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10/11/2023 | FRANCE | N°22MA03052

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre, 10 novembre 2023, 22MA03052


Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la mutualité ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Knispel, représentant Mme B... et M. E....

Considérant ce qu

i suit :

1. Mme C... A..., admise le 10 novembre 2009 en hospitalisation libre au centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin d...

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la mutualité ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Knispel, représentant Mme B... et M. E....

Considérant ce qui suit :

1. Mme C... A..., admise le 10 novembre 2009 en hospitalisation libre au centre hospitalier intercommunal (CHI) du bassin de Thau en raison d'un syndrome dépressif, y a fait une tentative de suicide le 17 novembre suivant et demeure, en raison de l'anoxie cérébrale prolongée qui en a résulté, dans un état neurovégétatif irréversible. Mme F... B..., mère de Mme A..., désignée comme tutrice légale de sa fille par un jugement du tribunal d'instance de Sète du 4 novembre 2010, agissant tant en cette qualité qu'en son nom propre, et M. D... E..., fils de Mme A..., ont recherché la responsabilité du CHI du bassin de Thau devant le tribunal administratif de Montpellier. Par un jugement du 29 mars 2021, le tribunal administratif a jugé que le CHI du bassin de Thau a commis une faute ayant entraîné une perte de chance de 60 % d'éviter le dommage, et condamné cet établissement au paiement d'une indemnité de 255 600 euros en réparation des préjudices subis par Mme A..., et de deux indemnités de 6 000 euros et de 3 600 euros versées respectivement à Mme B... et à M. E... en réparation de leurs préjudices propres. Par une ordonnance du 15 septembre 2021, le président de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par Mme B..., en son nom propre et en celui de Mme A... ainsi que M. E... contre ce jugement en tant qu'il n'a que partiellement fait droit aux demandes. Par une décision n° 458396 du 13 décembre 2022, le Conseil d'Etat a annulé, sur le pourvoi de Mme B... en son nom propre et en celui de sa fille ainsi que de M. E..., cette ordonnance et renvoyé à la cour le jugement de cette affaire.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 7 janvier 1959 relative aux actions en réparation civile de l'Etat et de certaines autres personnes publiques alors en vigueur, les agents de l'Etat ou d'une personne publique mentionnée à l'article 7 de cette ordonnance ou leurs ayants droit qui demandent en justice la réparation d'un préjudice qu'ils imputent à un tiers "doivent appeler en déclaration de jugement commun la personne publique intéressée et indiquer la qualité qui leur ouvre droit aux prestations de celle-ci ". Cette obligation, dont la méconnaissance est sanctionnée par la possibilité reconnue à toute personne intéressée de demander pendant deux ans l'annulation du jugement, a pour objet de permettre la mise en cause, à laquelle le juge administratif doit procéder d'office, des personnes publiques susceptibles d'avoir versé ou de devoir verser des prestations à la victime ou à ses ayants droit. Alors que la qualité de professeur d'espagnol titulaire est notamment mentionnée dans la requête d'appel et le rapport d'expertise psychiatrique établi le 15 décembre 2020, le ministre de l'éducation nationale, qui emploie Mme A..., laquelle a la qualité de fonctionnaire de l'Etat, n'a pas été appelé en cause par le tribunal administratif de Montpellier. En ne communiquant pas au ministre de l'éducation nationale la demande de Mme B... et de M. E..., respectivement mère et fils de Mme A... et agissant tous deux en leur nom propre ainsi que de tutrice légale s'agissant de Mme B..., le tribunal administratif de Montpellier a entaché son jugement d'irrégularité. Il y a lieu dès lors d'annuler le jugement rendu par le tribunal administratif de Montpellier, en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit aux conclusions des requérants.

3. Le ministre de l'éducation nationale ayant été mis en cause par la cour, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme B... et M. E... tant devant le tribunal administratif deMontpellier que devant la cour.

