Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 4 avril et 22 août 2022, et le 24 juillet 2023, la société par actions simplifiée (SAS) Brignoldis, représentée par Me Gras, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le maire de Brignoles a refusé de lui délivrer un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, en vue de la démolition du bâtiment existant sur la parcelle cadastrée section AM n° 157, située route de Marseille, au lieu-dit C..., dans le quartier Saint-Jean, à Brignoles (83170), puis la construction d'un point de retrait de marchandises par accès automobiles, exploité sous l'enseigne " E. Leclerc Drive " ;
2°) d'enjoindre à la Commission nationale d'aménagement commercial et au maire de Brignoles de réexaminer sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, dans un délai de quatre mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Brignoles la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- par application des dispositions de l'article L. 600-10 du code de l'urbanisme, la cour administrative d'appel de Marseille est compétente pour connaître de cette requête ;
- la commune de Brignoles ne produisant pas, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales, la délibération habilitant son maire à ester en justice, son mémoire en défense produit le 21 juin 2022 doit être écarté des débats ;
- la fin de non-recevoir opposée par la commune de Brignoles doit être écartée au vu de l'extrait Kbis qu'elle produit ;
- sur la légalité de l'arrêté du maire de Brignoles du 8 février 2022 :
. cet arrêté est entaché du vice d'incompétence ;
. elle est recevable à exciper de l'illégalité de l'avis défavorable émis par la Commission nationale d'aménagement commercial :
. cet avis méconnaît les dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce et la Commission nationale d'aménagement commercial a commis une erreur de droit en conditionnant un avis favorable à la levée de toutes les réserves procédant du précédent avis défavorable ;
. cet avis méconnaît les dispositions du b), du c) et du d) du I de l'article L. 752-6 du code de commerce ;
. l'arrêté attaqué du maire de Brignoles du 8 février 2022 a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 juin et 5 septembre 2022, la commune de Brignoles, représentée par Me Reghin, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir, dans le dernier état de ses écritures, que :
- c'est par erreur qu'elle a produit devant la Cour son premier mémoire, le 21 juin 2022, et elle sollicite le remplacement de celui-ci par le second qui a été enregistré le 5 septembre 2022 ;
- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que la qualité pour agir du représentant de D... n'est pas établie ;
- à titre subsidiaire :
. si D... soulève l'illégalité, par exception, de l'avis défavorable rendu par la Commission nationale d'aménagement commercial le 28 octobre 2021, elle n'entend pas contester l'argumentation développée par cette société et elle s'en remet à l'appréciation souveraine de la Cour sur ce point ;
. les moyens tirés du vice d'incompétence et de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2023, la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Le 20 juillet 2023, la commune de Brignoles, représentée par Me Reghin, a produit l'entier dossier de demande de permis de construire déposé par D... ainsi qu'une copie de la délibération n° 3750/07/20 de son conseil municipal du 10 juillet 2020, en réponse à une mesure d'instruction qui lui a été adressée, le 19 juillet 2023 par application de l'article R. 611-10 du code de justice administrative.
Par un nouveau mémoire en défense, enregistré le 17 août 2023 et non communiqué, la commune de Brignoles, représentée par Me Reghin, persiste dans ses précédentes conclusions, par les mêmes moyens.
Elle fait, en outre, valoir que :
- en réponse à la mesure d'instruction susvisée de la Cour, elle a produit la délibération du 10 juillet 2020 par laquelle son conseil municipal a autorisé son maire à agir en justice et ses écritures sont donc recevables ;
- s'agissant de l'application de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, des prescriptions s'avèreraient trop nombreuses et nécessiteraient une modification de la configuration des éléments du projet litigieux.
La procédure a été communiquée à la société en nom collectif (SNC) Lidl qui n'a pas présenté de mémoire.
Par une ordonnance du 25 juillet 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 28 juillet 2023, a été reportée au 23 août 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Djebali, substituant Me Gras, représentant D..., et celles de Me Reghin, représentant la commune de Brignoles.
