Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
Par un premier recours, enregistré au greffe du tribunal administratif de Marseille sous le n° 2001057, M. C... E... a demandé à ce tribunal de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 5 692 euros bruts au titre de son préjudice financier, la somme de 3 938 euros bruts au titre de la perte de chance sérieuse d'avancement au grade d'attaché territorial principal et la somme de 10 000 euros au titre du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de sa mutation illégale du 16 juin 2017.
Par un jugement n° 2001057 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et mis à sa charge la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un second recours, enregistré au greffe du même tribunal sous le n° 1910171, M. E... a demandé d'une part, d'annuler la décision de la maire de la commune d'Aix-en-Provence du 27 novembre 2019 l'affectant sur le poste de conseiller technique " emploi développement économique ", d'autre part, de condamner cette commune à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cette décision et enfin, d'enjoindre à la commune de le réintégrer dans son poste de directeur de la politique et du logement, ce service étant désormais intitulé " direction de la citoyenneté et de la proximité ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 1910171 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande et mis à sa charge la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédures devant la Cour :
I) Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 et 5 août 2022, le 27 novembre 2023 sous le n° 22MA02200, et un mémoire, enregistré le 18 janvier 2024 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, M. E..., représenté par Me Del Prete, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement n° 2001057 rendu le 7 juin 2022 par le tribunal administratif de Marseille ;
2°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser les sommes de 5 692 euros, de 3 938 euros et de 10 000 euros en réparation des préjudices financier, d'avancement et moral qu'il dit avoir subis du fait de sa mutation illégale du 16 juin 2017 ;
3°) d'assortir cette condamnation du paiement des intérêts de retard en application de l'article 1231-6 du code civil et de la capitalisation de ces intérêts sur le fondement de l'article 1342-2 de ce code ;
4°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal, tout en admettant que la mesure de mutation emportait baisse de sa rémunération et du niveau de ses responsabilités et alors que l'intention répressive de son employeur est établie par le motif lié à la perte de confiance, a refusé de la qualifier de sanction déguisée et de mise au placard ;
- cette illégalité de fond est de nature à engager la responsabilité de la commune à son égard ;
- il a subi en conséquence un préjudice financier lié à la différence entre la rémunération qu'il percevait avant sa mutation et celle, inférieure, qu'il a effectivement reçue pendant
deux années, soit la somme de 5 692 euros bruts ;
- cette mutation illégale est à l'origine pour lui d'une perte de chance sérieuse d'avancement au grade d'attaché principal, évaluée à la somme de 3 938 euros bruts ;
- son préjudice moral et ses troubles dans les conditions d'existence, qui trouvent également leur origine dans le vice de légalité externe sanctionné par le tribunal, doivent être réparés par l'octroi d'une somme de 10 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Lonqueue, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 1 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
II) Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2022, le 27 novembre 2023, sous le n° 22MA02219, et un mémoire enregistré le 18 janvier 2024 et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, M. E..., représenté par Me Del Prete, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement n° 1910171 rendu le 7 juin 2022 par le tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler cette décision de mutation du 27 novembre 2019 ;
3°) d'enjoindre à la commune d'Aix-en-Provence de le réintégrer dans son poste de directeur de la politique et du logement, désormais intitulé " direction de la citoyenneté et de la proximité ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de condamner la commune d'Aix-en-Provence à lui verser la somme de 73 357,38 euros en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du harcèlement moral dont il se dit victime ;
5°) de mettre à la charge de la commune d'Aix-en-Provence la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Il soutient que :
- c'est à tort que le tribunal, tout en admettant que la mesure de mutation prononcée à son égard le 27 novembre 2019, à effet au 1er décembre 2019, emportait baisse de sa rémunération et du niveau de ses responsabilités et alors que l'intention répressive de son employeur est établie par le motif lié à la perte de confiance, a refusé de la qualifier de sanction déguisée et de mise au placard ;
- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, il a subi un harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, ayant notamment été mis au placard, accusé du vol du disque dur de son ordinateur et de s'être lui-même livré à des agissements de harcèlement moral ;
- il a subi en conséquence des préjudices à réparer par l'octroi d'une somme de 30 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 novembre 2023, la commune d'Aix-en-Provence, représentée par Me Lonqueue, conclut à titre principal, au rejet pour irrecevabilité de la demande indemnitaire, subsidiairement, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de son auteur la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, en faisant valoir que le contentieux indemnitaire n'a pas été lié, que les moyens d'appel ne sont pas fondés et que ne le sont pas davantage les autres moyens développés par le requérant en première instance.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code civil ;
- la loi du 22 avril 1905 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-56 du 26 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Baillargeon, substituant Me Del Prete, représentant M. E... et de M. E....
