Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) Twiggy a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner, in solidum, la métropole Nice Côte d'Azur et la commune de Nice à lui verser une somme de 70 874,48 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis à la suite d'un glissement de terrain, et de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur et de la commune de Nice une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2105949 du 21 juin 2022, le tribunal administratif de Nice a condamné la métropole Nice Côte d'Azur à verser à la SCI Twiggy la somme de
63 684,48 euros, sous déduction de la provision de 40 000 euros déjà versée en application de l'ordonnance n° 1603266 du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 8 mars 2017, majorée des intérêts à compter du 3 avril 2017 et de leur capitalisation à compter du 3 avril 2018 et à chaque échéance annuelle ultérieure, a mis à la charge de la métropole la somme de
1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la SCI Twiggy.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 août 2022 et le 15 mars 2023, la métropole Nice Côte d'Azur, représentée par Me Capia de la SELARL Lestrade-Capia, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 21 juin 2022 ;
2°) de rejeter la demande de la SCI Twiggy ;
3°) de mettre à la charge de la SCI Twiggy la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'établissement public soutient que :
- le jugement est irrégulier pour avoir omis, d'une part, de se prononcer sur sa fin de non-recevoir tirée du défaut de liaison du contentieux, d'autre part de viser et d'analyser son mémoire du 21 mars 2022 répondant au moyen relevé d'office par le tribunal, étant de la sorte également insuffisamment motivé, et enfin de viser son moyen tiré de la faute de la victime ;
- la demande de première instance est irrecevable dès lors que son auteur n'a pas lié le contentieux à son égard, sa demande préalable ne détaillant pas les préjudices en cause ;
- sa responsabilité sans faute ne pouvait être engagée, le talus en cause, qui est une propriété privée, ne pouvant être considéré ni comme un accessoire à l'ouvrage public que constitue la voie publique métropolitaine, ni comme une dépendance du domaine public routier ;
- elle ne pouvait être engagée du fait de la situation de force majeure liée aux phénomènes pluvieux exceptionnels, et de la faute commise par la victime ;
- les préjudices invoqués ne sont pas démontrés, ni l'absence d'indemnisation par une compagnie d'assurances.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 février 2023, la SCI Twiggy, représentée par Me Lacrouts, de la SCP Berliner-Dutertre-Lacrouts, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la métropole Nice Côte d'Azur à lui verser la somme de 63 764,48 euros, avec intérêts à compter du 3 avril 2017 et capitalisation de ces intérêts à partir du 3 avril 2018, et à ce que soit mise à la charge de l'appelante la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
La société fait valoir que :
- elle s'en rapporte à la sagesse de la Cour pour apprécier le bien-fondé des moyens critiquant la régularité du jugement attaqué ;
- sa demande était recevable, compte tenu des deux demandes préalables adressées à la métropole en 2013 et en 2014 ;
- les autres moyens d'appel ne sont pas fondés, dès lors que le bien en cause, qui n'est pas la propriété de la société, est une dépendance de la route métropolitaine, qu'il existe un lien de causalité entre l'effondrement du talus et les glissements subséquents, qui engagent la responsabilité sans faute de la métropole qui en a la garde et en raison d'un défaut d'entretien ;
- le montant de l'indemnité à lui verser, qui correspond à tous les chefs de préjudice identifiés par les premiers juges, n'est pas de 63 684,48 euros comme indiqué par erreur dans le jugement, mais de 63 764,48 euros.
Par une ordonnance du 30 août 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au
15 septembre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la voirie routière ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me de Craecker, substituant Me Capia, représentant la métropole Nice Côte d'Azur, et de Me Lacrouts, représentant la SCI Twiggy.