Considérant ce qui suit :
1. D... a déposé, le 11 mars 2021, puis complété le 16 juillet suivant, un dossier de demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale en vue de la démolition du bâtiment existant sur la parcelle cadastrée section AM n° 157, située route de Marseille, au lieu-dit C..., dans le quartier Saint-Jean, sur le territoire de la commune de Brignoles, puis la construction d'un point de retrait de marchandises par accès automobiles, exploité sous l'enseigne " E. Leclerc Drive ". Le 31 mai 2021, la commission départementale d'aménagement commercial du Var a tacitement émis un avis favorable à ce projet. Mais cet avis a été contesté devant la Commission nationale d'aménagement commercial par la société en nom collectif (SNC) Lidl. Le 28 octobre 2021, la Commission nationale d'aménagement commercial a rendu un avis défavorable. D... demande à la Cour d'annuler l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le maire de Brignoles a, suite à cet avis, refusé de lui délivrer le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale ainsi sollicité.
Sur la recevabilité du mémoire en défense de la commune de Brignoles :
2. Aux termes de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : / (...) 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". Aux termes de l'article L. 2132-1 du même code : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune. ". Enfin, aux termes de l'article L. 2132-2 dudit code : " Le maire, en vertu de la délibération du conseil municipal, représente la commune en justice. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que le conseil municipal de Brignoles a, par une délibération du 10 juillet 2020, qui reprend les termes précités de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales, entendu autoriser son maire à ester en justice, tant en demande qu'en défense. Il n'y a donc pas lieu d'écarter des débats les écritures présentées par un avocat, au nom de la commune de Brignoles, représentée par son maire en exercice.
Sur la légalité de l'arrêté du maire de Brignoles du 8 février 2022 :
En ce qui concerne le vice d'incompétence :
4. Aux termes de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales : " Le maire est seul chargé de l'administration, mais il peut, sous sa surveillance et sa responsabilité, déléguer par arrêté une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) Le maire certifie, sous sa responsabilité, le caractère exécutoire de ces actes. ". En vertu de l'article R. 2122-7 du même code, d'une part, la publication des arrêtés du maire est constatée par une déclaration certifiée de celui-ci, d'autre part, il est tenu dans chaque commune un registre où sont inscrites les dates d'édiction, de publication et de notification de ces arrêtés. La mention " publié " apposée, sous la responsabilité du maire, sur un acte communal fait foi jusqu'à preuve du contraire.
6. Une délégation du maire habilitant l'un de ses adjoints à signer toutes les décisions relevant du code de l'urbanisme doit être regardée comme habilitant son titulaire à signer les arrêtés accordant un permis de construire, y compris lorsque le permis, en application de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme, tient lieu de l'autorisation d'exploitation commerciale prévue par l'article L. 752-1 du code de commerce.
7. Il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 2122-18 du code général des collectivités territoriales, le maire de Brignoles a accordé, par un arrêté du 2 mars 2021, une délégation de fonction et de signature à M. B... A..., son 8ème adjoint, à l'effet de signer, notamment, les autorisations d'urbanisme. En outre, il ressort des mentions portées sur cet arrêté de délégation que celui-ci a fait l'objet d'une transmission au représentant de l'Etat le 9 mars 2021, qu'il a été affiché à compter du 10 mars 2021 et qu'il a été publié au recueil des actes administratifs de la commune de Brignoles. Par suite, en l'absence de tout élément de nature à remettre en cause les mentions portées sur cet arrêté, qui font foi jusqu'à preuve du contraire et alors même que le maire n'a pas certifié l'affichage de cet acte, le moyen tiré de l'incompétence de son signataire doit être écarté comme manquant en fait.