Sur la responsabilité :

4. Il résulte de l'instruction, en particulier des expertises ordonnées par les tribunaux de grande instance et administratif de Montpellier, que Mme A... présentait un trouble de l'humeur caractérisé par un état dépressif récurrent majeur de forme mélancolique. Il est relevé notamment que la symptomatologie dépressive de l'intéressée, qui présentait un risque de passage à l'acte suicidaire, nécessitait une surveillance médicale régulière et quotidienne qui n'a pas été assurée. En outre, aucune évaluation du risque suicidaire n'a été effectuée, et la planification du programme de soins mis en place n'était pas adaptée à son état dépressif. Enfin, le médecin en charge du suivi et de la surveillance de Mme A... n'était ni qualifié, ni spécialisé en psychiatrie. Ces éléments sont de nature à établir un défaut de surveillance et une faute dans l'organisation du service public hospitalier de nature à engager la responsabilité du CHI du bassin de Thau, qui ne le conteste pas. Enfin, le taux de perte de chance d'échapper aux graves séquelles liées à l'anoxie cérébrale, déterminé par l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier à 60 % et qui apparaît justifié au regard du risque suicidaire majeur présenté par l'intéressée au moment de son admission et des manquements retenus qui participent d'une absence de prise en charge psychiatrique et médico-psychologique adaptée, n'est critiqué par aucune des parties en appel.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne la fin de non-recevoir :

5. La personne qui a demandé en première instance la réparation des conséquences dommageables d'un fait qu'elle impute à une administration est recevable à détailler ces conséquences devant le juge d'appel, en invoquant le cas échéant des chefs de préjudice dont elle n'avait pas fait état devant les premiers juges, dès lors que ces chefs de préjudice se rattachent au même fait générateur et que ses prétentions demeurent dans la limite du montant total de l'indemnité chiffrée en première instance, augmentée le cas échéant des éléments nouveaux apparus postérieurement au jugement, sous réserve des règles qui gouvernent la recevabilité des demandes fondées sur une cause juridique nouvelle. Cette personne n'est toutefois recevable à majorer ses prétentions en appel que si le dommage s'est aggravé ou s'est révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement qu'elle attaque. Il suit de là qu'il appartient au juge d'appel d'évaluer, à la date à laquelle il se prononce, les préjudices invoqués, qu'ils l'aient été dès la première instance ou pour la première fois en appel, et de les réparer dans la limite du montant total demandé devant les premiers juges. Il ne peut mettre à la charge du responsable une indemnité excédant ce montant que si le dommage s'est aggravé ou révélé dans toute son ampleur postérieurement au jugement attaqué.

6. Il résulte de l'instruction que les requérants ont demandé, en première instance, comme dans leur mémoire enregistré devant la cour le 10 mars 2023, la condamnation du CHI du bassin de Thau à hauteur de 650 000 euros pour différents chefs de préjudices subis par Mme A... et ayant tous pour fait générateur la faute de surveillance commise par l'établissement hospitalier au cours de sa prise en charge. Dans le dernier état de ses écritures en appel et en réponse au moyen d'ordre public soulevé le 9 juin 2023, les requérants demandent, à titre principal, dans l'hypothèse d'une annulation du jugement du tribunal et d'une évocation de l'affaire par la cour, de condamner le CHI du bassin de Thau à verser à Mme B..., en sa qualité de tutrice de Mme A..., et après application du taux de perte de chance de 60 %, la somme totale de 1 449 189,69 euros. Par cette nouvelle demande, les requérants majorent certains chefs de préjudice invoqués dans leurs écritures précédentes, tels que le déficit fonctionnel permanent et les pertes de gains professionnels, et invoquent de nouveaux chefs de préjudices, tels que le préjudice d'incidence professionnelle, le déficit fonctionnel temporaire, le préjudice esthétique temporaire, le préjudice sexuel et le préjudice d'établissement. Toutefois, une telle demande doit être examinée dans le respect des principes définis au point précédent, y compris dans l'hypothèse d'une évocation de l'affaire par le juge d'appel. Ainsi, si ces préjudices se rattachent au même fait générateur, les requérants n'apportent aucune justification sérieuse de ce que les dommages invoqués au soutien de leur demande portée à 1 449 189,69 euros seraient nés, se seraient aggravés ou se seraient révélés dans toute leur ampleur postérieurement au jugement du 29 mars 2021. Par suite, il y a lieu d'accueillir la fin de non-recevoir opposée par le CHI du bassin de Thau et de rejeter comme irrecevables, s'agissant des préjudices subis par Mme A..., la demande des requérants en appel en tant qu'elle excède le quantum de 650 000 euros.