Une note en délibéré enregistrée le 11 octobre 2023 a été produite pour la SCI Twiggy.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Twiggy est propriétaire à Aspremont, depuis le 1er septembre 2004, d'une parcelle cadastrée section DS n° 56 supportant une maison d'habitation et située en surplomb de la route métropolitaine n° 914, dite de la Sirole. En mars 2013, à la suite d'importantes précipitations et quelques trois années après le déracinement d'un pin planté sur le talus reliant la route métropolitaine à sa parcelle, un glissement du talus a emporté les places de stationnement de la propriété de la SCI. Après établissement le 20 mai 2016 du rapport de l'expert désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Nice, sur demande de la métropole Nice Côte-d'Azur, la SCI Twiggy a formé devant le juge des référés du tribunal administratif une action indemnitaire contre la métropole et la commune de Nice, en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis du fait du glissement du talus soutenant une partie de son terrain. Par une ordonnance du 8 mars 2017, contre laquelle l'appel de la métropole Nice Côte-d'Azur a été rejeté suivant ordonnance du juge des référés de la Cour du 18 août 2017, devenue irrévocable, le juge des référés du tribunal administratif de Nice a condamné la métropole à verser à la SCI une provision de 40 000 euros. Par un premier jugement du
30 juin 2020, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de la SCI tendant à la condamnation solidaire de la métropole et de la commune à lui verser la somme globale de
78 164, 48 euros. Mais par un arrêt du 9 novembre 2021, la Cour, saisie de l'appel de la SCI,
a annulé ce jugement et renvoyé l'affaire devant le tribunal. Par un second jugement du
21 juin 2022, dont la métropole Nice Côte d'Azur relève appel, le tribunal l'a condamnée à verser à la SCI Twiggy la somme de 63 684,48 euros, sous déduction de la provision de
40 000 euros déjà versée en application de l'ordonnance n° 1603266 du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 8 mars 2017, majorée des intérêts à compter du 3 avril 2017 et de leur capitalisation.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le tribunal qui, par le jugement attaqué, a condamné la métropole à verser à la
SCI Twiggy une somme en réparation de ses préjudices, n'a pas répondu à la fin de
non-recevoir, qui n'était pas inopérante, tirée par l'établissement public de l'absence de demande d'indemnisation préalable en méconnaissance de l'exigence prévue à l'article R. 421-1 du code de justice administrative. Ainsi ce jugement est irrégulier et doit être annulé pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité présenté par la métropole. Au cas d'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande de la
SCI Twiggy.
Sur la responsabilité sans faute de la métropole Nice Côte d'Azur :
En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance :
3. Contrairement à ce que soutient la métropole Nice Côte d'Azur, la SCI Twiggy lui a adressé le 3 janvier 2020 une demande, reçue le même jour, tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables du déracinement du pin, détaillant les chefs de préjudice correspondants et précisant le montant de l'indemnité sollicitée à ce titre. Une telle demande, suffisamment motivée, a valablement lié le contentieux à l'égard de la métropole, alors même que celle-ci avait, au jour de la naissance de la décision tacite la rejetant, opposé une fin de
non-recevoir tenant à l'absence de cette demande. La métropole n'est donc pas fondée à soutenir que la demande contentieuse de la SCI Twiggy ne respecte pas l'exigence de décision préalable posée par l'article R. 421-1 du code de justice administrative.
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
4. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Ces tiers à l'ouvrage public ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage présente un caractère accidentel. Le maître d'ouvrage ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont
elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.
5. Par ailleurs, lorsqu'un dommage causé à un immeuble engage la responsabilité d'une collectivité publique, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection. Ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité.
6. Enfin, la qualification d'ouvrage public peut être déterminée par la loi. Présentent aussi le caractère d'ouvrage public notamment les biens immeubles résultant d'un aménagement, qui sont directement affectés à un service public, y compris s'ils appartiennent à une personne privée chargée de l'exécution de ce service public. Il en va de même des ouvrages qui sont incorporés à un ouvrage public et dont ils constituent une dépendance.
