Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler la décision du 25 septembre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse l'a informée du
non-renouvellement de son contrat à durée déterminée en date du 4 décembre 2014, la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé le 16 novembre 2017, ainsi que la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'économie et des finances et celui de l'action et des comptes publics ont mis fin à ses fonctions à compter du 2 janvier 2018 et d'enjoindre au ministre de l'économie et des finances de lui proposer un contrat à durée indéterminée dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et ce sous astreinte de 100 euros par jours de retard.
Par un jugement n° 1800085 du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Bastia a annulé les décisions de la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse et du ministre de l'économie et des finances portant non-renouvellement du contrat de travail de Mme B... et mettant fin à son contrat à compter du 2 janvier 2018 et a enjoint au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Par un arrêt n° 19MA02432, 19MA02433 du 8 juillet 2020, la Cour, saisie de l'appel du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics, a en premier lieu réformé ce jugement en ce qu'il a ordonné au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée, en deuxième lieu enjoint au ministre de l'économie et des finances ainsi qu'au ministre de l'action et des comptes publics de procéder à la réintégration juridique de Mme B..., en tenant compte de la requalification du contrat de l'intéressée en contrat à durée indéterminée à compter de la date d'effet de son licenciement et de rechercher les possibilités de reclassement de l'intéressée dans un poste vacant compatible avec ses compétences professionnelles et sa situation statutaire telle que requalifiée par cet arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la notification de celui-ci, et en dernier lieu mis à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 5 mars 2021 et les 16 février, 12 et
15 mai 2023 et le 3 novembre 2023, Mme B..., représentée par Me Giansily, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de faire assurer l'exécution de l'arrêt du 8 juillet 2020 par sa réintégration juridique et la reconstitution de ses droits sociaux, incluant ses droits à pension ;
2°) d'enjoindre de régulariser sa carrière dans un délai de trente jours, sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- si un contrat à durée indéterminée lui a été proposé, aucune réintégration ni aucune reconstitution de sa carrière ne sont intervenues, notamment pour reconstituer ses droits sociaux, dont ses droits à pension ;
- cette inexécution justifie le prononcé d'une astreinte.
Par une ordonnance du 16 janvier 2023, la présidente de la Cour a ouvert une procédure juridictionnelle en vue de prescrire les mesures d'exécution du jugement n° 1800085 du
25 mars 2019 du tribunal administratif de Bastia, réformé par l'arrêt n° 19MA02432, 19MA02433 rendu le 8 juillet 2020 par la cour administrative d'appel de Marseille.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 février 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, conclut au rejet de la requête.
Le ministre fait valoir que :
- les décisions juridictionnelles en cause ont été exécutées en cela que l'intéressée a été réintégrée juridiquement sur un emploi vacant à compter du 2 janvier 2018, pour exercer à partir du 1er octobre 2020 les fonctions de chargée de mission ;
- la régularisation de ses droits à pension est en cours ;
- une procédure de rupture conventionnelle, à la demande de l'intéressée, a été menée à terme le 31 décembre 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un jugement du 25 mars 2019, le tribunal administratif de Bastia a, d'une part, annulé la décision du 25 septembre 2017 par laquelle la directrice régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) de Corse a informé Mme B... du non-renouvellement de son contrat à durée déterminée, la décision implicite de rejet de son recours hiérarchique formé contre cette décision le 16 novembre 2017, ainsi que la décision du 4 décembre 2017 par laquelle le ministre de l'économie et des finances et celui de l'action et des comptes publics ont mis fin à ses fonctions à compter du 2 janvier 2018 et a, d'autre part, enjoint au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée. Par un arrêt du 8 juillet 2020, la Cour, saisie de l'appel du ministre de l'économie et des finances et du ministre de l'action et des comptes publics contre ce jugement, a réformé celui-ci en tant qu'il a ordonné au ministre de l'économie et des finances de proposer à Mme B... la signature d'un contrat à durée indéterminée et a enjoint aux ministres de procéder à la réintégration juridique de l'intéressée, en tenant compte de la requalification de son contrat en contrat à durée indéterminée à compter de la date d'effet de son licenciement et, de rechercher les possibilités de reclassement de cet agent dans un poste vacant compatible avec ses compétences professionnelles et sa situation statutaire telle que requalifiée par l'arrêt, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce dernier. Compte tenu de son argumentation, Mme B... doit être regardée comme demandant à la Cour de faire assurer l'exécution de ce jugement tel que réformé par cet arrêt, en enjoignant aux ministres chargés de l'économie et des finances, et des comptes publics de la réintégrer juridiquement et de reconstituer sa carrière.
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander à la juridiction, une fois la décision rendue, d'en assurer l'exécution. / Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte.".
