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12/04/2024 | FRANCE | N°23MA01238

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 2ème chambre, 12 avril 2024, 23MA01238


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.



Par un jugement n° 2209291 du 20 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle prov

isoire et a rejeté le surplus de sa demande.





M. D... B... a demandé au tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2209291 du 20 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a admis Mme C... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

M. D... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 2209290 du 20 décembre 2022, le magistrat désigné par la présidente du tribunal administratif de Marseille a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et a rejeté le surplus de sa demande.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023 sous le n° 23MA01238, et un mémoire enregistré le 12 décembre 2023, Mme C..., représentée par Me Rudloff, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer sa situation, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité du jugement :

- en écartant le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation par les mêmes motifs que ceux ayant permis d'écarter le moyen tiré de la violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le premier juge a méconnu son office.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît le droit d'être entendu ;

- ayant déposé plainte pour des faits de proxénétisme aggravés, elle aurait dû être informée de son droit à solliciter un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée de plusieurs erreurs de fait et révèle un défaut d'examen sérieux de sa situation ;

- elle remplit les conditions lui permettant de bénéficier de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; le premier juge s'est substitué au juge pénal dans l'appréciation des suites données à son dépôt de plainte pour des faits de traite humaine et de proxénétisme aggravé et a méconnu le principe d'indépendance des juridictions administratives et pénales ; le dépôt de sa plainte pénale faisait obstacle à ce que le préfet puisse prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français ;

- la décision méconnaît les dispositions des articles R. 425-1 et R. 425-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant un délai de départ volontaire :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'elle serait exposée à des menaces en cas de retour dans son pays d'origine ;

- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet s'est estimé lié par les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides et de la cour nationale du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 mars 2023.

II. Par une requête, enregistrée le 17 mai 2023 sous le n° 23MA01239, M. B..., représenté par Me Rudloff, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2022 du tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'annuler l'arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de la mesure d'éloignement ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer sans délai une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Il développe les mêmes moyens que ceux présentés par Mme C... dans l'instance n° 23MA01238.

La requête a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit de mémoire.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 31 mars 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code pénal ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la cour a désigné Mme Rigaud, présidente assesseure de la 2ème chambre, pour présider, en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative, la formation de jugement.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Danveau,

- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,

- et les observations de Me Rudloff, représentant Mme C... et M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... et sa compagne, Mme C..., ressortissants nigérians nés respectivement les 20 septembre 1992 et 6 juin 1994, ont chacun fait l'objet d'un arrêté du 20 octobre 2022 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être éloignés. Ceux-ci relèvent appel des deux jugements du 20 décembre 2022 par lesquels le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs requêtes dirigées contre ces arrêtés.

2. Les requêtes n° 23MA01238 et 23MA01239 présentées par Mme C... et M. B... qui concernent la situation d'un couple de ressortissants étrangers qui demandent l'annulation des mesures d'éloignement prises à leur encontre et qui ont fait l'objet d'une instruction commune, présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la régularité des jugements :

3. En estimant, par les mêmes motifs que ceux ayant conduit à écarter le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, que le préfet n'a pas entaché ses décisions portant obligation de quitter le territoire français d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de Mme C... et de M. B..., le premier juge n'a pas méconnu son office. Les requérants ne sont dès lors pas fondés à soutenir que les jugements attaqués seraient irréguliers sur ce point.

Sur le bien-fondé des jugements :

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français :

4. Mme C... et M. B... reprennent en appel, avec la même argumentation qu'en première instance, les moyens tirés de l'insuffisante motivation des décisions contestées, de l'erreur de fait et du défaut d'examen de leur situation personnelle. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge aux points 5 et 8 des jugements attaqués.

5. Il ressort des dispositions des articles L. 614-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions par lesquelles l'autorité administrative signifie

à l'étranger l'obligation dans laquelle il se trouve de quitter le territoire français. Dès lors, l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration, qui fixe les règles générales de procédure applicables aux décisions devant être motivées en vertu de ce code, ne saurait être utilement invoqué à l'encontre d'une décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté attaqué serait illégal en l'absence de respect de la procédure contradictoire préalable prévue par ces dispositions doit être écarté.

6. S'il n'est pas contesté que Mme C... et M. B... n'ont pas été invités par l'administration à présenter, préalablement à l'édiction des décisions contestées, leurs observations écrites ou orales sur la perspective d'une mesure d'éloignement, ils ne pouvaient cependant ignorer, en sollicitant l'asile sur le territoire français, qu'en cas de rejet de sa demande, ils seraient susceptibles de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, et n'établissent, ni même n'allèguent, avoir sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ou avoir été empêchés de s'exprimer avant que ne soit prise l'obligation de quitter le territoire français contestée. Par ailleurs et en tout état de cause, compte tenu des éléments exposés aux points 11 et 14, aucun des éléments avancés par les intéressés, tiré du dépôt de plainte de Mme C... pour des faits de proxénétisme et de la naissance de leurs deux enfants sur le territoire français, n'aurait été de nature à aboutir à un résultat différent de la procédure administrative dont ils ont fait l'objet. Par suite, le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu doit être écarté.

