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12/04/2024 | FRANCE | N°22MA02413

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 12 avril 2024, 22MA02413


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'EURL MB a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017.



Par un jugement n° 2002036 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plu

s lieu de statuer sur les conclusions de la requête concernant l'exercice clos en 2017 à concurrence de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'EURL MB a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2002036 du 4 juillet 2022, le tribunal administratif de Toulon a, d'une part, constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête concernant l'exercice clos en 2017 à concurrence des sommes, en droits et pénalités, de 9 571 euros au titre des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de 5 834 euros au titre des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, d'autre part, rejeté le surplus des conclusions de l'EURL MB.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 5 septembre 2022, l'EURL MB, représentée par Me Peltier-Feat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 4 juillet 2022 ;

2°) de prononcer la décharge de l'intégralité des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la charge de la preuve incombe à l'administration s'agissant de l'exercice 2017 dès lors que, n'ayant pas reçu de mise en demeure de déposer, la procédure de taxation d'office a été utilisée indûment ;

- elle a fourni des éléments qui étaient de nature à justifier sa comptabilité, et qui ont d'ailleurs été utilisés par l'administration ; dès lors, le service ne pouvait rejeter cette comptabilité comme irrégulière ;

- la méthode de reconstitution retenue par l'administration est excessivement sommaire et viciée dans son principe ; les coefficients moyens de remise pris en compte sont erronés, de même que les coefficients de fixation des prix de vente déterminés avec un échantillonnage insuffisant ; les stocks ne sont pas pris en compte, ni les soldes et les pertes diverses ; l'administration n'a pas non plus tiré les conséquences des rétrocessions réalisées au profit de l'EURL NT, ce qui aboutit à comptabiliser doublement certaines opérations ;

- il n'y a pas d'intention délibérée d'éluder l'impôt.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné Mme Aurélia Vincent, présidente assesseure, pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Poullain,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. L'EURL MB, qui exploite un commerce de vêtements dans la ville de Toulon, relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon du 4 juillet 2022 qui, après avoir constaté un non-lieu à statuer sur une partie du litige à la suite d'un dégrèvement prononcé en cours d'instance, le 15 décembre 2020, par l'administration fiscale, a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie, ainsi que des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés, au titre des exercices clos en 2015, 2016 et 2017, pour un montant total de 237 238 euros.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 68 du livre des procédures fiscales : " La procédure de taxation d'office prévue aux 2° et 5° de l'article L. 66 n'est applicable que si le contribuable n'a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d'une mise en demeure ".

3. Si la requérante soutient que la procédure de taxation d'office ne pouvait être utilisée pour l'année 2017 dès lors qu'elle n'aurait pas été mise en demeure de produire sa déclaration d'impôt sur les sociétés, l'administration produit la copie de la mise en demeure qu'elle a adressée à l'EURL MB par courrier du 25 juin 2018 et qui a bien été réceptionnée par l'intéressée le 30 juin 2018 ainsi qu'il en est justifié. Le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure doit, dès lors, être écarté.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 54 du code général des impôts : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Il est toujours loisible à l'administration de justifier le rejet de la comptabilité du contribuable vérifié, même si elle est régulière en la forme, en se fondant sur des motifs pertinents tirés du manque de valeur probante de cette comptabilité, accompagnés de tous éléments de fait permettant de présumer que les résultats déclarés ont été minorés.

5. En l'espèce, il ressort des propositions de rectification que l'EURL requérante, qui ne délivre pas de facture ou de note à ses clients, n'a pas été en mesure de présenter les pièces susceptibles de justifier ses écritures comptables, dès lors qu'elle s'est bornée à fournir des enveloppes, contenant des étiquettes d'articles vendus et mentionnant le type global de règlement, ainsi que des cahiers retraçant pour partie la date, les produits vendus sans référence précise et le mode de règlement. Le service a notamment relevé que le total des ventes figurant sur ces étiquettes ne correspondait pas au chiffre d'affaires comptabilisé et qu'il existait des discordances entre les recettes, les mentions desdites étiquettes et celles portées sur les cahiers. Par ailleurs, l'achat de certains articles vendus n'a pas été comptabilisé. En outre, la requérante ne conteste pas qu'aucun état des stocks n'a été fourni au 31 décembre 2016 et que ceux fournis au 31 décembre 2015 et au 31 décembre 2017 ne présentaient aucune cohérence avec les montants portés en comptabilité à cet égard, ni d'ailleurs avec les reconstitutions théoriques effectuées par le vérificateur en nombre, par soustraction des produits vendus aux produits acquis. Dans ces circonstances, quand bien même elle a utilisé les informations figurant sur les étiquettes pour reconstituer les recettes de l'entreprise, l'administration établit que la comptabilité de l'EURL MB était non sincère et entachée d'insuffisances de nature à lui enlever toute valeur probante.