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme A... :

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux :

7. Il résulte de l'instruction et, notamment, du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que l'état de santé de Mme A... peut être considéré comme stabilisé au terme d'une période de trois ans d'évolution de son état végétatif, démarrant le 17 novembre 2009 et se terminant le 17 novembre 2012. L'intéressée doit ainsi être regardée comme ayant subi un déficit fonctionnel temporaire de 100 % au cours de cette période. En retenant un taux mensuel d'indemnisation de 500 euros, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par Mme A... au titre du déficit fonctionnel temporaire en l'évaluant, après application du taux de perte de chance, à la somme de 10 800 euros.

8. Il résulte de l'instruction que l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier a évalué à 7 sur une échelle allant de 1 à 7 les souffrances endurées par Mme A..., lesquelles sont à la fois physiques, du fait des blessures subies, et psychologiques, celle-ci présentant une altération sévère de la conscience et étant dans l'impossibilité de communiquer avec autrui. Les premiers juges n'ont pas fait une insuffisante appréciation de ce poste de préjudice, en l'évaluant, après application du taux de perte de chance de 60 %, à la somme de 22 800 euros.

9. Il résulte des éléments exposés au point 4 que Mme A... est dans un état végétatif chronique, dont l'état de santé a été consolidé le 17 novembre 2012, soit trois ans après sa tentative de suicide. Elle présente de manière permanente des disgrâces et déformations des membres inférieurs avec enroulement des extremités des quatre membres du fait de la tétraplégie spastique dont elle souffre. Toutefois, un tel préjudice n'apparaît pas distinct du préjudice esthétique permanent indemnisé au point 12. Par suite, les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent être rejetées.

10. Il résulte de l'instruction que Mme A... présente un déficit fonctionnel permanent imputable de 100 % correspondant, au vu des conclusions de l'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal administratif, à une tétraplégie spastique, séquellaire d'une anoxie cérébrale due à sa tentative de suicide, caractérisée par une paralysie des membres inférieurs et supérieurs. L'expert souligne l'état grabataire de Mme A... caractérisé par une absence de mouvements du fait de lésions au niveau du système nerveux central permettant leur fonctionnement, une altération sévère de la conscience, une communication impossible et une incontinence urinaire et fécale totale. Compte tenu de ce que Mme A... était âgée de 47 ans à la date de la consolidation de son état, le 12 novembre 2012, ce chef de préjudice sera justement indemnisé par l'octroi d'une somme de 210 000 euros, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu.

11. Au regard de l'importance des troubles et du handicap dont souffre Mme A..., dont le déficit fonctionnel permanent a été déterminé par l'expert à 100 %, il sera fait une juste appréciation du préjudice d'agrément en l'évaluant à la somme de 31 500 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 60 %.

12. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise contradictoire que le préjudice esthétique permanent peut être évalué à 7 sur une échelle de 1 à 7, au regard des déformations des membres inférieurs résultant de la tétraplégie spastique dont souffre Mme A.... Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évaluer ce chef de préjudice, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu, à la somme de 22 800 euros.

13. Le préjudice sexuel, s'il n'a pas été reconnu par l'expert, doit être regardé comme étant caractérisé, compte tenu de l'âge de la victime et de son lourd handicap. Par suite, celui-ci peut être évalué, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu du taux de perte de chance, à la somme de 18 000 euros.