Une note en délibéré présentée pour M. E..., par Me Del Prete, a été enregistrée dans chacun des deux dossiers le 26 janvier 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. E..., attaché territorial ayant exercé pendant huit ans les fonctions de directeur de la politique de la ville à la commune d'Aix-en-Provence, a été affecté à compter du 1er septembre 2017 sur le poste de conseiller technique " Emploi développement économique ", auprès de la directrice générale adjointe aux ressources humaines et aux services aux publics, par décision de la maire d'Aix-en-Provence du 16 juin 2017. Par un jugement du 17 septembre 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a, à la demande de M. E..., annulé cette décision pour défaut de consultation de la commission administrative paritaire et a enjoint à la maire d'Aix-en-Provence de réexaminer sa situation, à l'issue d'une nouvelle procédure. Par une décision du 27 novembre 2019, prise après avis de cette commission, la maire d'Aix-en-Provence a décidé d'affecter M. E... sur ce même poste, à compter du 1er décembre 2019. Par un premier jugement n° 2001057 rendu le 7 juin 2022, dont M. E... relève appel par sa requête n° 22MA02200, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune d'Aix-en-Provence à réparer le préjudice financier, le préjudice de carrière ainsi que le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence qu'il estime avoir subis du fait de sa mutation illégale du 16 juin 2017, et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un second jugement n° 1910171 du 7 juin 2022, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de sa mutation du 27 novembre 2019, d'autre part, à la condamnation de la commune à lui verser une somme de 20 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait de cette décision et enfin, à ce qu'il soit enjoint à la commune de le réintégrer dans son poste de directeur de la politique et du logement, désormais intitulé " directeur de la citoyenneté et de la proximité ", et a mis à sa charge la somme de 1 000 euros au titre des frais de l'instance. Par sa requête n° 22MA02219, M. E... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en ce qu'il a rejeté ses conclusions en excès de pouvoir et ses prétentions indemnitaires et en ce qu'il a mis à sa charge une somme de 1 000 euros.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 22MA02200 et 22MA02219 présentent à juger des questions identiques. Il y a donc lieu de les joindre pour statuer par un seul et même arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement n° 2001057 :
En ce qui concerne le cadre juridique applicable :
3. Une mutation d'office revêt le caractère d'une mesure disciplinaire déguisée lorsque, tout à la fois, il en résulte une dégradation de la situation professionnelle de l'agent concerné et que la nature des faits qui ont justifié la mesure et l'intention poursuivie par l'administration révèlent une volonté de sanctionner cet agent.
4. Par ailleurs, si l'intervention d'une décision illégale peut constituer une faute susceptible d'engager la responsabilité de la collectivité qui en est l'auteur, elle ne saurait donner lieu à réparation si, dans le cas d'une procédure régulière, la même décision aurait pu légalement être prise. Lorsqu'il est saisi d'une demande indemnitaire fondée sur l'illégalité d'une mutation qui a été définitivement annulée pour un vice de procédure, il appartient au juge de la responsabilité, pour se prononcer sur le bien-fondé de la demande de réparation des préjudices invoqués, de rechercher lui-même si et dans quelle mesure cette décision de changement d'affectation de l'agent était justifiée au fond, sans s'en tenir à la chose jugée sur le recours pour excès de pouvoir précédemment présenté par cet agent.
