Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 10 janvier 2022 du préfet des Alpes-Maritimes lui refusant un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2200440 du 19 octobre 2022, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 7 novembre 2022, M. B... A..., représenté par Me Berdah, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2200440 du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 janvier 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
Il soutient que :
- le jugement attaqué est insuffisamment motivé ;
- c'est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes a examiné sa demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que sa demande de titre était fondée sur les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'erreurs de fait, et porte une atteinte grave à sa vie privée et familiale ; il est en droit de bénéficier d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers.
Le préfet des Alpes-Maritimes, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Chenal-Peter a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., de nationalité tunisienne, demande l'annulation du jugement du 19 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 janvier 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Il ressort du jugement attaqué que, alors que le requérant soutenait que l'arrêté préfectoral en litige comportait de nombreuses erreurs de fait concernant sa vie privée et familiale et ses conditions de séjour en France, exposées avec suffisamment de précisions, pour en conclure que le préfet avait porté une atteinte grave à sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer un titre de séjour, les premiers juges se sont bornés à indiquer, pour écarter ce moyen, que " compte tenu des termes de l'arrêté attaqué et des pièces versées au dossier, il n'est pas établi que l'arrêté litigieux soit entaché d'erreurs de fait qui auraient eu une portée significative. ", sans se prononcer sur la situation personnelle et familiale de l'intéressé. Par suite, le tribunal administratif de Nice a insuffisamment motivé son jugement, qui est ainsi entaché d'irrégularité et, pour ce motif, doit être annulé.
4. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, pour la Cour, de statuer immédiatement, par la voie de l'évocation, sur la demande présentée devant le tribunal administratif de Nice par M. B... A....
Sur la légalité de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes :
5. En premier lieu, il ressort des termes de l'arrêté préfectoral contesté du 10 janvier 2022 que le préfet des Alpes-Maritimes a examiné la demande de titre de séjour de M. B... A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comme une demande d'admission exceptionnelle de séjour au titre de sa vie privée et familiale. Si le requérant soutient que sa demande était en réalité fondée sur les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il ne l'établit pas. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen complet de la situation personnelle de M. B... A..., l'arrêté contesté mentionnant de façon circonstanciée les éléments relatifs à sa situation familiale, notamment les membres de sa famille présents sur le territoire français, ainsi que la durée et les conditions de son séjour en France.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable aux ressortissants tunisiens en vertu de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ".
7. M. B... A..., né en 1985, se prévaut de l'ancienneté de sa présence sur le territoire français. S'il soutient résider en France de manière continue depuis l'année 2002, il n'établit toutefois pas le caractère habituel de son séjour sur le territoire, par les seules pièces qu'il a produites en première instance, et qui n'ont pas été complétées en appel, constituées d'une attestation du consulat général de Tunisie à Nice du 9 décembre 2014, de quittances de loyer d'octobre 2011, septembre 2015, mars 2020 et septembre 2021, d'avis d'imposition, établis en 2021, sur les revenus des années 2018 et 2020, d'un contrat de travail à durée indéterminée en tant que manœuvre, accompagné de trois bulletins de salaire, d'un relevé bancaire de l'année 2020 et d'une attestation d'inscription à un club de football pour l'année 2016/2017. Par ailleurs, si ses parents et sa sœur résident régulièrement en France, le requérant est célibataire et sans charge de famille, et ne démontre pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine. En outre, s'il justifie d'une activité professionnelle en 2021, et alors même qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public, il ne peut se prévaloir d'une insertion socio-professionnelle durable sur le territoire national. Dès lors , en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a pas entaché sa décision d'erreurs de fait, n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et par suite, n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni, en tout état de cause, les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...)".
9. Les dispositions citées au point précédent ne prescrivent pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit mais laissent à l'administration un large pouvoir pour apprécier si l'admission au séjour d'un ressortissant étranger répond à des considérations humanitaires ou si elle se justifie au regard des motifs exceptionnels dont l'intéressé se prévaut. Il appartient au juge administratif, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que l'autorité administrative n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation qu'elle a portée sur sa situation. En l'espèce, les éléments susmentionnés dont fait état M. B... A... ne permettent pas d'établir que sa situation relèverait des " considérations humanitaires " ou des " motifs exceptionnels " permettant la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de régulariser sa situation au titre de ces dispositions ne peut qu'être écarté.
10. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions présentées par M. B... A... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 10 janvier 2022 doivent être rejetées.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... A..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction doivent également être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du 19 octobre 2022 du tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B... A... devant le tribunal administratif de Nice et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur et des Outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 22 septembre 2023, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 octobre 2023.
N° 22MA02741 2
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