En ce qui concerne l'avis émis le 28 octobre 2021 par la Commission nationale d'aménagement commercial :
8. A l'appui de sa requête, D... soutient que le refus du maire de Brignoles est illégal du fait de l'illégalité de l'avis défavorable émis le 28 octobre 2021 par la Commission nationale d'aménagement commercial.
S'agissant de la procédure dite " de revoyure " :
9. L'article L. 752-21 du code de commerce dispose que : " Un pétitionnaire dont le projet a été rejeté pour un motif de fond par la Commission nationale d'aménagement commercial ne peut déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain, à moins d'avoir pris en compte les motivations de la décision ou de l'avis de la commission nationale. (...) ". Il résulte de ces dispositions que lorsqu'un projet soumis à permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale fait l'objet d'un avis défavorable de la Commission nationale d'aménagement commercial pour un motif de fond, une nouvelle demande d'autorisation de construire valant autorisation d'exploitation commerciale à raison d'un nouveau projet sur le même terrain ne peut être soumise, pour avis, à une commission d'aménagement commercial que pour autant que le pétitionnaire justifie que sa demande comporte des modifications en lien avec la motivation de l'avis antérieur de la Commission nationale d'aménagement commercial. Il en découle qu'il appartient à la commission d'aménagement commercial saisie de ce nouveau projet de vérifier que cette condition préalable est satisfaite et, seulement dans l'hypothèse où elle l'est, de procéder au contrôle qui lui incombe du respect des autres exigences découlant du code de commerce, y compris, s'agissant des exigences de fond, de celles dont il avait été antérieurement estimé qu'elles avaient été méconnues ou dont il n'avait pas été fait mention dans l'avis de la Commission nationale d'aménagement commercial (Conseil d'Etat, 21 juillet 2023, n° 461753, B).
10. Après avoir rappelé, dans son avis litigieux du 28 octobre 2021, qu'elle avait déjà émis, le 8 juillet 2020, un avis défavorable sur un précédent projet de même nature, sur le même terrain, la Commission nationale d'aménagement commercial a rappelé que, dans un tel cas,
et aux termes des dispositions précitées de l'article L. 752-21 du code de commerce,
le pétitionnaire ne pouvait déposer une nouvelle demande d'autorisation sur un même terrain,
à moins d'avoir pris en compte les motivations de l'avis précédent. Toutefois, un tel rappel
ne constitue pas un motif propre de l'avis du 28 octobre 2021 dès lors qu'il est constant que, comme l'observe D..., la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas refusé d'examiner le nouveau projet en se prévalant de ces dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce, mais qu'au contraire, elle a instruit la demande et a procédé au contrôle qui lui incombe du respect des autres exigences découlant du code de commerce. Il suit de là que les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions de l'article L. 752-21 du code de commerce et de l'erreur de droit doivent être écartés.
En ce qui concerne le respect des objectifs et des critères de l'article L. 752-6 du code de commerce :
11. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " (...) La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / e) La contribution du projet à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre ; / f) Les coûts indirects supportés par la collectivité en matière notamment d'infrastructures et de transports ; / 2° En matière de développement durable : / a) La qualité environnementale du projet, notamment du point de vue de la performance énergétique et des émissions de gaz à effet de serre par anticipation du bilan prévu aux 1° et 2° du I de l'article L. 229-25 du code de l'environnement, du recours le plus large qui soit aux énergies renouvelables et à l'emploi de matériaux ou procédés éco-responsables, de la gestion des eaux pluviales, de l'imperméabilisation des sols et de la préservation de l'environnement ; / b) L'insertion paysagère et architecturale du projet, notamment par l'utilisation de matériaux caractéristiques des filières de production locales ; / c) Les nuisances de toute nature que le projet est susceptible de générer au détriment de son environnement proche. / Les a et b du présent 2° s'appliquent également aux bâtiments existants s'agissant des projets mentionnés au 2° de l'article L. 752-1 ; / 3° En matière de protection des consommateurs : / a) L'accessibilité, en termes, notamment, de proximité de l'offre par rapport aux lieux de vie ; / b) La contribution du projet à la revitalisation du tissu commercial, notamment par la modernisation des équipements commerciaux existants et la préservation des centres urbains ; / c) La variété de l'offre proposée par le projet, notamment par le développement de concepts novateurs et la valorisation de filières de production locales ; / d) Les risques naturels, miniers et autres auxquels peut être exposé le site d'implantation du projet, ainsi que les mesures propres à assurer la sécurité des consommateurs. / II.