3. L'annulation d'une décision licenciant illégalement un agent public implique nécessairement, au titre de la reconstitution de sa carrière, la reconstitution des droits sociaux, et notamment des droits à pension de retraite, qu'il aurait acquis en l'absence de l'éviction illégale et, par suite, le versement par l'administration des cotisations nécessaires à cette reconstitution. Ainsi, sauf à ce que l'agent ait bénéficié d'une indemnité destinée à réparer le préjudice matériel subi incluant les sommes correspondantes, il incombe à l'administration de prendre à sa charge le versement de la part salariale de ces cotisations, au même titre que de la part patronale.
4. D'une part, il résulte de l'instruction que le ministre de l'économie, de l'industrie et de la relance a proposé à Mme B..., qui l'a accepté le 7 novembre 2020, un contrat à durée indéterminée, qui prend effet le 2 janvier 2018, par lequel elle est réintégrée juridiquement dans les effectifs du ministère à compter de cette même date et doit exercer, à compter du
1er octobre 2020, les fonctions de chargée de mission de développement économique
Corse du sud au sein de la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de Corse, devenue direction régionale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités de Corse. Il n'est ni établi ni même allégué par
Mme B... que ce poste n'est pas compatible avec ses compétences professionnelles et sa situation statutaire. Ainsi le ministre chargé de l'économie a assuré la complète exécution de l'arrêt de la Cour en ce qu'il lui a ordonné de réintégrer juridiquement Mme B... à compter de la date de son licenciement, le 2 janvier 2018, sur un emploi compatible avec ses compétences professionnelles, au terme de la conclusion d'un contrat à durée indéterminée. La circonstance que ce contrat à durée indéterminée n'a été signé par le ministre le 6 novembre 2020 et par
Mme B... que le 7 novembre, soit après l'expiration du délai de deux mois imparti par la Cour pour exécuter cette injonction, est sans incidence sur l'exécution de son arrêt pris dans cette mesure, et n'est pas de nature à justifier le prononcé d'une astreinte.
5. D'autre part, le ministre de l'économie et des finances affirme avoir engagé des démarches auprès de la caisse de retraite compétente et de l'Union de recouvrement des cotisations de Sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) pour la reconstitution des droits sociaux et à pension de Mme B... depuis le 2 janvier 2018. Pour en justifier, le ministre produit un courriel de ses services du 23 février 2023 indiquant que la demande adressée à l'URSSAF était à cette date en cours de traitement, pour la période du 2 janvier 2018 au 30 décembre 2020. Ce faisant, le ministre a pris des mesures relatives à la reconstitution des droits sociaux de Mme B... depuis le 2 janvier 2018, qui constituent un commencement sérieux d'exécution de l'arrêt de la Cour, dont l'aboutissement dépend désormais des diligences de l'URSSAF Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dans ces circonstances qui manifestent la volonté de l'Etat de procéder à l'exécution complète de l'arrêt précité, il n'y a pas lieu, en l'état du dossier, de prononcer à ce titre une astreinte. En revanche, alors que Mme B... affirme sans être contredite que l'arrêt de la Cour n'est toujours pas exécuté en ce qu'il porte sur la reconstitution de ses droits à pension depuis le 2 janvier 2018, le ministre de l'économie et des finances, auquel une mesure d'instruction a pourtant été adressée par la Cour en ce sens, ne livre pas d'éléments suffisamment sérieux, de nature à justifier que cet arrêt est en cours d'exécution sur ce point. Il y a donc lieu en l'espèce de prononcer une astreinte, qui courra à l'expiration d'un délai de trois mois suivant la notification du présent arrêt, s'il n'est pas justifié par le ministre de l'économie et des finances de toutes les mesures qu'il aura prises pour assurer cette reconstitution en saisissant la caisse de retraite compétente pour liquider les droits à pension de Mme B..., pour la période du 2 janvier 2018, date de son licenciement, au 1er octobre 2020, date de sa réintégration effective dans un poste compatible avec ses compétences professionnelles. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour de retard.
6. Enfin, il y a lieu en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans cette instance, la somme de 1 500 euros à verser à Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Une astreinte est prononcée contre l'Etat, si le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique ne justifie pas avoir, dans les trois mois suivant la notification du présent arrêt, procédé à la reconstitution des droits à pension de Mme B..., pour la période allant du 2 janvier 2018 au 1er octobre 2020. Le taux de cette astreinte est fixé à 50 euros par jour de retard à compter du lendemain de l'expiration de ce délai et jusqu'à la date de cette exécution.
Article 2 : Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique communiquera à la Cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mme B... la somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme B... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et au ministre délégué, chargé des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2023, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2023.
N° 23MA002172