Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... G... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.
Par un jugement n° 2209975 du 13 janvier 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 17 février 2023, Mme C..., représentée par Me Prezioso, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône ;
3°) de suspendre l'exécution de cet arrêté jusqu'à ce qu'il soit définitivement statué sur la demande d'asile de l'enfant mineur E... C... H... ;
4°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont omis de se prononcer sur les moyens tirés de l'absence de mention de la procédure de demande d'asile déposée pour sa fille E... née en 2020, de l'erreur entachant sa nationalité et son lieu de naissance, et de la méconnaissance de son droit au maintien en France jusqu'à ce qu'i soit définitivement statué sur la demande d'asile de sa fille ;
Sur la décision de refus de séjour :
- son signataire n'était pas habilité par le préfet ;
- elle est insuffisamment motivée en fait ;
- elle est entachée d'erreurs de fait de nature à fausser l'appréciation du préfet quant à sa nationalité et son lieu de naissance ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît son droit au maintien en France jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur la demande d'asile de sa fille mineure, prévu par les articles L. 743-1 et R. 733-32 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de séjour ;
- son signataire n'était pas habilité par le préfet ;
- elle est entachée d'erreurs de fait de nature à fausser l'appréciation du préfet quant à sa nationalité et son lieu de naissance ;
- elle méconnaît son droit au maintien en France jusqu'à ce qu'il soit statué définitivement sur la demande d'asile de sa fille mineure ;
- la décision est entachée d'erreur d'appréciation dès lors que le risque de traitements inhumains qu'elle encourt en cas de retour est particulièrement important et qu'en cas de retour dans son pays d'origine elle se trouverait dans une situation de grande fragilité et de pauvreté et n'aurait pas accès à des soins.
La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 28 avril 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Rigaud a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... G... C..., de nationalité kényane, relève appel du jugement du 13 janvier 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si Mme C... soutient que le premier juge a omis de statuer sur les moyens tirés de l'absence de mention de la procédure de demande d'asile de l'enfant E... C... H... et de l'erreur relative à sa nationalité et à son lieu de naissance, il ressort de ses écritures de première instance qu'elle n'a présenté ces éléments qu'en qualité d'arguments au soutien d'un moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet auquel le jugement a répondu en son point 8, ainsi d'ailleurs qu'auxdits arguments alors même qu'il n'était pas tenu de le faire. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'une omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne le refus d'admission au séjour :
3. Par le jugement attaqué, le tribunal administratif a rejeté comme irrecevables les conclusions dirigées contre une prétendue décision de refus de séjour aux motifs qu'elles sont irrecevables. Devant la cour, Mme C... ne conteste pas l'irrecevabilité qui a été opposée à ces conclusions de première instance. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif les a rejetées.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :
4. A... termes du I de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étranger et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...) 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Il résulte de ces dispositions que le prononcé, par l'autorité administrative, à l'encontre d'un ressortissant étranger d'une obligation de quitter le territoire français notamment sur le fondement du 4° du I de cet article n'est pas subordonné à l'intervention préalable d'une décision statuant sur le droit au séjour de l'intéressé en France. Ainsi, lorsque l'étranger s'est borné à demander l'asile, sans présenter de demande de titre de séjour distincte sur un autre fondement, il appartient au préfet, après avoir vérifié que l'étranger ne pourrait pas prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour, de tirer les conséquences du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), confirmé le cas échéant par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA), sans avoir à statuer explicitement sur le droit au séjour de l'étranger en France. Lorsque le préfet fait néanmoins précéder, dans le dispositif de l'arrêté portant obligation de quitter le territoire français, cette décision d'un article constatant le rejet de la demande d'asile de l'étranger, cette mention ne revêt aucun caractère décisoire et est superfétatoire.
5. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme C... aurait demandé son admission au séjour à un autre titre qu'en qualité de réfugié. La circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône ait examiné l'ensemble de sa situation n'a pas eu pour effet de conférer à sa décision le caractère d'un refus de séjour. Dans ces conditions, la mention de la décision attaquée selon laquelle " la demande d'asile présentée par Mme C... B... G... est rejetée " ne présente pas, par elle-même, de caractère décisoire.
