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17/10/2023 | FRANCE | N°22MA00414

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 4ème chambre, 17 octobre 2023, 22MA00414


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 26 juillet 2019 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse a refusé de prendre en charge les congés de maladie qu'elle a déclarés à compter du 19 juin 2018, au titre du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre et qui a été reconnu comme étant imputable au service le 22 décembre 2016, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Cors

e de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notific...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision du 26 juillet 2019 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse a refusé de prendre en charge les congés de maladie qu'elle a déclarés à compter du 19 juin 2018, au titre du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre et qui a été reconnu comme étant imputable au service le 22 décembre 2016, d'autre part, d'enjoindre au préfet de Corse de réexaminer sa demande dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement à intervenir et de faire réaliser une nouvelle expertise et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1901282 du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 1er février 2022, et les 3 et 10 février 2023, Mme C..., représentée par Me Bernardi, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 2 décembre 2021 ;

2°) d'annuler cette décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse du 26 juillet 2019 ;

3°) d'enjoindre à l'autorité administrative, sur le fondement des dispositions de

l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de réinstruire son dossier, dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et d'ordonner une nouvelle expertise ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 600 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable :

. le délai de recours contentieux courant à partir de la notification de la décision contestée du 26 juillet 2019 a été respecté ;

. cette décision lui fait grief ;

. l'appel a été interjeté dans le délai de deux mois ;

- la décision contestée du 26 juillet 2019 est entachée de vices de procédure consistant en l'irrespect du principe du contradictoire et d'une procédure effective :

. s'agissant de l'avis émis par la commission de réforme le 25 juillet 2019, il n'apparaît pas que la procédure mise en place par le législateur ait été respectée ; alors que, contrairement à ce qu'ont retenu les juges de première instance, un avis complémentaire était nécessaire, le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse n'a pas attendu la nouvelle expertise ainsi demandée par la commission de réforme ;

. aucune convocation à la séance du 25 juillet 2019 n'est parvenue aux syndicats, y compris à la personne qu'elle avait elle-même désignée pour s'y faire représenter ;

- la décision contestée du 26 juillet 2019 est entachée d'une erreur d'appréciation :

. contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif de Bastia, elle ne reconnaît pas que les causes de son syndrome initial ont disparu ; tous les rapports d'expertise démontrent le contraire et les quatre médecins qui se sont prononcés sur son cas confirment que sa maladie est professionnelle ;

. elle conteste la déclaration de l'un de ses collègues sur la base de laquelle le tribunal administratif de Bastia s'est fondé ;

. la liberté syndicale étant au nombre des droits fondamentaux, il ne peut lui être reproché de s'être rendue à des réunions syndicales.

La procédure a été communiquée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires qui n'a pas présenté de mémoire.

Par une ordonnance du 3 février 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 9 février 2023, a été reportée au 3 mars 2023, à 12 heures.

Le 27 juillet 2023, Mme C..., représentée par Me Bernardi, a produit une copie complète de sa pièce jointe portant le n° 32 et des copies lisibles de ses pièces jointes portant les nos 5 et 26, en réponse à une mesure d'instruction prise sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, qui lui avait été adressée par la Cour, le 26 juillet 2023.

Par des lettres du 28 septembre 2023, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7-3 du code de justice administrative, de ce que, dans l'hypothèse où il serait fait droit aux conclusions de Mme C... tendant à l'annulation de la décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse du 26 juillet 2019, la Cour serait susceptible d'enjoindre à ce dernier de reconnaître ses congés de maladie déclarés les 19 juin, 20 juillet, 21 août, 21 septembre, 22 octobre et 23 novembre 2018, et les 18 janvier, 15 février, 16 mars, 29 avril et 28 juin 2019 comme imputables au service, au titre du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre.

Par des observations en réponse, enregistrées le 29 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour, à supposer qu'elle infirme l'analyse des premiers juges, de ne pas excéder d'office le terme des conclusions de Mme C..., compte tenu des conséquences élevées pour les finances publiques et disproportionnées, dans les circonstances de l'espèce, de l'annulation de la décision administrative en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de procédure civile ;

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Secrétaire administrative, Mme C... était, en dernier lieu, affectée au sein des services de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) de Corse, en qualité de gestionnaire retraite et correspondante retraite régionale. Par une décision du 22 décembre 2016, le directeur de ce service déconcentré de l'Etat a reconnu, à compter du 10 novembre 2014, le syndrome d'épuisement professionnel dont souffre Mme C... comme étant imputable au service. Mais, par une décision du 26 juillet 2019, le même directeur a refusé que les congés de maladie déclarés par Mme C... les 19 juin, 20 juillet, 21 août, 21 septembre, 22 octobre et 23 novembre 2018, et les 18 janvier, 15 février, 16 mars, 29 avril et 28 juin 2019 soient pris en charge au titre de cette même maladie. Mme C... relève appel du jugement du 2 décembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cette décision du 26 juillet 2019.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 34 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction alors en vigueur, aux termes desquelles : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite, à l'exception des blessures ou des maladies contractées ou aggravées en service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident (...) ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou

avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause,

sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service (Conseil d'Etat, 13 mars 2019, n° 407795, A).