6. En troisième lieu, pour reconstituer le chiffre d'affaires de la société, le service a, dans un premier temps, reconstitué les ventes correspondant à chaque fournisseur à partir des achats figurant en comptabilité. Il a déterminé, pour chaque marque concernée, un coefficient de fixation des prix de vente TTC au regard des prix d'achat HT et un taux de remise moyen grâce aux informations figurant sur les étiquettes des produits vendus, prises en compte de façon exhaustive lorsque celles-ci étaient suffisamment précises quant à l'identification des marchandises. Dans un second temps, s'agissant des produits vendus sans comptabilisation d'achats correspondants, il a simplement utilisé les données figurant sur ces mêmes étiquettes.

7. Ainsi que le fait valoir la requérante, l'administration a considéré, s'agissant des achats figurant en comptabilité, qu'ils avaient tous donné lieu à une vente au cours du même exercice. Si l'EURL MB soutient toutefois que certains achats n'ont pas été vendus et sont venus alimenter son stock, il est constant, ainsi qu'il a été dit précédemment, que les états de stocks n'ont pas été établis ou l'ont été sans aucune cohérence, de telle sorte qu'il ne saurait être fait grief à l'administration de ne pas les avoir pris en compte. Si la requérante prétend également que certains produits n'ont pas été vendus à des clients mais rétrocédés à prix coûtant à l'EURL NT, qui exploite un magasin similaire à Hyères et avec qui elle partage la même gérante et associée unique, elle ne produit à cet égard qu'un cahier de rétrocession tenu à la main, comportant des rajouts et surcharges, qui n'a pas été fourni à l'occasion du contrôle et n'identifie pas toujours précisément les produits concernés, leur prix, ou même le sens du prétendu transfert effectué d'un magasin à l'autre. Ces rétrocessions n'ont, en outre, donné lieu à aucune facturation et l'administration établit qu'elles ont été comptabilisées de façon discordante par chacune des sociétés. En tout état de cause, la prise en compte de telles rétrocessions vers l'EURL NT serait compensée par celle, en sens inverse, des transferts ayant été opérés du magasin de Hyères vers celui de Toulon, qui ne correspondent pas aux ventes pour lesquelles aucune comptabilisation d'achat n'a été effectuée.

8. La requérante ne saurait, par ailleurs, faire grief à l'administration d'avoir retenu, par marque, un échantillonnage trop réduit alors, qu'ainsi qu'il a été dit précédemment, le service a pris en compte l'intégralité des étiquettes comportant les informations nécessaires à la comparaison du prix de vente TTC au prix d'achat HT et à la détermination d'un taux de remise. Cette façon de procéder a nécessairement inclus les remises pratiquées à l'occasion des soldes, tandis que l'EURL MB ne donne aucune indication quant à de prétendus vols, pertes ou autres destructions. Si elle soutient enfin qu'en effectuant le même travail que le vérificateur, elle a obtenu des coefficients de prix de vente et des taux moyens de remise différents, ceux-ci demeurent, en tout état de cause, approchants de ceux obtenus par le service.

9. Il résulte de ce qui précède que le service établit que sa méthode de reconstitution de recettes n'est ni radicalement viciée dans son principe, ni excessivement sommaire.

10. Dès lors, l'administration établit le bien-fondé en droits des suppléments d'imposition en litige, alors au demeurant qu'elle n'en supporte pas intégralement la charge de la preuve, la SARL MB supportant cette charge notamment pour le rappel d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice 2017 en application de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales dans la mesure où elle a été régulièrement taxée d'office ainsi qu'énoncé ci-dessus au point 3.

11. En quatrième lieu, aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt (...) entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".

12. Ainsi que l'a relevé le vérificateur, la nature des incohérences constatées au terme de l'analyse des étiquettes de vente, des achats, des recettes et des stocks comme l'importance substantielle des omissions de recettes au regard du chiffre d'affaires déclaré, établissent la volonté de la requérante d'éluder l'impôt. L'administration établit, dès lors, le caractère délibéré du manquement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que l'EURL MB n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'EURL MB est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL MB et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 29 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Vincent, présidente assesseure, présidente de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- Mme Marchessaux, première conseillère,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2024.

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N° 22MA02413

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22MA02413
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux.

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée.


Composition du Tribunal
Président : Mme VINCENT
Rapporteur ?: Mme Caroline POULLAIN
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : FEAT SOCIETE D'AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;22ma02413 ?
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