14. Le handicap dont est atteinte la requérante la prive de la possibilité de réaliser un projet de vie familiale. Ce préjudice d'établissement sera justement évalué à la somme de 24 000 euros, compte tenu du taux de perte de chance de 60 %.

S'agissant des préjudices patrimoniaux :

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :

15. Si les conclusions des requérants présentées dans leur mémoire enregistré le 23 juin 2023 mentionnent un préjudice d'assistance à tierce personne temporaire évalué à 4 248 euros, ils précisent cependant que la victime a perçu des prestations sociales ayant permis la prise en charge intégrale de ce préjudice et qu'ils ne sollicitent de ce fait pas d'indemnisation. La demande présentée au titre de ce préjudice à hauteur de 4 248 euros doit, par voie de conséquence, être rejetée.

Quant aux pertes de revenus et à l'incidence professionnelle :

16. Les requérants soutiennent que Mme A... présente, du fait des graves séquelles liées à l'anoxie cérébrale prolongée subie, un état grabataire qui la rend inapte à l'exercice de toute activité professionnelle, de sorte qu'elle est fondée à obtenir la réparation des pertes de revenus et du préjudice d'incidence professionnelle subis. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert désigné par le tribunal administratif de Montpellier, que Mme A..., qui était professeur d'espagnol titulaire dans un lycée à Sète, souffrait de troubles dépressifs depuis 1994, qu'elle était placée, au moment de son hospitalisation, en congé de longue maladie d'une durée de six mois et qu'un traitement antidépresseur lui avait été prescrit depuis six semaines. La cour ne dispose ainsi pas, en l'état de l'instruction et au regard de l'expertise et de l'état antérieur de l'intéressée, et indépendamment des séquelles résultant de la faute commise par le CHI du bassin de Thau, de suffisamment d'éléments d'information pour apprécier si la pathologie psychique dont souffrait Mme A... et qui est à l'origine de son arrêt de travail aurait permis à l'intéressée de reprendre, de manière certaine, son activité professionnelle ou une autre activité susceptible de lui donner droit à une rémunération. Elle ne dispose pas non plus d'informations suffisantes pour déterminer, dans l'hypothèse où Mme A... n'aurait pas été, en dépit de son état antérieur, dans l'incapacité de reprendre ses fonctions du fait de sa pathologie psychique, à partir de quand cette reprise du travail aurait été possible. Il s'ensuit, dès lors, qu'il y a lieu d'ordonner, avant dire droit, une expertise et de confier à l'expert la mission définie à l'article 7 du présent arrêt.

En ce qui concerne les préjudices subis par Mme B... et M. E... :

17. Mme B... a subi un préjudice d'affection du fait des souffrances subies par sa fille et un préjudice moral qui résulte pour elle de son handicap. Il sera fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant à la somme de 6 000 euros après application du taux de 60 %. Pour les mêmes motifs, et alors qu'aucun élément n'établit que M. E... n'aurait plus de relations avec sa mère, il y a lieu d'évaluer son préjudice d'affection à la somme de 3 600 euros, compte tenu du pourcentage de perte de chance retenu.

18. Il résulte de tout ce qui précède que la somme que le CHI du bassin de Thau a été condamné à payer à Mme A... doit être portée à 339 900 euros. Par contre, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier à condamner le CHI du bassin de Thau à payer respectivement à Mme B... et à M. E... les sommes de 6 000 euros et de 3 600 euros en réparation de de leurs préjudices propres.

Sur les droits de la CPAM de l'Hérault :

En ce qui concerne la recevabilité de la demande :

19. Lorsqu'un jugement ayant statué sur des conclusions indemnitaires de la victime fait l'objet d'un appel de cette dernière, la caisse appelée en cause par la cour administrative d'appel ne peut régulièrement présenter devant le juge d'appel d'autres conclusions que celles de sa demande de première instance, en y ajoutant seulement, le cas échéant, celles tendant au remboursement des prestations servies à la victime postérieurement à l'intervention du jugement.

