Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'avis de sommes à payer émis le 7 mai 2019 à son encontre par le département des Alpes-Maritimes pour le recouvrement des indemnités de 2 390,20 euros mises à sa charge du fait de l'occupation du domaine public au cours de l'année 2018, à fin d'entreposage d'un navire et d'une structure de type Algeco, d'annuler le procès-verbal de contravention de grande voirie dressé le 3 décembre 2020, d'adresser diverses injonctions au département, et de condamner la collectivité à lui verser la somme de 300 000 euros en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 1903196, 2000450 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 9 mars et 6 octobre 2023, ainsi qu'un mémoire enregistré le 26 décembre 2023 et non communiqué, M. A..., représenté par Me Frölich, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 24 janvier 2023 ;
2°) d'annuler l'avis de sommes à payer émis le 7 mai 2019 ;
3°) de mettre à la charge du département des Alpes-Maritimes une somme de 7 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il ne vise pas le mémoire produit par ses soins le 12 décembre 2021 qui demandait une jonction d'instance supplémentaire dans l'intérêt de la bonne administration de la justice ;
- il disposait d'une autorisation de stationnement avant la reprise du service en régie par le département, à un tarif beaucoup plus faible que celui appliqué et dont il s'est toujours acquitté ;
- la redevance demandée en application de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques n'est pas justifiée au regard des tarifs applicables pour le stationnement sur un terre-plein non aménagé comme des caractéristiques et de la durée d'entreposage du container.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 août et 15 décembre 2023, le département des Alpes-Maritimes, représenté par Me Pichon, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de M. A... et de Me Pichon, représentant le département des Alpes-Maritimes.
Une note en délibéré présentée par M. A... a été enregistrée le 9 février 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le navire de M. A..., dénommé le " Trait d'Union ", construit en 1948, était stationné en cale sèche, aux côtés d'une structure de type Algeco que ce dernier utilisait à fin de stockage, sur le terre-plein dit " C... " du port de Villefranche-Darse situé à Villefranche-sur-Mer lorsque, le 1er janvier 2018, le département des Alpes-Maritimes a repris, en régie simple, la gestion de ce port, jusqu'alors confiée à la chambre de commerce et d'industrie. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Nice ayant notamment rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avis de sommes à payer émis le 7 mai 2019 à son encontre par le département des Alpes-Maritimes pour le recouvrement des indemnités mises à sa charge du fait de l'occupation du domaine public au cours de l'année 2018, à hauteur de la somme de 2 390,20 euros.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Si le requérant fait valoir que le tribunal administratif a, en méconnaissance des prescriptions de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner, dans les visas, le mémoire qu'il avait présenté dans l'instance n° 2000450 le 12 décembre 2021, lequel avait été produit avant la clôture de l'instruction et comportait des conclusions nouvelles tendant à une jonction d'affaires, une telle circonstance n'est, par elle-même, pas de nature à vicier la régularité du jugement attaqué dès lors que le tribunal n'était tenu ni de viser de telles conclusions, qui portent sur les pouvoirs propres du juge, ni d'y répondre explicitement, et qu'il n'est pas allégué que ledit mémoire aurait comporté d'autres éléments nouveaux auquel il n'aurait pas été répondu dans les motifs.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Aux termes de l'article L. 2125-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Toute occupation ou utilisation du domaine public d'une personne publique (...) donne lieu au paiement d'une redevance (...) ". Aux termes de l'article L. 2125-3 du même code : " La redevance due pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public tient compte des avantages de toute nature procurés au titulaire de l'autorisation ".
4. Le gestionnaire du domaine public est fondé à réclamer à l'occupant qui utilise de manière irrégulière le domaine une indemnité compensant les revenus qu'il aurait pu percevoir d'un occupant régulier pendant cette période. A cette fin, il doit rechercher le montant des redevances qui auraient été appliquées si l'occupant avait été placé dans une situation régulière, soit par référence à un tarif existant, lequel doit tenir compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public, soit, à défaut de tarif applicable, par référence au revenu, tenant compte des mêmes avantages, qu'aurait pu produire l'occupation régulière de la partie concernée du domaine public. La circonstance que l'occupation en cause serait irrégulière soit du fait qu'elle serait interdite, soit du fait que l'utilisation constatée de celui-ci contreviendrait aux termes de l'autorisation délivrée, n'empêche pas le gestionnaire du domaine de fixer le montant de l'indemnité due par l'occupant irrégulier par référence au montant de la redevance exigible, selon le cas, pour un emplacement similaire ou pour une utilisation procurant des avantages similaires.
5. En premier lieu, eu égard aux exigences qui découlent tant de l'affectation normale du domaine public que des impératifs de protection et de bonne gestion de ce domaine, l'existence de relations contractuelles en autorisant l'occupation privative ne peut se déduire de sa seule occupation effective, même si celle-ci a été tolérée par l'autorité gestionnaire et a donné lieu au versement de redevances domaniales. En conséquence, une convention d'occupation du domaine public ne peut être tacite et doit revêtir un caractère écrit. Ainsi, M. A... ne saurait soutenir qu'il n'occupait pas irrégulièrement le domaine public portuaire en se prévalant de l'accord tacite de son précédent gestionnaire et de l'acquittement des redevances qui lui étaient jusqu'alors demandées, alors qu'il n'est pas contesté qu'il ne disposait d'aucune autorisation écrite. Il ne saurait davantage prétendre détenir un droit au maintien du tarif jusqu'alors acquitté.
6. En second lieu, le règlement intérieur des ports départementaux de Villefranche-sur-Mer, approuvé par délibération du 8 décembre 2017, prévoit une grille tarifaire pour l'usage des quais, une seconde pour l'utilisation de la " Zone technique ", et une troisième correspondant au stationnement " Domanial ". Il n'est pas allégué que cette tarification ne tiendrait pas compte des avantages de toute nature procurés par l'occupation du domaine public.
7. D'une part, pour fixer l'indemnité mise à la charge de M. A... pour l'entreposage de son bateau, les services du port se sont référés, non pas au tarif du stationnement de la " Zone technique " correspondant aux aires de carénage, mais à celui fixé pour le " Stationnement des navires et remorques " par la troisième grille. M. A... ne saurait dès lors contester cette référence au motif qu'il n'a pas bénéficié d'une aire de carénage. Il ne saurait davantage prétendre à l'application, au sein de la grille de stationnement " Domanial ", du tarif " Terre-plein non aménagé " dès lors que le stationnement des navires et remorques y fait l'objet d'une tarification spécifique, nécessairement exclusive de ce dernier tarif.
8. D'autre part, le tarif " Terre-plein non aménagé " distingue un tarif générique et un tarif pour les " Entreposages divers autorisés (conteneurs) ". Les services du port se sont dès lors à bon droit référé, malgré l'absence d'autorisation de M. A..., s'agissant de la structure de type Algeco parfaitement assimilable à celle d'un conteneur, à ce dernier tarif. Le requérant n'établit pas que la durée d'entreposage retenue pour calculer l'indemnité mise à sa charge ne correspondrait pas au temps effectif durant lequel il a laissé cette structure sur le terre-plein.
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'avis de sommes à payer émis le 7 mai 2019 à son encontre.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge du département des Alpes-Maritimes qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A... une somme à verser au département sur ce fondement.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le département des Alpes-Maritimes au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 9 février 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 février 2024.
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N° 23MA00585
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