En ce qui concerne la personne publique responsable :
7. Aux termes des dispositions du II de l'article L. 5217-4 du code général des collectivités territoriales, dans leur rédaction en vigueur au 1er janvier 2012, date de la création de la métropole Nice Côte d'Azur par le décret du 17 octobre 2011 : " 1. La métropole exerce de plein droit à l'intérieur de son périmètre, en lieu et place du département, les compétences suivantes : (...) b) Gestion des routes classées dans le domaine public routier départemental, ainsi que de leurs dépendances et accessoires. Ce transfert est constaté par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. Cette décision emporte le transfert à la métropole des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans le domaine public de la métropole ". Le 6ème alinéa de l'article L. 5217-6 du même code disposait quant à lui, à la même date, que : " La métropole est substituée de plein droit, pour l'exercice des compétences transférées à titre obligatoire visées au I et au 1 des II et III de l'article L. 5217-4, aux communes membres, au département, à la région, à l'établissement public de coopération intercommunale supprimé en application de l'article L. 5217-5 et, le cas échéant, aux établissements publics de coopération intercommunale dont le périmètre est réduit par application du même article L. 5217-5, dans l'ensemble des droits et obligations attachés aux biens mis à disposition en application du premier alinéa et transférés à la métropole en application des deuxième à cinquième alinéas du présent article, ainsi que pour l'exercice de ces compétences sur le territoire métropolitain dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes ".
8. Les statuts de la métropole Nice Côte d'Azur créée par décret du 17 octobre 2011, précisaient que : " (...) II. La métropole exerce de plein droit à l'intérieur de son périmètre, en lieu et place du département, les compétences suivantes : (...) b) Gestion des routes classées dans le domaine public routier départemental, ainsi que leurs dépendances et accessoires. Ce transfert est constaté par arrêté du représentant de l'Etat dans le département. Cette décision emporte le transfert à la métropole des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans le domaine public de la métropole ". Par l'article 2 de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 1er mars 2012 constatant le transfert des routes classées dans le domaine public départemental à la métropole Nice Côte d'Azur, " Le transfert des routes classées dans le domaine public routier départemental et situées dans le périmètre de la métropole emporte le transfert des servitudes, droits et obligations correspondants, ainsi que le classement des routes transférées dans le domaine public de la métropole ".
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire du
20 mai 2016, que le pin, de 4 mètres de hauteur et de 48 cm de circonférence, à l'effondrement duquel la SCI Twiggy attribue les glissements de terrains à l'origine selon elle des désordres subis par sa propriété, était planté sur une parcelle de 30 mètres de longueur et 3 mètres de largeur, constitutive d'un talus situé immédiatement au droit de la route de la Sirole, route départementale qui, par l'effet des dispositions du II de l'article L. 5217-4 du code général des collectivités territoriales et de l'arrêté préfectoral du 1er mars 2012, a été transférée dans le domaine public de la Métropole Nice Côte d'Azur, et qui constitue un ouvrage public. Il résulte également de l'instruction, notamment des profils de terrain annexés à ce rapport d'expertise, et il n'est pas sérieusement contesté par la métropole, que ce talus, qui est la propriété de la commune de Nice depuis le 18 février 1972, a été réalisé sous la forme d'un déblai qui participe, sur toute sa longueur, à la protection de la voie publique située en contrebas. Compte tenu du lien physique et fonctionnel l'unissant ainsi à cette voie, le talus en cause, inclus d'ailleurs au moins pour partie dans l'emprise de cet ouvrage par l'arrêté d'alignement individuel du 16 mars 2016 pris à la demande de la SCI, doit être regardé comme en constituant l'accessoire, alors même qu'il n'est pas la propriété de la métropole.
10. Ainsi, en tant que gestionnaire depuis le 1er janvier 2012 de la route de la Sirole, route métropolitaine, et de ses dépendances et accessoires, la métropole Nice Côte d'Azur est responsable même sans faute à l'égard des tiers des conséquences dommageables de l'existence et du fonctionnement de ces ouvrages publics.