- A titre accessoire, la commission peut prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. / III. - La commission se prononce au vu d'une analyse d'impact du projet, produite par le demandeur à l'appui de sa demande d'autorisation. Réalisée par un organisme indépendant habilité par le représentant de l'Etat dans le département, cette analyse évalue les effets du projet sur l'animation et le développement économique du centre-ville de la commune d'implantation, des communes limitrophes et de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dont la commune d'implantation est membre, ainsi que sur l'emploi, en s'appuyant notamment sur l'évolution démographique, le taux de vacance commerciale et l'offre de mètres carrés commerciaux déjà existants dans la zone de chalandise pertinente, en tenant compte des échanges pendulaires journaliers et, le cas échéant, saisonniers, entre les territoires. / IV. - Le demandeur d'une autorisation d'exploitation commerciale doit démontrer, dans l'analyse d'impact mentionnée au III, qu'aucune friche existante en centre-ville ne permet l'accueil du projet envisagé. En l'absence d'une telle friche, il doit démontrer qu'aucune friche existante en périphérie ne permet l'accueil du projet envisagé. / V. - L'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être délivrée pour une implantation ou une extension qui engendrerait une artificialisation des sols, au sens du neuvième alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme. / Toutefois, une autorisation d'exploitation commerciale peut être délivrée si le pétitionnaire démontre, à l'appui de l'analyse d'impact mentionnée au III du présent article, que son projet s'insère en continuité avec les espaces urbanisés dans un secteur au type d'urbanisation adéquat, qu'il répond aux besoins du territoire et qu'il obéit à l'un des critères suivants : / 1° L'insertion de ce projet, tel que défini à l'article L. 752-1, dans le secteur d'intervention d'une opération de revitalisation de territoire ou dans un quartier prioritaire de la politique de la ville ; / 2° L'insertion du projet dans une opération d'aménagement au sein d'un espace déjà urbanisé, afin de favoriser notamment la mixité fonctionnelle du secteur concerné ; / 3° La compensation par la transformation d'un sol artificialisé en sol non artificialisé, au sens de l'avant-dernier alinéa de l'article L. 101-2-1 du code de l'urbanisme ; / 4° L'insertion au sein d'un secteur d'implantation périphérique ou d'une centralité urbaine identifiés dans le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale entré en vigueur avant la publication de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets ou au sein d'une zone d'activité commerciale délimitée dans le règlement du plan local d'urbanisme intercommunal entré en vigueur avant la publication de la même loi. / Les deuxième à sixième alinéas du présent V sont applicables uniquement aux projets ayant pour objet : / a) La création d'un magasin de commerce de détail ou d'un ensemble commercial d'une surface de vente inférieure à 10 000 mètres carrés ; / b) L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ou d'un ensemble commercial dès lors que la surface de vente totale dudit magasin ou ensemble commercial reste inférieure à 10 000 mètres carrés ; / c) L'extension de la surface de vente d'un magasin de commerce de détail ou d'un ensemble commercial ayant déjà atteint le seuil des 10 000 mètres carrés ou devant le dépasser par la réalisation du projet, dans la limite d'une seule extension par magasin ou ensemble commercial et sous réserve que l'extension de la surface de vente soit inférieure à 1 000 mètres carrés. / Pour tout projet d'une surface de vente supérieure à 3 000 mètres carrés et inférieure à 10 000 mètres carrés, la dérogation n'est accordée qu'après avis conforme du représentant de l'Etat. (...) ".
