Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner le syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune à lui verser la somme de 89 780 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'abattage d'arbres sur sa propriété, et d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande indemnitaire préalable, subsidiairement, de désigner avant dire droit un expert afin de chiffrer les préjudices résultant de cet abattage et enfin, de mettre à la charge du syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune et de la société Vinci Construction Terrassement une somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2000807 du 20 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et a mis à sa charge une somme de 1 500 euros à verser au syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune et à la société Vinci Construction Terrassement en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2022, M. A..., représenté par Me Andjerakian-Notari, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 mai 2022 ;
2°) à titre principal, de condamner le syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune à lui verser la somme de 89 780 euros en réparation de ses préjudices liés à la dépréciation foncière de son bien immobilier et à la perte d'arbres ;
3°) subsidiairement et avant dire droit, de désigner un expert afin de chiffrer les préjudices résultant de l'abattage d'arbres sur sa propriété ;
4°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la partie succombante la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les travaux en litige, constitutifs de travaux publics, et à l'égard desquels il a la qualité de tiers, engagent la responsabilité sans faute du syndicat, au titre des dommages anormaux et spéciaux qu'il a subis du fait de l'abattage de ses arbres ;
- en tout état de cause, le syndicat a commis une faute à son égard, en méconnaissant l'engagement conventionnel de ne pas abattre d'arbres sur sa propriété, le rapport d'expertise démontrant l'abattage de quatre arbres et non de deux, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, et l'intéressé étant propriétaire de la rive droite de la berge supportant ces plantations et ayant vu son droit de propriété ainsi méconnu ;
- ses préjudices sont directs et certains et ne sont pas réparés par l'installation d'un brise- vue et par la plantation d'arbustes et de quatre arbres, dès lors notamment que la plantation d'arbres était déjà prévue dans la convention ;
- le remplacement des essences d'arbres coupés à tort a été évalué par l'expert, dont le rapport n'est pas utilement contredit, à 3 780 euros, et la perte de valeur vénale de sa propriété, consécutive à la destruction de végétaux, à 80 000 euros.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 octobre 2022, l'établissement public d'aménagement et de gestion des eaux Huveaune-Côtiers-Aygalades, représenté par Me Sindres, conclut au rejet de la requête, et subsidiairement, en cas de condamnation prononcée à son encontre, à la condamnation de la SAS Vinci Construction Terrassement à l'en relever et garantir, et en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de l'appelant la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public fait valoir que :
- il vient aux droits du syndicat mixte dont les statuts ont été modifiés par arrêté préfectoral du 15 septembre 2022 ;
- les conclusions indemnitaires sont irrecevables en tant que relevant d'une cause juridique nouvelle en appel, et en tant que fondées à titre principal sur la responsabilité sans faute, compte tenu des conclusions indemnitaires quant à elles fondées sur la convention unissant l'appelant au syndicat, et primant toute autre action indemnitaire ;
- les moyens d'appel ne sont pas fondés ;
- en cas de condamnation, il devrait être garanti par la société Vinci, dûment informée et tenue d'exécuter les opérations de travaux dans le respect des conventions conclues avec les riverains, dont celle qui concerne le requérant ;
- la mesure d'expertise sollicitée est inutile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er décembre 2022, la SAS Vinci Construction Terrassement, représentée par Me Engelhard de la SELARL Blum Engelhard de Cazalet, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la partie succombante de la somme de
3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société fait valoir que :
- la requête est irrecevable en ce que, invoquant désormais la responsabilité sans faute du syndicat mixte, elle repose sur des moyens relevant d'une cause juridique nouvelle en appel ;
- la demande doit être examinée sur le terrain contractuel, compte tenu de la convention liant le requérant au syndicat mixte et de la nature de la faute invoquée ;
- l'intéressé ne justifie pas de préjudices, faute de démontrer sa qualité de propriétaire de la berge en cause et des arbres abattus, en raison du caractère non contradictoire et non confirmé par d'autres éléments du rapport d'expertise dont il se prévaut, et des conclusions du rapport produit à l'instance, déniant toute perte de valeur vénale du bien immobilier ;
- subsidiairement, l'appel en garantie présenté par l'établissement public est irrecevable, les travaux en cause ayant été l'objet d'une réception sans réserve, et, en tout état de cause, n'est pas fondé, en l'absence de faute commise par la société.