6. Il en résulte que l'arrêté attaqué du 14 novembre 2022 ne comporte pas de décision de refus de titre de séjour. Dès lors, Mme C... ne saurait utilement invoquer le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision de refus d'un droit au séjour au soutien des conclusions aux fins d'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire.
7. M. F... D..., signataire de l'arrêté en litige, bénéficiait, en sa qualité de chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile, par un arrêté du 30 septembre 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture n° 13-2022-285 du 30 septembre 2022, d'une délégation à l'effet de signer les décisions relevant des attributions de son bureau parmi lesquelles figurent notamment les obligations de quitter le territoire. Dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'acte doit être écarté comme manquant en fait.
8. D'une part, aux termes de l'article L. 541-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français. ". A... termes de l'article L. 542-1 du même code : " En l'absence de recours contre la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin à la notification de cette décision./Lorsqu'un recours contre la décision de rejet de l'office a été formé dans le délai prévu à l'article L. 532-1, le droit du demandeur de se maintenir sur le territoire français prend fin à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile ou, s'il est statué par ordonnance, à la date de la notification de celle-ci. ".
9. D'autre part, aux termes de l'article L. 521-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, elle est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants ". A... termes de l'article L. 531-23 du même code : " Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents, présentée dans les conditions prévues à l'article L. 521-3, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger est tenu, tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas prononcé, d'en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l'Office ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire.
10. Il ressort des pièces du dossier que Mme C... a saisi l'OFPRA, le 18 février 2020, d'une demande d'asile. Cette demande, alors même que l'intéressée n'a pas informé le préfet de la naissance de son enfant, doit être regardée comme ayant également été présentée pour le compte de sa fille, née le 6 décembre 2020, avant que l'OFPRA ne se prononce. Les décisions prises les 21 février 2022 par l'OFPRA, puis le 16 août 2022 par la CNDA, ont ainsi également été prises non seulement à l'égard de la requérante mais également à l'égard de la jeune E... C... H.... La demande d'asile déposée pour la jeune E... le 5 avril 2022, enregistrée par l'OFPRA le 25 avril 2022, l'a été avant que la demande d'asile de la requérante, réputée déposée également pour le compte de sa fille ne soit définitivement rejetée par la CNDA, et ne peut donc être regardée comme une nouvelle demande d'asile propre à l'enfant ni comme une demande de réexamen. Par suite, Mme C... n'est pas fondée à soutenir qu'elle bénéficiait, à la date de l'arrêté attaqué, d'un droit de se maintenir en France en application des dispositions précitées de l'article L. 542-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
11. Si l'arrêté attaqué mentionne que Mme C... est de nationalité nigériane alors qu'elle est de nationalité kenyane, tandis qu'il indique sans erreur la localité de naissance de l'intéressée, au Kenya, cette erreur matérielle n'a pas eu d'incidence sur l'appréciation de la situation personnelle et familiale de la requérante et, par suite, n'est pas susceptible d'avoir exercé une influence sur le sens de la décision portant obligation de quitter de territoire. Ni cette circonstance, ni celle que l'arrêté attaqué ne mentionne pas la demande d'asile déposée le 5 avril 2022 pour le compte de la fille mineure de la requérante qui, ainsi que cela résulte du point précédent, n'est pas pendante, ne sont de nature à établir que le préfet aurait entaché la décision portant obligation de quitter le territoire d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressée. En outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'obligation de quitter le territoire français prononcée à l'encontre de l'appelante aurait sur sa situation des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation commise par le préfet des Bouches-du-Rhône doit être écarté.
12. A... termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
13. A supposer même que Mme C... puisse être regardée comme soulevant le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales à l'encontre de la décision fixant le pays de destination, l'intéressée, qui fait valoir qu'elle serait exposée, ainsi que sa fille mineure, à des risques en cas de retour au Kénya, n'assortit pas ses allégations de précisions et de justifications suffisamment probantes pour établir le caractère actuel et personnel de ces risques. Ainsi, le moyen tiré de ce que l'arrêté contesté porterait atteinte à son droit au respect de la vie au regard des stipulations de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2022.
15. Par voie de conséquence, les conclusions de Mme C... aux fins de suspension et d'injonction, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... G... C..., à Me Prezioso et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.
Délibéré après l'audience du 21 septembre 2023, à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente-assesseure,
- M. Danveau, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 octobre 2023.
N°23MA00403 2