12. Il résulte de ces dispositions que l'autorisation d'aménagement commercial ne peut être refusée que si, eu égard à ses effets, le projet contesté compromet la réalisation des objectifs énoncés par la loi. Il appartient aux commissions d'aménagement commercial, lorsqu'elles statuent sur les dossiers de demande d'autorisation, d'apprécier la compatibilité du projet à ces objectifs, au vu des critères d'évaluation mentionnés à l'article L. 752-6 du code de commerce.
13. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet porté par D... se situe à environ 1,4 kilomètres du centre-ville de Brignoles, dans la zone d'aménagement concerté (ZAC) " Saint-Jean ", laquelle est identifiée en tant que " site périphérique structurant " dans le schéma de cohérence territoriale (SCoT) Provence-Verte-Verdon approuvé le 30 janvier 2020 et regroupe près de cent-quatorze emplacements commerciaux. Il ressort en outre de ces mêmes pièces que le taux de vacance des commerces au sein de la commune de Brignoles atteint près de 40 %. Une concession d'aménagement a été mise en place pour permettre la requalification du centre-ville de cette commune, lequel a été classé en quartier prioritaire de la ville et une convention d'opération de revitalisation de territoire (ORT) a été signée le 27 avril 2020, dans le cadre du programme " Action Cœur de Ville " initié en 2018, ce qui révèle la grande fragilité et le déclin du tissu commercial de la commune, lequel ne serait donc pas préservé en cas d'implantation d'un point permanent de retrait des marchandises par la clientèle d'achats au détail commandés par voie télématique, par accès automobile, avec trois pistes supplémentaires, soit neuf pistes de ravitaillement au total, un espace de stockage de marchandise, des locaux et bureaux du personnel d'une emprise de 1 719 m² et une surface de plancher de 1 866 m², le tout permettant d'augmenter le nombre de références de 9 000 à 12 000, avec un renforcement de l'offre en produits " bio ". Le projet litigieux porté par D... conduira ainsi nécessairement au renforcement d'un pôle commercial de périphérie, au détriment du centre-ville de Brignoles. Par suite, la Commission nationale d'aménagement commercial n'a pas fait une inexacte application des dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code de commerce en estimant, après avoir recueilli les avis défavorables des ministres respectivement chargés du commerce et de l'urbanisme, par ce premier motif, que le projet en cause risquait de compromettre la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire en portant atteinte à tant l'animation de la vie urbaine qu'à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune de Brignoles.
14. En deuxième lieu, le projet litigieux porté par D... prévoit l'aménagement, sur la parcelle cadastrée section AM n° 157, qui présente une superficie de 4 875 m², d'un parc de stationnement de 534 m², avec quarante-sept places, dont vingt-deux seront réservées au personnel et vingt-cinq destinées à être accessibles depuis la voirie extérieure au point de retrait de marchandises par accès automobiles et mises à disposition du personnel des boutiques de la galerie marchande de l'hypermarché " E. Leclerc ". Contrairement à ce qu'a indiqué la Commission nationale d'aménagement commercial dans son avis du 28 octobre 2021, il ne ressort pas des pièces du dossier, et en particulier des documents cartographiques et photographiques qui y sont joints, que cette réalisation, conforme aux préconisations du PLU de la commune de Brignoles, serait " démesuré[e] " à l'échelle d'un " drive " et il s'ensuit que ce motif fondé sur le b) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce est entaché d'une erreur d'appréciation.