Par une ordonnance du 30 janvier 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mars 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Andjerakian, représentant M. A..., de Me Roman, substituant Me Sindres, représentant l'établissement public d'aménagement et de gestion des eaux Huveaune-Côtiers-Aygalades et de Me Engelhard, représentant la SAS Vinci Construction Terrassement.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre de travaux destinés à restaurer les berges de l'Huveaune, à en réduire la vulnérabilité, et à réaliser le parc dit C..., le syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune, devenu l'établissement public d'aménagement et de gestion des eaux Huveaune-Côtiers-Aygalades, a signé avec M. B... A..., riverain du cours d'eau et propriétaire sur la commune d'Auriol de la parcelle cadastrée n° 47 située au n° 673 du chemin du Clos, une convention précisant les opérations de travaux prévues sur la berge de l'Huveaune au droit de cette parcelle. Cette convention fixait le calendrier de ces travaux et prévoyait, notamment, la conservation d'un frêne et d'un figuier situés sur cette berge. Le 11 décembre 2018, ces arbres ont été abattus par le sous-traitant de la SAS Vinci Construction Terrassement chargée, par le syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune, des travaux de décaissage et de retalutage des berges de ce cours d'eau. Par un jugement du 20 mai 2022, dont M. A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation du syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune à lui verser une somme de 89 780 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait de l'abattage de ces arbres et de la perte consécutive de valeur vénale subie par sa propriété immobilière.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'instruction, et il n'est du reste pas contesté, qu'au cours du mois de décembre 2018, l'entreprise sous-traitante de la société Vinci Construction Terrassement, au cours de l'exécution des travaux de décaissage et de retalutage, a par erreur abattu quatre arbres, dont un figuier, alors que, suivant la convention liant M. A... et le syndicat mixte du bassin du versant de l'Huveaune, devaient être conservés, sur la parcelle cadastrée n° 47, un figuier et un frêne. Il résulte en outre de la lettre du président de ce syndicat du 12 avril 2019, non seulement qu'un " frêne double " et un figuier étaient plantés sur la parcelle de M. A... avant les travaux en litige, mais encore que le quatrième arbre abattu, un autre frêne, était planté sur la berge de l'Huveaune, cours d'eau non domanial, dont cette propriété est riveraine. Ce quatrième arbre doit être regardé comme relevant de la propriété de M. A..., en application de l'article L. 215-2 du code de l'environnement qui prévoit que le lit des cours d'eau non domaniaux appartient aux propriétaires des deux rives, dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment pas des relevés cadastraux dont se prévaut la société Vinci Terrassement Construction, que la parcelle n° 47 et le lit de l'Huveaune seraient séparés par un élément physique relevant de la propriété d'autrui.
3. Néanmoins, et d'une part, il résulte de l'instruction qu'au cours du mois d'avril 2019, en exécution de la décision prise en ce sens par le président du syndicat mixte le 12 avril 2019, ont été plantés, en remplacement des quatre arbres abattus de M. A..., quatre arbres adultes d'au moins 2 m 50 de hauteur et de 30 cm de circonférence, outre la végétation rivulaire plantée en exécution de la convention. En se bornant à se prévaloir d'un courriel du 9 avril 2019 par lequel il critique le dispositif occultant mis en place par l'entreprise sous-traitante en guise de mesure de compensation de la suppression des arbres, M. A... ne conteste pas sérieusement que le choix des végétaux de remplacement et de leurs essences a été discuté et validé par ses soins, ainsi que l'indique le courrier du président du syndicat mixte du 12 avril 2019. Il ne résulte en outre pas de l'instruction, et notamment pas des clichés photographiques produits au dossier d'instance par l'établissement public d'aménagement et de gestion des eaux Huveaune-Côtiers-Aygalades, que ces nouveaux sujets, bien que plus jeunes, n'offriraient pas à terme des dimensions équivalentes à celles des arbres à tort abattus, ni qu'ils présenteraient une valeur marchande moindre. L'affirmation de M. A... selon laquelle deux de ces arbres seraient morts, qui n'est assortie d'aucune justification, n'est pas de nature à remettre en cause les circonstances précédentes. Ainsi, M. A... n'est pas fondé à prétendre que du fait de l'abattage de ses arbres, il aurait subi un préjudice lié aux frais de remplacement de ces végétaux, évalués par un expert foncier et agricole à la somme de 3 780 euros mais, en tout état de cause, non exposés par l'intéressé.
4. D'autre part, si le rapport de cet expert foncier et agricole déduit de la disparition de l'écran végétal formé par les quatre arbres irrégulièrement abattus, et conférant selon lui une intimité à la propriété de M. A..., une diminution de la valeur vénale de celle-ci, qu'il évalue à 80 000 euros, il résulte de l'instruction que ces végétaux ne faisaient pas obstacle à une co-visibilité entre la propriété et l'autre rive du cours d'eau, et que cette estimation, pourtant réalisée en octobre 2019, n'a pas tenu compte des nouvelles plantations, constituées de quatre arbres et d'arbustes, ni de la pose d'une clôture de 2 m 50 de hauteur. Les différents clichés photographiques versés à l'instance, ainsi que le rapport d'expertise établi en février 2022 à la demande de la société Vinci, montrent qu'il n'est résulté de la succession de l'abattage des quatre arbres de M. A... et des mesures de compensation qui l'ont suivi, aucune perte de valeur vénale de sa propriété. Il suit de là que l'intéressé n'est pas fondé à demander l'indemnisation d'un tel préjudice.
5. Enfin, M. A... ne justifie ni de la réalité ni de l'étendue du préjudice qu'il aurait subi pendant les travaux du fait de l'absence de protection visuelle, et de la présence d'ouvrages inesthétiques aux abords de sa propriété.
6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les fins de non-recevoir opposées par les intimées à la requête d'appel et aux conclusions de première instance, ni d'ordonner une expertise, que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur l'appel en garantie présenté par l'établissement public d'aménagement et de gestion des eaux Huveaune-Côtiers-Aygalades :
7. Le présent arrêt ne prononçant aucune condamnation de l'établissement public à verser une quelconque somme à M. A..., les conclusions d'appel en garantie présentées à titre subsidiaire par cet établissement contre la société Vinci Construction Terrassement ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses frais d'instance.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de l'établissement public d'aménagement et de gestion des eaux Huveaune-Côtiers-Aygalades d'appel en garantie et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, et les conclusions de la société par action simplifiée Vinci Construction Terrassement tendant à l'application de ces mêmes dispositions sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à l'établissement public d'aménagement et de gestion des eaux Huveaune-Côtiers-Aygalades et à la société par action simplifiée Vinci Construction Terrassement.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
N° 22MA020352