4. Il ressort des pièces du dossier et en particulier de la main-courante que Mme C... a déposée auprès des services de police le 8 juin 2018, que, la veille, une altercation s'est produite dans le parking de la DREAL, alors que l'appelante venait de quitter son service, et que celle-ci s'est déclenchée après que l'une de ses collègues de travail lui a demandé des explications au sujet de la préparation d'une commission administrative paritaire et de la liste que le syndicat dont Mme C... était la représentante avait proposée à l'administration. Cette altercation, dont l'existence n'est pas sérieusement contestée par le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse dans sa décision contestée et qui se trouve, au contraire, confirmée au vu des pièces versées aux débats, est donc survenue sur le lieu du service et à raison du mandat syndical de Mme C..., activité devant être regardée comme le prolongement normal de l'exercice de ses fonctions avec lequel elle présente un lien. Par ailleurs, dans son rapport dressé le 27 septembre 2018, le psychiatre missionné par le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse pour examiner l'appelante fait état de ce que les troubles psychiques de cette dernière s'inscrivent dans la continuité du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre et qui a été reconnu comme étant imputable au service, par une décision du 22 décembre 2016. Dans son rapport du 13 novembre 2018, le médecin de prévention indique que la réalité de ce syndrome d'épuisement professionnel ne peut être remise en cause et que cette maladie a été aggravée par l'altercation survenue au mois de juin 2018. De même, dans son rapport du 22 janvier 2019, un autre psychiatre, qui a examiné Mme C..., estime que cette dernière présente une décompensation psychiatrique s'inscrivant dans l'évolutivité de son syndrome d'épuisement professionnel qui s'est aggravé notamment en raison de mauvaises relations de travail avec une collègue, en précisant que l'appelante avait " déclaré " une agression de la part de celle-ci. Ainsi l'ensemble des avis médicaux concorde pour considérer que les congés de maladie de Mme C... étaient non seulement justifiés mais qu'ils s'inscrivaient dans la continuité de son syndrome d'épuisement professionnel qui, ainsi qu'il a été déjà dit, a été reconnu comme étant imputable au service par une décision du 22 décembre 2016. Enfin, au vu des pièces du dossier, aucun fait personnel de Mme C..., ni aucune autre circonstance particulière ne conduisent à détacher la résurgence de sa maladie du service. En effet, si le préfet de Corse s'est prévalu devant les premiers juges d'un " témoignage " daté du 16 juillet 2018 qui émanerait d'un collaborateur de Mme C... auquel elle aurait déclaré qu'elle allait se servir de cette altercation pour bénéficier de soins en lien avec sa pathologie aux épaules, le seul document produit à ce titre, qui, au surplus, n'est pas signé par son auteur et ne répond pas aux exigences de formalisme prévues à l'article 202 du code de procédure civile, n'est pas suffisant pour établir le bien-fondé de ces allégations qui sont, au demeurant, fermement contestées par l'appelante devant la Cour. De même, la seule circonstance, non contestée par Mme C..., qu'elle a participé à des réunions syndicales au cours de ses arrêts de travail alors qu'elle ne bénéficiait d'autorisations de sorties uniquement pour des raisons médicales, ne suffit pas davantage à caractériser un fait personnel de l'intéressée de nature à détacher du service la résurgence de sa pathologie. C'est dès lors à tort que le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse a estimé que l'altercation qui s'est produite le 7 juin 2018 et ses conséquences sur l'état de santé de Mme C... étaient détachables du service. Par suite, ledit directeur a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service des demandes de prolongation déposées par l'appelante.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de sa requête, ni d'ordonner une expertise avant dire droit, Mme C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 2 décembre 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse du 26 juillet 2019.

Sur les conséquences de l'annulation prononcée par la Cour :

6. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "

7. Eu égard au motif de l'annulation qu'il prononce, le présent arrêt implique qu'il soit enjoint au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse de prendre une décision reconnaissant l'imputabilité au service des congés de maladie déclarés par Mme C... les 19 juin, 20 juillet, 21 août, 21 septembre, 22 octobre et 23 novembre 2018, et les 18 janvier, 15 février, 16 mars, 29 avril et 28 juin 2019, au titre du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre. Il y a donc lieu de prescrire d'office à cette autorité d'y procéder dans un délai qu'il convient de fixer à deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

8. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

9. Dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à Mme C....

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1901282 du tribunal administratif de Bastia du 2 décembre 2021 et la décision du 26 juillet 2019 par laquelle le directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse a refusé de prendre en charge les congés de maladie que Mme C... a déclarés à compter du 19 juin 2018, au titre du syndrome d'épuisement professionnel dont elle souffre et qui a été reconnu comme étant imputable au service le 22 décembre 2016 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au directeur régional de l'environnement, de l'aménagement et du logement de Corse de reconnaître ses congés de maladie déclarés les 19 juin, 20 juillet, 21 août, 21 septembre, 22 octobre et 23 novembre 2018, et les 18 janvier, 15 février, 16 mars, 29 avril et 28 juin 2019 comme imputables au service, au titre du syndrome d'épuisement professionnel dont Mme C... souffre, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat (ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires) versera une somme de 2 000 euros à Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... épouse C... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.

Copie en sera adressée au préfet de Corse.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.

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No 22MA00414


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA00414
Date de la décision : 17/10/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SCP BERNARDI

Origine de la décision
Date de l'import : 29/10/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2023-10-17;22ma00414 ?
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