En ce qui concerne la faute commise par la commune d'Aix-en-Provence en mutant d'office M. E... :
5. Par un jugement du 17 septembre 2019, devenu définitif, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision de la maire d'Aix-en-Provence du 16 juin 2017, au motif qu'elle n'avait pas été précédée de la consultation obligatoire de la commission administrative paritaire. En prenant une telle décision illégale, la maire d'Aix-en-Provence a commis une faute susceptible d'engager la responsabilité de la commune à l'égard de M. E.... La circonstance que cette autorité a pris le 27 novembre 2019, comme elle le pouvait en exécution de ce jugement, une nouvelle décision d'affectation de M. E..., sur le même poste, mais à compter du 1er décembre 2019, n'est pas de nature à ôter son caractère fautif à l'illégalité de sa précédente décision.
6. Néanmoins, il résulte de l'instruction, et spécialement des motifs de la décision du 16 juin 2017, que pour prononcer le changement d'affectation de M. E..., la maire s'est fondée, dans le cadre d'une réorganisation générale des services communaux engagée parallèlement à un transfert de compétences vers la métropole Aix-Marseille-Provence et devant être soumise à l'avis du comité technique paritaire le 10 juillet 2017, sur la nécessité de mettre en valeur au sein de la commune l'emploi et le développement économique et de créer en conséquence, à compter du 1er septembre 2017, le poste de conseiller technique " Emploi Développement économique ", rattaché à la directrice générale adjointe aux ressources humaines et aux services aux publics, l'intéressé disposant du profil et de l'expérience nécessaires à l'exercice de telles fonctions. Contrairement aux allégations de l'appelant, il ne résulte pas de la comparaison des organigrammes de la commune, avant et après la réunion du comité technique paritaire, ni des pages 15 à 19 de son mémoire complémentaire de première instance auxquelles il renvoie dans ses dernières écritures d'appel, qu'il serait le seul agent à être défavorablement concerné par cette réorganisation des services. Une telle mesure a donc été prise dans l'intérêt du service. Contrairement à ce que soutient M. E..., il ne résulte ni de son courrier du 29 mai 2017, ni d'aucune autre pièce du dossier, qu'il ne justifiait pas d'une aptitude professionnelle lui permettant d'occuper normalement un tel emploi à créer. Il ressort en outre non seulement de l'avis du comité technique paritaire du 10 juillet 2017, mais également du compte rendu d'évaluation professionnelle de l'intéressé pour l'année 2018, ainsi que des exemples de missions qui lui ont été dévolues, livrés par la directrice générale adjointe des services aux ressources humaines dans un courriel du 3 mai 2019, que ce poste comportait de véritables attributions, conformes à son cadre d'emploi. Le fait que l'emploi de conseiller technique a été supprimé, après consultation du comité social territorial le 6 juillet 2023, compte tenu de " la baisse significative des activités du poste occupé ", ainsi que la maire en a informé l'intéressé le 26 septembre 2023, dans un contexte de division de la direction des ressources humaines et des services aux publics en deux nouvelles directions, dont la direction générale adjointe " Finance Economie Optimisation ", chargée de réorganiser les services et ayant proposé cette suppression, n'est pas de nature à remettre en cause l'intérêt du service qui s'attachait à sa création et à l'affectation de M. E....
7. Certes, il résulte également de l'instruction que ce changement d'affectation est intervenu alors que le directeur général des services lui avait indiqué le 6 juin 2017, à la suite de leur entretien le 29 mai 2017, qu'il allait proposer à la maire de prononcer cette mutation, et qu'au cours de cet entretien, le directeur a évoqué la " perte de confiance " des élus dans la fonction de directeur général de la politique de la ville et, suivant des termes identiques à ceux de la maire dans un message sur téléphone portable adressé au requérant, une " usure professionnelle " sur le poste. Une note du directeur général des services adressée à la maire le 9 janvier 2017 montre encore que l'attitude de M. E... à l'égard du directeur du centre communal d'action sociale a pu susciter la réprobation de sa hiérarchie.
