Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La commune de Frasseto a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler deux arrêtés du 24 juin 2021 par lesquels le préfet de la Corse-du-Sud a délivré à Mme A... B... deux permis de construire portant chacun sur un hangar agricole avec couverture photovoltaïque, l'un, sur la parcelle cadastrée section B n° 463, et l'autre, sur la parcelle cadastrée section B n° 468, toutes deux situées au lieudit " Arati ", dans cette même commune.
Par un jugement n°s 2100963, 2100964 du 11 avril 2023, le tribunal administratif de Bastia a annulé ces deux permis de construire.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 9 juin et 20 octobre 2023, Mme B..., représentée par Me Nesa, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°s 2100963, 2100964 rendu le 11 avril 2023 par le tribunal administratif de Bastia ;
2°) de rejeter les conclusions de première instance de la commune de Frasseto tendant à l'annulation des arrêtés du 24 juin 2021 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Frasseto la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le moyen retenu par le tribunal administratif de Bastia, tiré de ce que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne sursoyant pas à statuer sur les demandes de permis de construire, n'était pas de nature à entraîner l'annulation des arrêtés en litige dès lors que le projet de plan local d'urbanisme n'était pas suffisamment avancé et que, en tout état en cause, les projets de hangars agricoles n'étaient pas de nature à compromettre le plan local d'urbanisme dès lors qu'ils s'inscrivent dans les orientations de " développement d'activités économiques, notamment l'activité agricole " du projet d'aménagement et de développement durable ;
- les autres moyens d'annulation soulevés en première instance ne sont pas fondés dès lors que les projets sont nécessaires à l'exploitation agricole, de sorte qu'ils ne méconnaissent pas les articles L. 111-3 et L. 111-4 du code de l'urbanisme, que les parcelles sont accessibles et répondent ainsi aux exigences fixées par l'article R. 111-5 du code de l'urbanisme, et que les hangars, en ce qu'ils ne sont pas de nature à porter atteinte à la qualité des lieux, ne méconnaissent pas davantage l'article R. 111-27 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 septembre 2023 et 25 octobre 2023, la commune de Frasseto, représentée par Me Fontaine, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Un courrier du 9 octobre 2023 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et leur a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourrait être close, dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613 1 et le dernier alinéa de l'article R. 613 2 du même code.
Par une ordonnance du 13 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été prononcée avec effet immédiat, en application du dernier alinéa de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 19 janvier 2024, produit pour Mme B..., par Me Nesa, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Martin,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Marcaggi, substituant Me Nesa, représentant Mme B...,
- et les observations de Me Fontaine, représentant la commune de Frasseto.
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés du 24 juin 2021, le préfet de la Corse-du-Sud a délivré à Mme B... deux permis de construire portant chacun sur un hangar agricole avec couverture photovoltaïque développant une emprise au sol de 610 m², l'un, sur la parcelle cadastrée section B n° 463, et l'autre, sur la parcelle cadastrée section B n° 468, toutes deux situées au lieudit " Arati ", sur le territoire de la commune de Frasseto. Mme B... relève appel du jugement du 11 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé, à la demande de la commune de Frasseto, les permis de construire délivrés le 24 juin 2021 par le préfet de la Corse-du-Sud.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes du troisième alinéa de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable. ".
3. Un sursis à statuer ne peut être opposé à une demande de permis de construire, sur le fondement de ces dispositions, postérieurement au débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable, qu'en vertu d'orientations ou de règles que le futur plan local d'urbanisme pourrait légalement prévoir et à la condition que la construction, l'installation ou l'opération envisagée soit de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse son exécution.
4. D'une part, il ressort des pièces du dossier qu'à la date à laquelle le préfet de la Corse-du-Sud a délivré à Mme B... les deux permis de construire en litige, seule date à prendre en compte pour apprécier leur légalité, le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable du projet de plan local d'urbanisme de la commune de Frasseto avait fait l'objet d'une délibération de son conseil municipal du 31 mars 2021.
Le détournement du pouvoir qui entacherait cette délibération, à la supposer articulée, n'est, en tout état de cause, pas établi.
5. D'autre part, il est constant que les parcelles constituant le terrain d'assiette des projets de hangars agricoles, d'une emprise au sol de 610 m² chacun, sont intégralement incluses dans le périmètre d'un espace boisé classé prévu, dans le projet de plan local d'urbanisme de la commune, autour du relais GSM de la crête de la Penta Rossa, afin de protéger une végétation existante et en devenir. Cet espace boisé classé, clairement matérialisé sur la cartographie insérée dans le projet d'aménagement et de développement durable, est l'une des composantes de l'axe n° 2 du projet d'aménagement, relatif à la préservation de la biodiversité et du paysage, dont la troisième orientation prévoit la préservation des milieux naturels et les continuités écologiques par une protection optimale des différentes zones naturelles déjà identifiées. Si l'appelante, qui ne conteste pas que les auteurs du plan local d'urbanisme pouvaient légalement instaurer un tel espace, soutient néanmoins que les projets autorisés par les arrêtés en litige ne sont pas de nature à en compromettre l'exécution dès lors qu'ils n'ont aucun impact sur les arbres existants et qu'aucun abattage n'est envisagé, une telle affirmation est démentie par les notices descriptives jointes aux dossiers de demandes de permis de construire, qui indiquent expressément que des arbres sont situés sur l'emprise des hangars et qu'ils seront abattus avant construction. En outre, il ne ressort pas des pièces de ces dossiers de demande, ni d'aucune pièce des dossiers d'instance, que la pétitionnaire aurait envisagé le remplacement de ces arbres. Ainsi, compte tenu des dimensions et de la localisation des hangars prévus, ainsi que de la nature des lieux d'insertion, et bien que le projet d'aménagement et de développement durable prévoie également la préservation de l'activité agricole existante et la promotion de son développement, les projets de Mme B... sont manifestement de nature à compromettre l'exécution du futur plan local d'urbanisme. Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de prononcer un sursis à statuer sur les demandes de permis de construire présentées par Mme B....
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé les arrêtés du 24 juin 2021 par lesquels le préfet de la Corse-du-Sud lui a délivré deux permis de construire portant chacun sur un hangar agricole. Par suite, ses conclusions tendant à l'annulation de ce jugement et au rejet des demandes de la commune de Frasseto ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise, à ce titre, à la charge de la commune de Frasseto qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante. Les conclusions de Mme B... tendant à l'application de ces dispositions doivent donc être rejetées. En outre, les conclusions présentées par la commune de Frasseto sur ce même fondement, et tendant à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie dans cette instance, sont mal dirigées et ne peuvent qu'être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Frasseto en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et à la commune de Frasseto.
Copie en sera adressée au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 12 mars 2024 où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 26 mars 2024.
N° 23MA01435 2