En ce qui concerne la responsabilité sans faute de la Métropole Nice Côte d'Azur à l'égard de la SCI Twiggy :
11. Il résulte de l'instruction, notamment des rapports d'expertise judiciaire des
11 février 2013 et du 20 mai 2016, que le déracinement du pin depuis le talus le
16 novembre 2010 a non seulement fragilisé cet ouvrage mais encore mis à nu sur plusieurs mètres carrés les terres qui le constituent et permis une infiltration plus importante des eaux de pluie, et ainsi contribué, lors d'événements pluvieux en mars 2013 et en janvier et
novembre 2014, à des glissements des terres soutenant notamment la propriété de la
SCI Twiggy. Si, ainsi que l'a relevé l'expert judiciaire dans son rapport du 20 mai 2016, les événements pluvieux de mars 2013 et de janvier et novembre 2014 ont revêtu un caractère exceptionnel, et ont du reste justifié l'édiction de trois arrêtés de catastrophe naturelle, ce même rapport, dont les éléments d'appréciation ne sont pas efficacement contredits par la métropole, conclut à l'absence de rôle déterminant de ces pluies dans la survenance du glissement de terrain en litige. Ainsi, alors que l'intervention de ces arrêtés de catastrophe naturelle ni le caractère exceptionnel des épisodes de pluie de 2013 et de 2014 ne peuvent suffire à qualifier de force majeure les circonstances du sinistre, l'effondrement du pin et la mise au jour des terres qui le soutenaient, sur le talus qui est l'accessoire de la voie métropolitaine, sont à l'origine directe des glissements de terrains survenus en amont du talus puis au Nord, dont les terres supportant la propriété de la SCI Twiggy, et partant des désordres subis par le bien immobilier de celle-ci, nonobstant le délai écoulé entre la chute de cet arbre et ces désordres. Ces circonstances sont
dès lors de nature à engager la responsabilité même sans faute de la métropole à l'égard de la SCI Twiggy, tiers à l'ouvrage public.
S'agissant des fautes de la SCI Twiggy alléguées par la métropole :
12. D'une part, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment pas du rapport d'expertise judiciaire du 20 mai 2016, dont la métropole ne contredit pas efficacement les conclusions sur ce point, que le caractère défectueux de la fosse septique de la propriété de la SCI Twiggy, qui se déversait dans le talus dans des conditions qui ne ressortent pas des éléments de l'instance, aurait joué un rôle causal dans la survenance du sinistre. Par suite la métropole n'est pas fondée à prétendre que la faute qu'aurait commise la SCI en ne remédiant pas au dysfonctionnement de ses installations d'assainissement justifierait une exonération même partielle de sa propre responsabilité.
13. D'autre part, la métropole ne livre aucun élément de nature à démontrer qu'en s'abstenant de recouvrir son terrain de bâches, la SCI, à qui n'incombait aucune obligation de cet ordre, aurait contribué à la survenance des dommages dont elle demande la réparation.
S'agissant des préjudices allégués par la SCI Twiggy :
14. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire du 20 mai 2016, dont les propositions ne sont pas démenties dans cette mesure par l'appelante, que le glissement de terrain causé à la propriété de la SCI Twiggy, qui s'est traduit par la disparition de la restanque intermédiaire, et des trois places de stationnement sur le tènement, et par l'effondrement de la clôture séparative, a nécessité l'engagement de travaux d'enlèvement des matériaux, de restauration de cette restanque et de réfection de la clôture. L'expert évalue le coût des travaux correspondants, à partir de factures et de devis, respectivement aux sommes de 3 210 euros TTC, 10 000 euros TTC et de 5 460 euros TTC, dont le caractère excessif des montants ne résulte ni des éléments de l'instance, ni des écritures de la métropole. La valeur des places de stationnement disparues du fait du glissement de terrain,
qui ne saurait être estimée à partir des critères d'une exploitation commerciale, eu égard notamment à l'objet social de l'intimée, peut être fixée, en fonction des éléments d'appréciation de la valeur vénale d'un terrain non bâti, ainsi que l'a considéré l'expert, à 9 000 euros. Enfin, ainsi que le relève le rapport d'expertise, les sinistres en cause ont contraint la société à faire procéder au changement de son système d'eau chaude, et à engager des frais d'un montant non contesté de 714, 48 euros TTC. Il sera fait une juste indemnisation de ces différents chefs de préjudice, qui correspondent à des dommages accidentels, en allouant à la SCI la somme de
28 384, 48 euros TTC.
15. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que le glissement de terrain a mis hors service l'installation d'assainissement autonome de la propriété de la SCI et que celle-ci, sur prescriptions des services compétents, dont ceux de la métropole, a dû procéder à son remplacement par une micro-station d'épuration, pour un montant de 20 210 euros TTC, dont il n'est ni établi ni même allégué qu'il ne correspondrait pas au procédé technique le moins onéreux. La SCI justifie ainsi d'un préjudice financier qui sera réparé par l'octroi d'une indemnité de ce montant.
16. En troisième lieu, il ne ressort d'aucun des éléments de l'instruction que la
SCI Twiggy aurait été déjà indemnisée par son assureur des préjudices évoqués aux points précédents.
17. En quatrième lieu, en revanche, il résulte du rapport d'expertise du 20 mai 2016, ainsi que du procès-verbal de constat d'huissier du 22 janvier 2014, que la cuve de gaz qui assurait le chauffage de la maison d'habitation de la SCI est devenue inaccessible par suite de l'effondrement d'une partie du terrain d'assiette et que la SCI a procédé au changement de système de chauffage, par l'installation d'une pompe à chaleur, à titre temporaire, jusqu'au rétablissement de l'accès à l'équipement existant. Mais dans la mesure où le nouvel équipement, qui assure également la climatisation, présente un caractère pérenne, alors que la privation de chauffage du fait du sinistre a revêtu un caractère temporaire, et qu'à la faveur des travaux réalisés sur la propriété, l'accès à l'installation existante a pu être rétabli, le préjudice matériel consistant pour la SCI, propriétaire du bien immobilier, en l'achat de cette pompe à chaleur, pour la somme de 3 540 euros TTC, ne peut être regardé comme strictement nécessaire à la remise en état du bien et directement lié à la dégradation de l'ouvrage public en litige.
18. En dernier lieu, si le rapport d'expertise judiciaire du 20 mai 2016 propose de considérer comme établi le préjudice de perte locative, en raison de l'impossibilité de donner à la location le rez-de-chaussée de la maison, que les gérants de la SCI habitent depuis le sinistre, il ne résulte d'aucun des éléments de l'instruction, pas même de ce rapport et de ses annexes, que le bien de la SCI, qui ne produit aucun contrat ou quittance, était donné à bail au jour des sinistres en cause, à ses actionnaires ou à des tiers à la société. Par conséquent, ainsi que le soutient la métropole, la société n'est pas fondée à demander l'indemnisation d'un préjudice locatif pour la période s'achevant en mai 2016.
19. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Twiggy est fondée à demander la condamnation de la métropole à lui verser, au titre de sa responsabilité sans faute, la somme totale de 48 594, 48 euros TTC, dont sera déduite la somme de 40 000 euros, déjà versée à la société à titre de provision, en exécution de l'ordonnance n° 1603266 du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 8 mars 2017.
20. En application de l'article 1231-6 du code civil, cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2017, date d'enregistrement de la requête de la SCI Twiggy au greffe du tribunal. Les intérêts échus à la date du 3 avril 2018, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Sur les frais de première instance et d'appel :
21. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SCI Twiggy, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie essentiellement perdante. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la métropole Nice Côte d'Azur la somme de
3 000 euros à verser à la SCI Twiggy, en application de ces mêmes dispositions, au titre des frais de première instance et d'appel.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2105949 rendu le 21 juin 2022 par le tribunal administratif de Nice est annulé.
Article 2 : La métropole Nice Côte d'Azur est condamnée à verser à la SCI Twiggy la somme de 48 594, 48 euros TTC, sous déduction de la somme de 40 000 euros, déjà versée à la société à titre de provision, en exécution de l'ordonnance n° 1603266 du juge des référés du tribunal administratif de Nice du 8 mars 2017. Cette somme produira intérêts au taux légal à compter du 3 avril 2017, ces intérêts seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts à la date du
3 avril 2018, puis à chaque échéance annuelle ultérieure.
Article 3 : La métropole Nice Côte d'Azur versera à la SCI Twiggy la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de première instance et d'appel de la SCI Twiggy est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Nice Côte d'Azur et à la SCI Twiggy.
Copie en sera adressée à la commune de Nice.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2023.
N° 22MA023172