8. Toutefois, il résulte de l'instruction que les faits qui constituent le fondement de la décision prononçant le changement d'affectation de M. E... sont relatifs non à des fautes que celui-ci aurait commises, mais à certains aspects de sa manière de servir, jugée par ailleurs irréprochable par sa hiérarchie, et à la durée importante pendant laquelle il a occupé ses fonctions de directeur dans le même service, alors même qu'en janvier 2017, le directeur général des services a pu demander des explications au supérieur hiérarchique direct de l'agent au sujet notamment de rumeurs sur de prétendues tentatives d'intervention de celui-ci pour l'embauche de son beau-frère. Dès lors, la mutation du 16 juin 2017, qui n'avait pas été décidée dès le mois de janvier 2017 et qui ne constitue pas une " mise au placard " comme le prétend
M. E..., n'a pas de caractère disciplinaire mais a été prise dans l'intérêt du service, contrairement à ce que soutient celui-ci qui, d'ailleurs, ne tire de la qualification juridique de la mesure qu'il invoque aucune conséquence quant au bien-fondé de celle-ci. Les vices de procédure qui affecteraient la mutation prononcée à son encontre le 27 novembre 2019, à les supposer établis, sont sans incidence sur le caractère fautif de la décision du 16 juin 2017.
9. Ainsi, il résulte de l'instruction que, dans le cadre d'une procédure régulière, la même décision que celle du 16 juin 2017 qui a été définitivement annulée pour un vice de procédure et qui n'est pas constitutive d'une sanction déguisée, aurait pu être légalement prise à l'égard de M. E.... Par conséquent, celui-ci n'est pas fondé à soutenir que, compte tenu de la nature et de la gravité du vice de procédure qui a justifié son annulation, cette décision de mutation a été à l'origine pour lui d'un préjudice financier lié à la moindre rémunération perçue dans son nouveau poste, d'un préjudice de carrière lié à la perte d'une chance sérieuse d'être promu au grade d'attaché principal, ni même, en l'espèce, d'un préjudice moral ou de troubles dans les conditions d'existence.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement n° 2001057 qu'il attaque, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande d'indemnité liée à l'illégalité de la décision de mutation du 16 juin 2017.
Sur le bien-fondé du jugement n° 1910171 :
En ce qui concerne le bien-fondé de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions en annulation dirigées contre la mutation du 27 novembre 2019 :
S'agissant des moyens de légalité externe :
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. E... a été convié le 20 novembre 2019 dans le bureau du directeur général des services qui, ainsi que le précise l'intéressé lui-même, lui a alors fait part du souhait de la commune de ne pas le réintégrer à la suite de l'annulation contentieuse de la précédente mutation, compte tenu de la persistance du motif de celle-ci, et lui a indiqué son maintien au poste de conseiller technique et la réunion prochaine de la commission administrative paritaire, le 26 novembre 2019. Dans ces conditions, qui font suite non seulement à l'annulation contentieuse de sa mutation du 16 juin 2017, qui avait donné lieu avant sa prise d'effet à la communication de son dossier à l'intéressé, mais également à l'injonction adressée à la commune de réexaminer sa situation, M. E... a été mis à même de prendre connaissance de son dossier individuel, dans un délai suffisant, préalablement à l'intervention de la nouvelle décision de mutation. Son moyen tiré de la méconnaissance de son droit à la communication de son dossier, tiré de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905, doit donc être écarté.
12. D'autre part, il ne ressort pas des pièces du dossier, notamment pas du compte rendu de la séance de la commission administrative paritaire du 26 novembre 2019, que celle-ci aurait reçu une information erronée quant à la nature des emplois de conseiller technique et de directeur, et aux conséquences de l'affectation de l'appelant sur sa situation statutaire et indemnitaire, et qu'ainsi, son avis du même jour aurait été émis dans des conditions irrégulières.
