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23/02/2024 | FRANCE | N°23MA02701

France | France, Cour administrative d'appel, 2ème chambre, 23 février 2024, 23MA02701


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.



Par un jugement n° 2302951 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.





Procédure devant la cour :



I. Par une

requête, enregistrée sous le n° 23MA02701 le 10 novembre 2023, et un mémoire, enregistré le 2 février 2024 et non communiqué, Mme ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

Par un jugement n° 2302951 du 20 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée sous le n° 23MA02701 le 10 novembre 2023, et un mémoire, enregistré le 2 février 2024 et non communiqué, Mme A..., représentée par Me Guarnieri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 20 juin 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

5°) encore subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa demande et de prendre une décision dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ladite astreinte courant pendant un délai de trois mois après lequel elle pourra être liquidée et une nouvelle astreinte fixée, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour pendant le temps de l'examen de sa demande ;

6°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme allouée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de séjour :

- il n'est pas motivé en fait ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît l'article L. 611-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023.

Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la requête ne sont pas fondés.

La procédure a été communiquée à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui, en sa qualité d'observateur, a produit, le 12 décembre 2023, le dossier médical de Mme A... et des observations le 22 janvier 2024.

II. Par une requête, enregistrée sous le n° 23MA02702 le 10 novembre 2023, et un mémoire enregistré le 2 février 2024, Mme A..., représentée par Me Guarnieri, demande à la cour :

1°) de suspendre, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce qu'il soit statué par la cour sur le recours au fond, et ce dans le délai de huit jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme allouée par l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- la condition d'urgence prévue par l'article L. 521-1 du code de justice administrative est remplie ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- il n'est pas motivé en fait ;

- il n'a pas été précédé d'un examen particulier de sa situation ;

- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire :

- elle méconnaît l'article L. 611-4 9e du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est illégale par voie d'exception de l'illégalité du refus de séjour ;

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

Mme A... a été admise à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 septembre 2023.

Par un mémoire, enregistré le 6 décembre 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la condition d'urgence n'est pas remplie et qu'aucun moyen n'est propre à créer de doute sérieux quant à la légalité de la décision en litige.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Rigaud ;

- et les observations de Me Guarnieri, représentant Mme A....

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., de nationalité nigériane, par la requête enregistrée sous le n° 23MA02701, relève appel du jugement du 20 juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 29 décembre 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, et l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par la requête enregistrée sous le n° 23MA02702, elle demande à la cour d'ordonner la suspension de l'exécution de cet arrêté du 29 décembre 2022.

2. Les requêtes n°s 23MA02701 et 23MA02702 concernent la même décision administrative, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par une même décision.

Sur la requête n° 23MA02701 :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

4. Il ressort des termes de l'arrêté en litige que le préfet a visé les textes dont il est fait application, notamment les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, la convention internationale relative aux droits de l'enfant et le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir rappelé notamment que Mme A... avait sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 de ce code, en raison de son état de santé, il indique que l'intéressée peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine et s'y rendre sans risque pour sa santé, au vu des éléments du dossier et de l'avis rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 24 novembre 2022. Il rappelle également que la demande de protection internationale de Mme A... a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides du 10 novembre 2021, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 30 mars 2022. L'arrêté mentionne en outre que Mme A... est mère d'un enfant né le 21 mai 2021 et mariée à un compatriote également en situation irrégulière, ce dernier ayant été débouté de sa demande d'asile et ayant fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français le 19 juillet 2021, qu'elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales au Nigéria où résident sa mère et sa fratrie et qu'il n'existe aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans ce pays. Dans ces conditions, l'arrêté en litige, qui comporte les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé. Eu égard à cette motivation, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a entaché sa décision d'aucune erreur de nature à révéler un défaut d'examen sérieux de la situation de la requérante, et notamment pas s'agissant de l'atteinte au respect de la vie privée et familiale de la requérante et de l'intérêt supérieur de son enfant mineur.

5. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. ".

6. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser l'admission au séjour sur le fondement de ces dispositions, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

7. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par Mme A... pour raisons médicales, le préfet des Bouches-du-Rhône a estimé, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII le 24 novembre 2022, que si l'état de santé de l'intéressée nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle pouvait cependant bénéficier d'un traitement approprié au Nigéria et que son état de santé lui permettait de voyager sans risque vers ce pays.

8. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est atteinte du virus de l'immunodéficience humaine (VIH) depuis 2016, au stade A1 de la maladie caractérisé par une charge virale indétectable. Il en ressort également que son état nécessite des consultations de spécialité et la réalisation de bilans sanguins tous les quatre à six mois, ainsi que la prise de médicaments antirétroviraux. Si la requérante soutient recevoir un traitement composé de Kivexa, Norvir et Prezista depuis le mois de janvier 2023, soit postérieurement à l'avis du collège des médecins de l'OFII et à l'arrêté en litige, il ressort cependant des pièces médicales qu'elle a produites à l'appui de sa demande d'admission au séjour ainsi que de l'ensemble des pièces du dossier qu'elle était sous traitement par Triumeq. Les pièces qu'elle produit pour contester l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII et par le préfet quant à la disponibilité de son traitement médical au Nigéria sont insuffisamment précises. Notamment, les deux certificats médicaux établis par le médecin qui la suit au sein des services de l'IHU de Marseille étant rédigés en des termes trop vagues et les articles de presse produits ne permettant pas d'établir l'indisponibilité d'un tel traitement. Et la circonstance que l'hôpital d'Abuja est situé à plus de 400 kilomètres de sa vielle d'origine au Nigéria n'est pas plus de nature à contre dire l'avis émis par le collège des médecins de l'OFII, cette structure hospitalière nigérianne n'étant citée qu'à titre d'exemple d'établissement délivrant un tel traitement par l'OFII dans son mémoire en observation. La requérante n'établit pas non plus qu'elle serait personnellement exposée à des discriminations au Nigéria en raison de sa maladie. Enfin, si la requérante a informé les services de l'OFII de ce que son enfant né en mai 2021 nécessite un suivi médical particulier jusqu'à ses deux ans, d'une part il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'OFII a tenu compte de cette circonstance pour rendre son avis, et d'autre part, aucune pièce n'est produite permettant d'établir que le traitement médical de son jeune enfant ne serait pas non plus disponible au Nigéria. La requérante n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'il aurait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

9. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

10. Il n'est pas contesté que Mme A... est entrée en France en 2019 et y réside depuis cette date. Toutefois, si elle soutient y résider avec son époux et leur enfant né le 21 mai 2021 à Marseille, et de l'intégration de la cellule familiale, son époux, M. B..., lui aussi de nationalité nigériane, est en situation irrégulière en France, s'étant vu opposer une obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours par un arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 19 juillet 2021, non exécuté, et dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Marseille du 13 septembre 2021. Il ressort également des pièces du dossier que la mère et la fratrie de Mme A... résident au Nigéria, son père étant décédé. Dans ces conditions, le requérante n'établissant la réalité d'aucune insertion socio professionnelle particulière en France, et alors que rien ne s'oppose à ce qu'elle reconstitue avec son époux et son enfant, sa cellule familiale au Nigeria, le préfet n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée et n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences sur sa situation personnelle.

11. Aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. (...). ".

12. Il ne ressort pas des pièces du dossier, compte tenu notamment de ce qui a été dit aux points 8 et 10, qu'en ne procédant pas à la régularisation de la situation de la requérante à titre humanitaire ou exceptionnel, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. ". Il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant.

14. L'arrêté attaqué n'a pas pour objet, ni pour effet, de séparer la requérante de son enfant né le 21 mai 2021, dès lors qu'il n'est fait état d'aucun obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans leur pays d'origine. Par ailleurs, Mme A... n'établit pas que son enfant ne pourrait y bénéficier des soins nécessaires à son état de santé. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté litigieux méconnaîtrait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire :

15. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'encontre de celle portant obligation de quitter le territoire français.

16. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 du présent arrêt.

17. Les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour emporter sur la situation personnelle de Mme A... des effets disproportionnés au regard des buts qu'elle poursuit doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 10, 12 et 14 du présent arrêt.

18. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.

Sur la requête n° 23MA02702 :

19. Le présent arrêt statue au fond en appel sur la demande d'annulation de l'arrêté du 29 décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône. Les conclusions tendant à ce que l'exécution du même arrêté soit suspendue sont donc devenues sans objet.

20. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la requérante doivent être rejetées.

21. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées, également dans cette requête, par Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de suspension de l'exécution de l'arrêté du 29 décembre 2022 du préfet des Bouches-du-Rhône de la requête n° 23MA02702.

Article 2 : La requête n° 23MA02701 de Mme A... est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête n° 23MA02702 est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A..., à Me Guarnieri et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Délibéré après l'audience du 8 février 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Cécile Fedi, présidente ;

- Mme Lison Rigaud, présidente assesseure ;

- M. Nicolas Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 février 2024.

2

N° 23MA02701, 23MA02702


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02701
Date de la décision : 23/02/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme FEDI
Rapporteur ?: Mme Lison RIGAUD
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : GUARNIERI;GUARNIERI;GUARNIERI

Origine de la décision
Date de l'import : 03/03/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-02-23;23ma02701 ?
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