20. Il résulte de l'instruction que la CPAM de l'Hérault, bien que régulièrement appelée en cause par le tribunal administratif de Montpellier, n'a pas sollicité, en première instance, le remboursement des prestations qu'elle a servies à Mme A... en conséquence de son dommage. Dans ces conditions, elle n'est pas recevable à demander, pour la première fois en appel, la condamnation du CHI du bassin de Thau et la mutuelle générale de l'éducation nationale à lui verser les sommes correspondant aux débours exposés avant l'intervention du jugement rendu par les premiers juges le 29 mars 2021, au titre des frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport. Par suite, les conclusions présentées par la CPAM de l'Hérault doivent, dans cette mesure, être rejetées comme irrecevables.

En ce qui concerne les débours :

21. La CPAM de l'Hérault produit, à l'appui de sa demande d'appel, un relevé des débours exposés, un décompte détaillé des prestations et une attestation d'imputabilité du médecin conseil du service médical d'Occitanie. Il ressort de ces éléments que les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d'appareillage et de transport exposés à compter du 29 mars 2021 s'élèvent à la somme, non contestée par le CHI du bassin de Thau, de 241 551,06 euros, soit 144 930,64 euros après application du taux de perte de chance de 60 %. Il suit de là que la CPAM de l'Hérault est fondée à demander que soit mise à la charge du CHI du bassin de Thau la somme de 144 930,64 euros. Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2023, date d'enregistrement au greffe de la cour de son mémoire en demandant le bénéfice. La capitalisation des intérêts a été demandée à l'occasion du mémoire de la CPAM de l'Hérault enregistré le 8 juin 2023. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 8 juin 2024, date à laquelle sera due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

22. Le remboursement à la caisse par le tiers responsable des prestations qu'elle sera amenée à verser à l'avenir, de manière certaine, prend normalement la forme du versement d'une rente. Il ne peut être mis à la charge du responsable sous la forme du versement immédiat d'un capital représentatif qu'avec son accord. En l'espèce, le CHI du bassin de Thau déclare s'opposer au versement immédiat d'un capital. L'indemnisation doit donc prendre la forme d'une rente. Il ressort du document justificatif produit par la CPAM de l'Hérault que les dépenses de santé futures exposées par elle s'élèvent à la somme annuelle de 121 095,36 euros, qui n'est pas remise en cause par le centre hospitalier. En conséquence, le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault une rente annuelle, après application du taux de perte de chance retenu, de 72 657,22 euros revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

En ce qui concerne l'indemnité forfaitaire de gestion :

23. Aux termes de l'article L. 454-1 du code de la sécurité sociale : " En contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné au troisième alinéa ci-dessus, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 910 euros et d'un montant minimum de 91 euros. A compter du 1er janvier 2007, les montants mentionnés au présent alinéa sont révisés chaque année, par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget, en fonction du taux de progression de l'indice des prix à la consommation hors tabac prévu dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour l'année considérée. ". Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 : " Les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale sont fixés respectivement à 115 euros et 1 162 euros au titre des remboursements effectués au cours de l'année 2023. ".

24. En application des dispositions précitées, la CPAM de l'Hérault a droit à l'indemnité forfaitaire régie par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale, pour le montant de 1 162 euros auquel elle a été fixée par l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale. En conséquence, le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault la somme de 1 162 euros.

25. Compte tenu des éléments exposés au point 16, il y'a lieu de réserver jusqu'en fin d'instance les droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas statué dans le présent arrêt.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1903584 du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il n'a que partiellement fait droit aux conclusions des requérants.