S'agissant du moyen tiré de l'existence d'une sanction déguisée :
13. Les mesures prises à l'égard d'agents publics qui, compte tenu de leurs effets, ne peuvent être regardées comme leur faisant grief constituent de simples mesures d'ordre intérieur insusceptibles de recours. Il en va ainsi des mesures qui, tout en modifiant leur affectation ou les tâches qu'ils ont à accomplir, ne portent pas atteinte aux droits et prérogatives qu'ils tiennent de leur statut ou de leur contrat ou à l'exercice de leurs droits et libertés fondamentaux, ni n'emportent de perte de responsabilités ou de rémunération. Le recours contre de telles mesures, à moins qu'elles ne traduisent une discrimination ou une sanction, est irrecevable.
14. Pour soutenir que la décision du 27 novembre 2019 prononçant son affectation sur le poste de conseiller technique " Emploi Développement économique " à compter du 1er décembre 2019, doit s'analyser comme une sanction déguisée, et que cette mesure est ainsi illégale pour ne pas avoir été assortie des garanties procédurales disciplinaires, au motif de l'erreur de droit et pour détournement de pouvoir, M. E... reprend la même argumentation que celle qu'il a développée au soutien de sa requête n° 22MA02200, et qui a été écartée aux points 3 à 10 du présent arrêt. Dans la mesure où la décision en litige, bien que non motivée, a été prise après avis de la commission administrative paritaire du 26 novembre 2019, pour les mêmes motifs que celle du 16 juin 2017 et où, ainsi qu'il a été dit, ces motifs ne sont pas illégaux et ne révèlent pas une volonté de la commune de sanctionner M. E..., celui-ci n'est pas fondé à prétendre qu'elle serait constitutive d'une sanction déguisée.
S'agissant du moyen tiré de l'existence d'agissement de harcèlement moral :
15. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, applicable au litige, dont les dispositions sont désormais reprises à l'article L. 133-2 du code général de la fonction publique : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel ".
16. Pour affirmer, ainsi qu'il doit être regardé comme le faisant, que la décision de mutation du 27 novembre 2019 porte atteinte à son droit de ne pas être soumis à un harcèlement moral, qu'il tient de son statut, M. E... fait valoir que cette mesure fait partie d'un ensemble d'agissements répétés et excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d'altérer sa santé. Il prétend, à ce titre, premièrement, que cette mesure caractérise une " mise au placard ", deuxièmement, qu'il a été soupçonné du vol du disque dur de son ordinateur professionnel, troisièmement, qu'il a été victime de rumeurs malveillantes, de propos agressifs ou menaçants et d'accusations de harcèlement moral, quatrièmement, qu'il a été l'objet d'une mise à l'écart, d'un isolement, de mesures vexatoires et humiliantes, cinquièmement, de tentatives d'évictions de la commune, sixièmement, que ses conditions de travail se sont dégradées et enfin, qu'il en est résulté une atteinte à ses droits, sa dignité, son avenir professionnel, et sa santé physique et mentale.
17. Toutefois, en premier lieu, le changement d'affectation de M. E... ne constituant pas une sanction déguisée, ainsi qu'il a été dit au point 14, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir être l'objet d'une " mise à placard " à raison d'une telle sanction.
18. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient le requérant, il ne ressort ni des comptes rendus des auditions du directeur général des services et de la directrice générale adjointe aux ressources humaines, par les services de police, à la suite de la plainte de M. E... pour harcèlement moral, ni de la note du directeur général des services du 12 avril 2018, que des soupçons ou des accusations auraient été émis à son sujet par sa hiérarchie au sujet de la disparition du disque dur de son ordinateur professionnel, utilisé dans son précédent poste et restitué le 15 novembre 2017, ou que son intégrité morale aurait été à cette occasion remise en cause. La circonstance que le directeur général des services lui ait posé des questions au sujet de cette disparition au cours de son entretien d'évaluation du 24 janvier 2018, qui n'est pas étrangère aux prérogatives d'un chef de service, n'excède pas les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique. Il en va de même du fait que, compte tenu de rumeurs concernant une prétendue intervention du requérant auprès du directeur du centre communal d'action sociale pour obtenir l'embauche de son beau-frère, dont le requérant ne précise pas la provenance ni les relais, le directeur général des services ait posé des questions à ce sujet au supérieur hiérarchique direct de l'agent, sans l'en informer.