15. En troisième et dernier lieu, l'avis du 28 octobre 2021 reprend la teneur de l'avis émis par le ministre chargé du commerce et mentionne à ce titre comme motif défavorable que le projet porté par D... ne prévoit aucun passage piéton sécurisé pour permettre aux salariés de la galerie commerciale de traverser la route de Marseille. Toutefois, à supposer que la Commission nationale d'aménagement commercial puisse utilement opposer un tel motif qu'elle fonde, dans ses écritures susvisées, sur le d) du 1° du I de l'article L. 752-6 du code de commerce, en lieu et place du maire agissant sur le fondement des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, en se bornant à cette allégation sans davantage de précision, cette commission n'établit pas que la voie jouxtant le terrain d'assiette, qui est à double-sens avec un terre-plein central, rectiligne et offre une bonne visibilité, serait particulièrement dangereuse pour les salariés de la galerie commerciale à qui il sera au loisible, comme il l'est précisé dans l'extrait du dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale versé aux débats, de traverser sur les passages piétonniers protégés existants au niveau des ronds-points situés de part et d'autre de cette voie. Au demeurant, dans le rapport d'instruction devant la Commission nationale d'aménagement commercial, il est fait état de ce que les trottoirs et les espaces publics environnants sont aménagés convenablement afin d'assurer la sécurité des piétons dans leurs déplacements. Dans le cadre du projet litigieux, un cheminement piéton doit être réalisé pour la circulation du personnel en charge d'apporter les marchandises jusqu'aux coffres des voitures, à l'arrière de l'entrepôt, ainsi qu'entre la route de Marseille et l'entrée piétonne du point de retrait de marchandises par accès automobiles. En outre, dans son avis favorable du 27 avril 2021, le président du conseil départemental du Var observe qu' " au vu de l'importance du projet et à la lecture de l'étude de trafic, les impacts sur le réseau routier départemental seront minimes ". Il s'ensuit que ce motif est également entaché d'une erreur d'appréciation.
16. Il résulte de l'instruction que la Commission nationale d'aménagement commercial aurait émis le même avis défavorable sur la demande d'autorisation en litige si elle s'était uniquement fondée sur le motif tiré de ce que le projet en cause est de nature à compromettre la réalisation de l'objectif d'aménagement du territoire en portant atteinte tant à l'animation de la vie urbaine qu'à la préservation ou à la revitalisation du tissu commercial du centre-ville de la commune de Brignoles, lequel permet de justifier légalement le sens de cet avis. Il s'ensuit que D... n'est pas fondée à soutenir que l'avis rendu par cette commission le 28 octobre 2021 serait illégal.
Sur le respect de la réglementation en matière d'urbanisme :
17. Il résulte des dispositions de l'article L. 752-17 du code de commerce qu'un permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale en application des dispositions de l'article L. 425-4 du code de l'urbanisme ne peut être légalement délivré que sur avis favorable de la commission départementale d'aménagement commercial compétente ou, le cas échéant, sur avis favorable de la Commission nationale d'aménagement commercial. Dès lors, en l'espèce, compte-tenu de l'avis défavorable rendu par cette dernière commission le 28 octobre 2021, dont la légalité est confirmée par le présent arrêt, le maire de Brignoles était tenu de refuser de délivrer le permis de construire sollicité par D.... Il s'ensuit que le moyen tiré la méconnaissance des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme doit être écarté comme inopérant.
18. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par la commune de Brignoles et tirée de l'absence de qualité pour agir du représentant légal de D..., cette dernière n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 8 février 2022 par lequel le maire de Brignoles a rejeté sa demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour l'implantation d'un point de retrait de marchandises par accès automobiles, sous l'enseigne " E. Leclerc Drive ", sur la parcelle cadastrée section AM n° 157, située route de Marseille, au lieu-dit C... dans le quartier Saint-Jean, à Brignoles.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
19. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par D... n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction doivent donc également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
20. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ".
21. D'une part, ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Brignoles, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par D... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
22. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées sur le fondement de ces mêmes dispositions par la commune de Brignoles.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la commune de Brignoles tendant au bénéfice de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) Brignoldis, à la commune de Brignoles, au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, à la présidente de la Commission nationale d'aménagement commercial et à la société en nom collectif (SNC) Lidl.
Délibéré après l'audience du 19 septembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 octobre 2023.
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No 22MA01002
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