Article 2 : La somme que le CHI du bassin de Thau a été condamné à payer à Mme A..., représentée par Mme B..., par le tribunal administratif de Montpellier est portée à 339 900 euros. Cette somme sera éventuellement augmentée après expertise d'une somme correspondant aux préjudices relatifs à la perte de revenus et à l'incidence professionnelle subis par Mme A... dans la limite d'une condamnation totale de 650 000 euros.

Article 3 : Les conclusions présentées devant le tribunal administratif de Montpellier par Mme B... et par M. E... en leur nom personnel sont rejetées en tant qu'elles excèdent les sommes de 6 000 euros et de 3 600 euros qui leur ont été respectivement accordées par le jugement n° 1903584 du 29 mars 2021.

Article 4 : Les conclusions présentées devant la cour par Mme B... et par M. E... en leur nom personnel sont rejetées.

Article 5 : Le CHI du bassin de Thau est condamné à payer à la CPAM de l'Hérault la somme de 144 930,64 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 juin 2023, et de la capitalisation des intérêts à compter du 8 juin 2024, puis à chaque échéance annuelle éventuelle à compter de cette date.

Article 6 : Le CHI du bassin de Thau est condamné à payer à la CPAM de l'Hérault une rente annuelle d'un montant de 72 657,22 euros. Cette rente sera revalorisée par application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code la sécurité sociale.

Article 7 : Le CHI du bassin de Thau versera à la CPAM de l'Hérault la somme de 1 162 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue à l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.

Article 8 : Le surplus des conclusions de la CPAM de l'Hérault est rejeté.

Article 9 : Il est ordonné, avant de statuer sur les conclusions de la requête tendant à l'indemnisation des pertes de revenus et du préjudice d'incidence professionnelle invoqués par les requérants, une expertise confiée à un médecin psychiatre, qui aura pour mission :

1°) de se faire communiquer tous documents utiles à l'accomplissement de sa mission et notamment ceux qui sont relatifs au suivi médical, interventions, soins et traitements dont Mme A... faisait l'objet avant son hospitalisation le 10 novembre 2009 ;

2°) de décrire précisément l'état de santé et la pathologie de Mme A... à la date de son hospitalisation ;

3°) d'indiquer si cet état de santé rendait ou non Mme A... inapte de manière définitive et absolue à la reprise de son activité professionnelle ou, à défaut, de toute autre activité professionnelle lui donnant droit à une rémunération ;

4°) de préciser, dans l'hypothèse où cet état de santé ne rendait pas Mme A... inapte de manière définitive et absolue à la reprise de son activité professionnelle ou, à défaut, de toute autre activité professionnelle lui donnant droit à une rémunération, à partir de quelle date cette reprise du travail aurait été possible ;

5°) de donner à la cour tous éléments d'appréciation de nature à lui permettre de se prononcer sur l'état de santé de Mme A..., indépendamment de la faute commise par le centre hospitalier des séquelles qui en ont résulté.

Article 10 : L'expert accomplira la mission définie à l'article 7 dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 11 : L'expertise sera menée contradictoirement entre Mme A... représentée par Mme G... B..., le centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, la mutuelle générale de l'éducation nationale, le ministre de l'éducation nationale et la rectrice de la région académique Occitanie.

Article 12 : L'expert déposera son rapport au greffe en deux exemplaires, dans le délai qui sera fixé par la présidente de la cour. Il en notifiera copie aux personnes intéressées, notification qui pourra s'opérer sous forme électronique avec l'accord desdites parties.

Article 13 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'à la fin de l'instance.

Article 14 : Le présent arrêt sera notifié à Mme G... B..., à M. D... E..., au centre hospitalier intercommunal du bassin de Thau, à la caisse primaire d'assurance maladie de l'Hérault, à la mutuelle générale de l'éducation nationale, au ministre de l'éducation nationale et à la rectrice de la région académique Occitanie.

Délibéré après l'audience du 19 octobre 2023, où siégeaient :

- Mme Fedi, présidente de chambre,

- Mme Rigaud, présidente assesseure,

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 novembre 2023.

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N° 22MA03052


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