement du 27 janvier 2022, le tribunal, après avoir regardé les conclusions de M. A... comme étant dirigées contre la décision du 9 juin 2020 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a expressément rejeté sa demande de titre de séjour portant la mention " salarié ", a rejeté les demandes d'annulation et d'injonction présentées devant lui par M. A.... Ce dernier relève appel dudit jugement dans la présente instance.
2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile applicable au litige : " L'étranger titulaire de la carte de résident de longue durée-UE définie par les dispositions communautaires applicables en cette matière et accordée dans un autre Etat membre de l'Union européenne qui justifie de ressources stables et suffisantes pour subvenir à ses besoins et, le cas échéant, à ceux de sa famille ainsi que d'une assurance maladie obtient, sous réserve qu'il en fasse la demande dans les trois mois qui suivent son entrée en France et sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée : / (...) 5° Une carte de séjour temporaire portant la mention de l'activité professionnelle pour laquelle il a obtenu l'autorisation préalable requise, dans les conditions définies, selon le cas, aux 1°, 2° ou 3° de l'article L. 313-10. (...) ". Selon l'article L. 313-10 de ce même code : " Une carte de séjour temporaire, d'une durée maximale d'un an, autorisant l'exercice d'une activité professionnelle est délivrée à l'étranger : / 1° Pour l'exercice d'une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée, dans les conditions prévues à l'article L. 5221-2 du code du travail. Elle porte la mention " salarié ". (...) ".
3. D'autre part, en vertu de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : (...) / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Selon l'article R. 5221-3 de ce même code, dans sa version applicable au litige : " L'autorisation de travail peut être constituée par l'un des documents suivants : (...) / 8° La carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", délivrée en application du 1° de l'article L. 313-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou le visa de long séjour valant titre de séjour mentionné au 7° de l'article R. 311-3 du même code, accompagné du contrat de travail visé. / Elle autorise à exercer une activité professionnelle salariée dans le respect des termes de l'autorisation de travail accordée. (...) ". Et aux termes de l'article R. 5221-11 du code du travail alors applicable au litige : " La demande d'autorisation de travail relevant des 4°, 8°, 9°, 13° et 14° de l'article R. 5221-3 est faite par l'employeur. / Elle peut également être présentée par une personne habilitée à cet effet par un mandat écrit de l'employeur. ".
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour formulée par M. A..., le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé n'a produit aucune autorisation de travail validée par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi. Si M. A... soutient que son employeur a bien déposé une demande d'autorisation de travail conformément aux dispositions citées au point précédent du code du travail, notamment de son article R. 5221-11, il ne justifie pas plus en appel qu'en première instance de la réalité d'une telle démarche. Si M. A..., qui fait état d'une pénurie de main-d'œuvre dans le secteur du bâtiment, se prévaut également de la détention d'un contrat de travail à durée indéterminée en qualité d'ouvrier du bâtiment, conclu le 19 octobre 2018 avec la SARL A.S Construction, et qu'il produit plusieurs bulletins de salaire couvrant la période d'octobre 2018 à février 2019, il ressort des pièces du dossier que ce contrat n'est pas visé par les autorités compétentes. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision du préfet des Alpes-Maritimes aurait été prise en méconnaissance de l'article L. 313-4-1 alors en vigueur du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la circonstance qu'il est en possession d'une carte de résident de longue durée-UE délivrée par la Grèce, pays où il déclare avoir vécu depuis l'année 2001, n'étant pas de nature à l'exonérer du respect de l'ensemble des conditions législatives et réglementaires fixées pour la délivrance d'une carte de séjour temporaire au titre du 5° de ce même article.
5. En deuxième lieu, la circonstance que le récépissé de demande de carte de séjour délivré le 13 mars 2019 contient une erreur, en ce qu'il se réfère, à tort, à une demande de carte portant la mention " visiteur ", est insusceptible d'exercer une influence sur la légalité de la décision attaquée portant rejet de la demande de carte de séjour temporaire en qualité de salarié formulée par l'appelant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
7. M. A..., qui n'apporte à la Cour aucune précision sur sa date d'entrée en France et donc sur la durée de son séjour sur le territoire national à la date de la décision attaquée, soutient néanmoins qu'il y a fixé le centre de ses intérêts professionnels et familiaux. Toutefois, outre qu'il ne fait état de la présence en France d'aucun autre membre de sa famille que son épouse et les deux enfants du couple, dont le plus jeune est né à Cannes le 30 avril 2020, il n'apporte aucune précision sur la situation de son épouse en France et, notamment, il n'établit pas ni même n'allègue qu'elle bénéficierait d'un titre de séjour délivré par les autorités françaises. A l'exception de son activité professionnelle de maçon et de la scolarisation en France de son fils aîné, né le 22 octobre 2005, à compter de l'année scolaire 2018-2019, l'appelant ne se prévaut d'aucune intégration particulière. Dans ces conditions, compte tenu notamment des conditions du séjour en France de M. A..., la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des objectifs de cette mesure. Par suite, à les supposer soulevés, les moyens tirés d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.
8. En quatrième et dernier lieu, dès lors qu'un étranger ne détient aucun droit à l'exercice par le préfet de son pouvoir de régularisation, il ne peut utilement se prévaloir, sur le fondement de ces dispositions, des orientations générales contenues dans la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 pour l'exercice de ce pouvoir. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu cette circulaire ne peut qu'être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'annulation et d'injonction doivent, par conséquent, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président-assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 3 octobre 2023.
2
N° 22MA00847