19. En troisième lieu, la seule attestation d'un agent communal, qui indique " avoir été informé d'un courrier adressé à Mme le maire accusant M. A... B... de se livrer avec la complicité d'un chef de service à du harcèlement moral sur des agents de service ", ne peut faire présumer l'existence de telles accusations à son encontre, en l'absence de précisions, que ne livre pas davantage le requérant dans ses écritures, sur l'identité de l'auteur de ce courrier, des agents prétendument harcelés, et sur la nature des suites éventuellement données par la maire à ce courrier.
20. En quatrième lieu, si par sa note adressée à la maire le 9 janvier 2017 qui lui transmet le courrier du directeur général adjoint à la qualité de vie du 28 décembre 2016, le directeur général des services indique souscrire aux termes de ce courrier qui se plaint notamment du refus de l'intéressé d'accéder à une demande légitime, et de sa remise en cause de l'autorité du directeur du centre communal d'action sociale, ni ce document ni aucune autre pièce du dossier ne font état de propos agressifs ou de menaces de cet agent à l'endroit de M. E... qui ne remet pas en cause le bien-fondé des appréciations ainsi portées sur son comportement. L'allégation, avancée avec suffisamment de précision par M. E... et non contredite par la commune, selon laquelle le directeur général des services lui aurait annoncé une discussion franche et " sanguinaire " au terme des procédures contentieuses opposant l'agent à son employeur, n'est toutefois pas suffisante, à elle seule, pour démontrer l'existence d'un agissement de harcèlement moral, et non un incident isolé.
21. En cinquième lieu, au cours de la période de janvier à septembre 2017, il ressort des pièces du dossier que M. E... qui soutient sans être contredit ne pas y avoir été invité, n'a pas participé le 29 mai 2017, non plus qu'aucun agent de sa direction, à la journée d'échanges portant sur le thème de la sécurité de proximité, et que, par ailleurs, le directeur général des services, qui a cessé de le rencontrer régulièrement au cours d'entretiens bilatéraux, a pu solliciter directement certains agents de son service sans en informer l'intéressé. Mais il résulte également des pièces produites par l'intéressé lui-même, qui ne produit pas les réponses données à ses demandes de participation à des rencontres ou réunions dont il a eu connaissance, qu'il a continué au cours de cette période à être invité à certaines réunions et à être destinataire de courriers relatifs aux compétences de sa direction. L'ensemble des éléments ainsi produits par le requérant, pas même le compte rendu d'audition de l'un de ses agents par les services de police, ne permet pas de faire présumer que, comme il le soutient, il aurait cessé d'être considéré comme le directeur de son service dès avant la prise d'effet de sa première mutation et à compter de janvier 2017, et été de la sorte l'objet d'un isolement professionnel et de comportements vexatoires et humiliants, sans qu'y fasse obstacle, par son contenu, l'attestation de l'assistante de direction du 11 août 2017, ou l'imprécision de son devenir dans les services de la commune aux yeux de ses agents de janvier à juin 2017. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'à compter de septembre 2017 et en raison de son nouveau poste, le requérant, qui n'avait plus à être systématiquement convié aux réunions de service et de direction organisées par son ancien service et qui ne livre pas de précision quant à celles des réunions auxquelles il aurait dû être invité en tant que cadre territorial, aurait dû participer à autant de réunions que ce qu'exigeait son précédent emploi.