7. D'une part, aux termes de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose plainte contre une personne qu'il accuse d'avoir commis à son encontre des faits constitutifs des infractions de traite des êtres humains ou de proxénétisme, visées aux articles 225-4-1 à 225-4-6 et 225-5 à 225-10 du code pénal, ou témoigne dans une procédure pénale concernant une personne poursuivie pour ces mêmes infractions, se voit délivrer, sous réserve qu'il ait rompu tout lien avec cette personne, une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ". Aux termes de l'article 225-5 du code pénal : " Le proxénétisme est le fait, par quiconque, de quelque manière que ce soit : / 1° D'aider, d'assister ou de protéger la prostitution d'autrui ; / 2° De tirer profit de la prostitution d'autrui, d'en partager les produits ou de recevoir des subsides d'une personne se livrant habituellement à la prostitution ; / 3° D'embaucher, d'entraîner ou de détourner une personne en vue de la prostitution ou d'exercer sur elle une pression pour qu'elle se prostitue ou continue à le faire. / Le proxénétisme est puni de sept ans d'emprisonnement et de 150 000 euros d'amende ".

8. Il résulte des dispositions qui précèdent qu'un étranger qui justifie avoir déposé plainte contre la personne qu'il accuse d'avoir commis des faits relevant de l'article 225-5 du code pénal a droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".

9. D'autre part, le code de procédure pénale prévoit, à ses articles 689 et suivants, que les auteurs d'infractions commises hors du territoire de la République peuvent être poursuivis et jugés par les juridictions françaises soit lorsque la loi française est applicable, soit lorsqu'une convention internationale ou un acte pris en application du traité instituant les Communautés européennes donne compétence aux juridictions françaises pour connaître de l'infraction.

10. Enfin, aux termes de l'article 113-2 du code pénal : " La loi pénale française est applicable aux infractions commises sur le territoire de la République. (...) ". Les articles 113-6 et suivants de ce même code énumèrent les cas dans lesquels, par exception, la loi pénale française s'applique aux infractions commises hors du territoire de la République, parmi lesquels figurent les crimes et délits commis par un Français hors de ce territoire. Le proxénétisme, réprimé par les articles 225-5 à 225-10 du code pénal, ne figure pas parmi les exceptions limitativement énumérées aux articles 689-1 à 689-14 du code de procédure pénale, ni à celles énumérées aux articles 113-6 et suivants du code pénal.

11. S'il ressort des pièces du dossier que Mme C... a déposé plainte contre le réseau de prostitution qui l'exploitait, le procès-verbal de plainte contre X du 17 mai 2022 relate des faits qui se sont produits en dehors du territoire français et les personnes qu'elle a mentionnées à la police nationale, dénommées " Queen ", " Patrick " et " Judith ", ne sont pas identifiées précisément. Il ne ressort pas des mentions de cette plainte ou de tout autre pièce du dossier que cette plainte serait dirigée contre des ressortissants français. Par conséquent, la loi pénale française ne s'appliquait pas aux faits dont se plaignait Mme C..., mettant en cause un réseau transnational de traite nigérian, qui n'ont au demeurant pas été jugés crédibles par la cour nationale du droit d'asile, et celle-ci ne pouvait dès lors pas être regardée comme accusant une personne d'avoir commis à son encontre l'infraction prévue à l'article 225-5 du code pénal, et ce quand bien même il est soutenu que la procédure pénale ne serait pas achevée. En tout état de cause, le principe d'indépendance des juridictions administratives et judiciaires invoqué ne faisait pas obstacle à ce que le premier juge statue, en fonction des éléments dont il disposait, sur le droit au séjour de Mme C... au regard de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers. Par suite, le moyen tiré de ce que Mme C... était en situation de se voir délivrer un titre de séjour de plein droit en application de ces dispositions et qu'elle ne pouvait à ce titre faire l'objet d'une mesure d'éloignement doit en tout état de cause être écarté.

12. Compte tenu des éléments exposés au point précédent, les dispositions des articles R. 425-1 et R. 425-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives à l'information, par les services de police ou de gendarmerie, des victimes d'infractions de proxénétisme sur la possibilité d'une admission au séjour prévue à l'article L. 425-1 du même code et d'un délai de réflexion pour choisir de bénéficier ou non de cette possibilité ne peuvent être utilement invoquées. Le moyen doit, par suite, être écarté.

13. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

14. Mme C... et M. B... soutiennent qu'ils sont tous deux entrés en France en novembre 2018 et qu'ils ont deux enfants nés en France en 2019 et 2022. Il est également fait état de la scolarisation en France de leur premier enfant, des cours de français suivis par Mme C... et de la circonstance que celle-ci ne dispose plus d'attaches familiales au Nigéria, ses parents et sa sœur étant décédés. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, d'une part, le couple se trouve en situation irrégulière sur le territoire français dès lors que leur demande d'asile a été rejetée et qu'ils ont tous deux fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, d'autre part, que Mme C... ne saurait prétendre, ainsi qu'il a été dit, à la délivrance d'un titre de séjour en vertu de l'article L. 425-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il n'est pas non plus démontré que la cellule familiale ne puisse se reconstituer dans leur pays, où Mme C... et M. B... ont vécu respectivement au moins jusqu'à l'âge de vingt-quatre et vingt-six ans. Ces derniers ne justifient pas davantage d'une intégration professionnelle ou sociale particulière sur le territoire français. S'ils soutiennent, au demeurant sans l'établir, que les parents et la sœur de Mme C... sont décédés, ils ne démontrent pas être démunis de toute attache personnelle et familiale au Nigéria et ne justifient pas davantage que leur vie ou celle de leurs enfants serait menacée en cas de retour dans leur pays d'origine. Par suite, compte tenu des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée et des conditions de séjour des intéressés en France, les arrêtés litigieux du 20 octobre 2022 n'ont pas porté au droit des requérants au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ils ont été pris. Ainsi, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché ses décisions obligeant les intéressés à quitter le territoire français, d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de ces derniers.

15. Aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. (...) ".

16. Les arrêtés attaqués n'ont pas pour effet de séparer les deux enfants mineurs de leurs parents, et de les empêcher d'effectuer leur scolarité dans le pays dont ils ont la nationalité. Ainsi qu'il a été dit, les requérants ne justifient d'aucun obstacle qui s'opposerait à la reconstitution de la cellule familiale dans ce pays. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier qu'un retour des requérants dans leur pays d'origine serait de nature à nuire au bien-être et à l'épanouissement de leurs enfants. Par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône, en prenant les décisions contestées, n'a pas méconnu les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

En ce qui concerne les décisions fixant un délai de départ volontaire de trente jours :

17. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité des décisions fixant le délai de départ volontaire par voie d'exception d'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

18. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge au point 12 du jugement n° 2209290 et au point 18 du jugement n° 2209291, d'écarter le moyen tiré de ce que les décisions fixant le délai de départ volontaire seraient insuffisamment motivées, en ce qu'elles refusent d'accorder aux intéressés un délai de départ volontaire supérieur à trente jours.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :

19. Les décisions portant obligation de quitter le territoire n'étant pas entachées d'illégalité, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de ces décisions, soulevé à l'encontre des décisions fixant le pays de destination, doit être écarté.

20. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".

21. Il ressort des pièces du dossier que les requérants dont les demandes d'asile ont été rejetées par l'OFPRA le 6 septembre 2021 et par la CNDA le 21 juin 2022, et qui reprennent en appel les moyens invoqués en première instance sans apporter d'éléments nouveaux, n'établissent pas qu'eux et leurs enfants seraient exposés à des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Nigéria. Par suite et ainsi que l'a jugé à bon droit le premier juge, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

22. Il ressort des pièces du dossier que le préfet ne s'est pas uniquement fondé sur l'examen effectué par l'OFPRA et la CNDA des risques personnels encourus par Mme C... et M. B... en cas de retour dans leur pays d'origine, mais a examiné si les intéressés établissaient la réalité du risque qu'ils soient personnellement soumis à des traitements inhumains ou dégradants visés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé lié par les décisions de l'OFPRA et de la CNDA et aurait commis une erreur de droit en méconnaissant l'étendue de sa compétence, moyen sur lequel le tribunal n'a pas omis de statuer dans les jugements contestés, doit être écarté.

23. Il résulte de tout ce qui précède que Mme C... et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le magistrat désigné du tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs demandes. Leurs conclusions à fin d'annulation doivent donc être rejetées. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de Mme C... et de M. B... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à M. D... B..., à Me Rudloff et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 28 mars 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Rigaud, présidente assesseure, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative ;

- M. Mahmouti, premier conseiller ;

- M. Danveau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 12 avril 2024.

N°s 23MA01238, 23MA01239


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01238
Date de la décision : 12/04/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme RIGAUD
Rapporteur ?: M. Nicolas DANVEAU
Rapporteur public ?: M. GAUTRON
Avocat(s) : RUDLOFF;RUDLOFF;RUDLOFF

Origine de la décision
Date de l'import : 21/04/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-04-12;23ma01238 ?
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