Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... B... C..., veuve A..., a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 28 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2303313 du 15 juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédures devant la Cour :
I - Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, sous le n° 23MA02909,
Mme B... C..., représentée par Me Leonhardt, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2023 ;
2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence d'un an, dans un délai de quinze jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et à titre subsidiaire, de procéder à un réexamen de sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
*en ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- la mesure est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 6-1, 5° de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation.
*en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette mesure est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, le préfet des
Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.
Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
II - Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, sous le n° 23MA02910,
Mme B... C..., veuve A..., représentée par Me Leonhardt, demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :
1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 2303313 rendu par le tribunal administratif de Marseille le 15 juin 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à son conseil sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Elle soutient que :
- les conditions posées par les articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative sont remplies, de sorte que la Cour prononcera le sursis à exécution du jugement attaqué, dès lors que l'exécution de ce jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables et que les moyens énoncés dans la requête sont sérieux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 janvier 2024, le préfet des
Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens soulevés par Mme B... C... ne sont pas fondés.
Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 octobre 2023 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante algérienne née le 26 mai 1941, est entrée en France le 8 janvier 2022 munie d'un visa de type C, valable du 25 novembre 2021 au
22 mai 2022. Le 25 avril 2022, elle a présenté une demande d'admission au séjour sur le fondement des stipulations de l'article 6-7 de l'accord franco-algérien. Par un arrêté du
28 septembre 2022, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Par un jugement du 15 juin 2023, dont Mme B... C... relève appel par sa requête
n° 23MA02909 et dont elle demande le sursis à exécution par sa requête n° 23MA02910, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n°s 23MA02909 et 23MA02910 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions semblables. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C..., veuve depuis 2002, et âgée de 81 ans au jour de l'arrêté en litige, souffre d'une hernie hiatale entraînant des symptômes postprandiaux et ayant nécessité une intervention chirurgicale en mai 2022, ainsi que d'hypertension et d'un diabète, et a rejoint à Marseille ses trois enfants de nationalité française et ses onze petits-enfants, son fils l'hébergeant et la prenant en charge depuis son entrée sur le territoire français. Dans ces conditions, compte tenu de son âge, de son isolement dans son pays d'origine où elle ne dispose plus d'aucune attache familiale, et de sa situation familiale en France, et malgré le caractère très récent de son entrée sur le territoire national, Mme B... C... est fondée à soutenir qu'en refusant de l'admettre au séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de son arrêté sur sa situation personnelle et que son arrêté est ainsi entaché d'illégalité, en ce compris la décision fixant le pays de renvoi.
4. Il suit de là que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens d'appel,
Mme B... C... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du
28 septembre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement et cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ".
6. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation de la requérante se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté en litige, la délivrance à Mme B... C... d'un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
7. Le présent arrêt se prononçant sur l'appel formé par Mme B... C... contre le jugement du 15 juin 2023, ses conclusions tendant au sursis à exécution de ce jugement sont devenues sans objet. Il n'y a donc plus lieu d'y statuer.
Sur les frais liés au litige :
8. Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Leonhardt, avocat de
Mme B... C..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des deux instances.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... C... tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du jugement n° 2303313 rendu le 15 juin 2023 par le tribunal administratif de Marseille
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille n° 2303313 du 15 juin 2023 et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 28 septembre 2022 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme B... C...,
veuve A..., un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.
Article 4 : L'Etat versera à Me Leonhardt la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat dans l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le surplus des conclusions présentées par Mme B... C... est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... B... C..., veuve A...,
à Me Leonhardt et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 26 mars 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 avril 2024.
N° 23MA02909, 23MA029102
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