22. En sixième lieu, s'il résulte des pièces du dossier, notamment d'un courrier syndical du 22 septembre 2020, d'une lettre de la directrice des ressources humaines de la commune adressée à M. E... le 17 mars 2017 et l'invitant à rencontrer le directeur général adjoint de la métropole Aix-Marseille-Provence et d'un courrier du référent " transfert et emploi " de cette métropole du 22 octobre 2018, que l'intéressé s'est vu proposer des postes au sein de la métropole, conformes d'ailleurs aux compétences de son précédent emploi, ces pièces, qui démontrent son refus de l'emploi proposé le 22 octobre 2018, ne corroborent pas son affirmation que son employeur aurait tenté de l'évincer de sa collectivité.
23. En septième lieu, compte tenu du caractère légal de son changement d'affectation, de la conformité de son nouveau poste à son cadre d'emploi et malgré la diminution du niveau des responsabilités qui lui sont confiées, M. E... ne peut affirmer avoir été victime d'une dégradation de ses conditions de travail participant d'agissements de harcèlement moral.
24. En dernier lieu, et d'une part, pour soutenir l'atteinte à ses droits statutaires, à l'évolution de sa carrière professionnelle et à sa dignité, M. E... ne peut invoquer valablement ni l'irrégularité procédurale de sa première mutation ni les six années d'un prétendu déclassement par l'assignation de tâches subalternes, compte tenu du bien-fondé de ces mesures, ni le refus de le nommer au grade d'attaché principal au titre de l'année 2018 malgré sa réussite à l'examen professionnel, cette dernière circonstance, qui ne méconnaît aucun droit à l'avancement de grade, ne pouvant suffire à démontrer l'illégalité d'un tel refus, contre lequel son recours a d'ailleurs été rejeté par jugement n° 1805811 du tribunal administratif de Marseille du 23 novembre 2020.
25. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier qu'à compter du mois d'août 2017, M. E... a été placé en congé de maladie ordinaire et souffre de troubles anxio-dépressifs imputés par son médecin psychiatre à son environnement professionnel, cette circonstance n'est pas à elle seule de nature à faire présumer l'existence, à son endroit, d'agissements de harcèlement moral. Il en va de même du fait que M. A... B... a porté plainte pour de tels agissements, l'intéressé ne justifiant d'aucune suite donnée aux auditions de police tenues après sa plainte.
26. Ainsi, les éléments de l'instance, pris isolément ou cumulativement, ne permettent pas de faire présumer que la mesure en litige, qui n'est pas en tant que tel un agissement de harcèlement moral, ferait partie d'un ensemble d'agissements répétés et excédant les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique qui ont eu pour effet d'altérer sa santé. M. E... ne peut donc soutenir que cette mesure méconnaîtrait les dispositions législatives citées au point 15 en portant atteinte à son droit statutaire de ne pas être soumis à un harcèlement moral.
27. Il résulte de ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à se plaindre de ce que par le jugement n° 2001057 qu'il attaque, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions en excès de pouvoir et par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction.
En ce qui concerne le bien-fondé de ce jugement en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de M. E... :
28. L'appelant n'établissant pas l'illégalité de la décision de mutation du 27 novembre 2019 ni n'apportant d'éléments faisant présumer l'existence d'agissements de harcèlement moral, il n'est pas fondé à rechercher l'engagement de la responsabilité de la commune d'Aix-en-Provence du fait de l'illégalité fautive de cette décision et de tels agissements. Ses conclusions tendant à l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il rejette ses prétentions indemnitaires ne peuvent donc qu'être rejetées
Sur les frais liés au litige :
29. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la commune d'Aix-en-Provence qui n'est pas, dans les présentes instances, la partie perdante, au titre des frais exposés par M. E... et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de celui-ci, une somme au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Les requêtes de M. E... sont rejetées.
Article 2 : Les conclusions de la commune d'Aix-en-Provence au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... E... et à la commune d'Aix-en-Provence.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
N° 22MA02200, 22MA022192