Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel le maire de la commune de Calvi a retiré la décision du 27 septembre 2019 de non-opposition à sa déclaration préalable.
Par un jugement n° 2000168 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 24 décembre 2019.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 août 2022 et 13 avril 2023, la commune de Calvi, représentée par Me Ribière, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000168 du 7 juin 2022 du tribunal administratif de Bastia ;
2°) de rejeter la demande d'annulation de Mme A... ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une inversion de la charge de la preuve, d'une insuffisance de motivation et d'une erreur dans la qualification juridique des faits ;
- c'est à bon droit que le maire a procédé au retrait de la décision de non-opposition à déclaration préalable du 27 septembre 2019 dès lors que le projet de Mme A..., en ce qu'il créé une place de stationnement dont l'accès est prévu dans la courbe d'une voie publique très fréquentée, représente un risque pour la sécurité et méconnaît, de ce fait, l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 mars et 11 août 2023, Mme A..., représentée par Me Eon, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la commune de Calvi le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par l'appelante ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 8 juin 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er septembre 2023 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 31 août 2023, présenté pour la commune de Calvi par Me Ribière, n'a pas été communiqué en application du dernier alinéa de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 27 septembre 2019, le maire de la commune de Calvi ne s'est pas opposé à la déclaration préalable déposée par Mme A... afin, notamment, de procéder à la démolition d'un abri de jardin et d'aménager une place de stationnement sur un terrain bâti cadastré section AH n° 296 situé quartier neuf dans cette même commune. Toutefois, par arrêté du 24 décembre 2019, le maire a procédé au retrait de la décision de non-opposition, après avoir invité Mme A... à présenter ses observations, au motif que ce projet méconnaissait, du fait de sa dangerosité, les dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme. Saisi par Mme A..., le tribunal administratif de Bastia a fait droit à sa demande d'annulation de la décision du maire du 24 décembre 2019, et ce, par un jugement du 7 juin 2022 dont la commune de Calvi relève appel dans la présente instance.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, il résulte des motifs mêmes du jugement attaqué que le tribunal administratif de Bastia a expressément répondu aux moyens contenus dans les mémoires produits par les parties. En particulier, le tribunal administratif, qui n'était pas tenu de répondre à tous les arguments avancés par les parties, a relevé qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que la voie desservant le quartier Loretto supportait un trafic automobile d'une intensité telle que la décision de non-opposition du 27 septembre 2019 était illégale au regard des dispositions de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme, eu égard à sa largeur, à sa configuration et à la présence de ralentisseurs qui est d'ailleurs de nature à faire respecter la limitation à 30 km/h de la vitesse des usagers. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement serait entaché d'une insuffisante motivation.
3. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative attaquée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, la commune de Calvi ne peut utilement soutenir que le tribunal a entaché sa décision d'une inversion de la charge de la preuve et d'une erreur dans la qualification juridique des faits pour demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales s'il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d'autres installations. ".
5. Il ressort des pièces du dossier que le projet est desservi par la rue Loretto, voie qui serait fréquentée par plus de 1 500 véhicules légers et 16 poids lourds par jour selon le relevé établi par un bureau d'étude mandaté par la commune de Calvi. Il est par ailleurs constant que l'accès au terrain d'assiette est situé dans une portion de cette voie marquée par un virage. Toutefois, tant les documents composant le dossier de la déclaration préalable déposé par Mme A... que les photographies produites par les parties dans l'instance permettent de constater que cet accès, situé dans la partie convexe de la courbe, bénéficie d'une visibilité suffisante pour assurer une insertion sécurisée des véhicules sur la voie publique, en dépit de la proximité d'un pylône électrique, et ce quel que soit le sens d'arrivée des véhicules circulant sur la voie, dans un secteur où la vitesse est limitée à 30 km/h. Au demeurant, il ressort des relevés de trafic produits par la commune de Calvi pour la période du 15 au 22 septembre 2022 que les vitesses moyennes relevées se situent entre 20 et 29,4 km/h, ce qui corrobore l'affirmation de l'intimée selon laquelle la présence d'un ralentisseur à proximité immédiate du terrain d'assiette du projet est de nature à modérer l'allure des véhicules. En outre, alors que la commune s'était dans un premier temps opposée au projet de Mme A... en raison de l'avis défavorable de l'architecte des bâtiments de France sans évoquer la sécurité de l'accès projeté, le caractère accidentogène de celui-ci ne saurait être établi par le seul plan de circulation réalisé par un géomètre expert, document qui ne démontre par ailleurs pas que Mme A... serait contrainte de s'insérer en marche arrière dans la circulation, et ce d'autant plus que, s'il ressort des photographies précitées que de nombreuses places de stationnement existent de l'autre côté de la voie, à l'intérieur de la courbe et donc avec des conditions de visibilité moins satisfaisantes pour l'insertion des véhicules dans la circulation, la commune n'établit pas ni même n'allègue que des accidents se seraient produits dans ce secteur de la rue Loretto. Dans ces conditions, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que la décision attaquée, portant retrait d'une précédente décision de non-opposition à déclaration préalable, était entachée d'une erreur d'appréciation.
6. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Calvi n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 24 décembre 2019 par lequel son maire a retiré la décision du 27 septembre 2019 de non-opposition à sa déclaration préalable. Par suite, ses conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif de Bastia doivent être rejetées.
Sur les frais d'instance :
7. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, ou pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
8. Ces dispositions font obstacle à ce que Mme A..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à la commune de Calvi une quelconque somme au titre des frais qu'elle a exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, en application de ces mêmes dispositions, de mettre à la charge de la commune de Calvi une somme de 2 000 euros à verser à Mme A....
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la commune de Calvi est rejetée.
Article 2 : La commune de Calvi versera une somme de 2 000 euros à Mme A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Calvi et à Mme B... A....
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Corse.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2023.
N° 22MA022352