Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision en date du 18 novembre 2019 par laquelle l'inspectrice du travail a autorisé son licenciement, ensemble la décision de la ministre du travail du 19 août 2020 portant rejet de son recours hiérarchique et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2100325 du 1er juin 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 7 août 2023, M. A... B..., représenté par Me Romieu, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision de l'inspectrice du travail en date du 18 novembre 2019 et la décision de la ministre du travail du 19 août 2020 portant rejet de son recours hiérarchique ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la procédure de licenciement est entachée d'un vice de procédure en l'absence de consultation valable des délégués du personnel de l'agence d'Aix-en-Provence ;
- son employeur n'a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement.
Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2023, la société Securitas France, représentée par Me Michal, demande à la Cour :
1°) de rejeter la requête de M. B... ;
2°) de mettre à la charge de M. B... le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens de la requête sont infondés.
La procédure a été communiquée au ministre du travail, de la santé et des solidarités, qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Michal pour la SARL Securitas France.
Considérant ce qui suit :
1. La société Securitas France a recruté M. B... en qualité d'agent de sécurité magasin, dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée conclu le 20 novembre 2009. Il était, en dernier lieu, titulaire d'un mandat de délégué du personnel et candidat aux élections au comité social et économique de l'entreprise. A la suite d'un accident du travail en 2012, le médecin du travail a, à l'issue de sa visite médicale de reprise et par avis du 13 mai 2014, déclaré M. B... définitivement inapte à la reprise du travail sur son poste antérieur. Par courrier du 12 juin 2019, la société Securitas France lui a adressé une proposition de reclassement sur sept postes. Elle a, par courrier du 19 juillet 2019, convoqué M. B... à un entretien préalable au licenciement. La société Securitas France a, par courrier du 24 septembre 2019, sollicité de l'inspection du travail l'autorisation de licencier M. B... pour inaptitude. L'inspectrice du travail a fait droit à sa demande et autorisé le licenciement par décision du 18 novembre 2019. Par courrier daté du 14 janvier 2020, reçu le 20 janvier suivant, M. B... a formé un recours hiérarchique contre cette décision auprès de la ministre du travail. Ce recours hiérarchique a été rejeté par une décision du 19 août 2020. M. B... interjette appel du jugement du 1er juin 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions regardées comme dirigées contre les deux décisions précitées de l'inspectrice du travail et de la ministre du travail.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
En ce qui concerne la procédure interne à l'entreprise :
2. Aux termes de l'article L. 1226-10 du code du travail, dans sa rédaction applicable à la date à laquelle le médecin du travail a déclaré M. B... inapte, soit le 13 mai 2014 : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à un accident du travail ou à une maladie professionnelle, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte, après avis des délégués du personnel, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en œuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes ou aménagement du temps de travail ".
3. Lorsque le salarié a la qualité de salarié protégé, il résulte de l'article L. 1226-10 du code du travail précité, dans sa rédaction applicable en l'espèce, que si, à l'issue de la procédure fixée par ces dispositions, il refuse les postes qui lui sont proposés et que l'employeur sollicite l'autorisation de le licencier, l'administration ne peut légalement accorder cette autorisation que si les délégués du personnel ont été mis à même, avant que soient adressées au salarié des propositions de postes de reclassement, d'émettre leur avis en tout connaissance de cause sur les postes envisagés, dans des conditions qui ne sont pas susceptibles de fausser cette consultation.
4. Si M. B... fait valoir que les délégués du personnel de l'agence d'Aix-en-Provence n'ont pas été consultés sur les postes qui lui ont été proposés par la société Securitas France, il ressort des pièces du dossier qu'en raison de la fermeture, à compter du 1er mars 2018, de l'établissement activité distribution situé à Caluire et Cuire (69) dont il dépendait auparavant, il a été rattaché à l'agence de Nice Retail de Biot. Par suite, les délégués du personnel de l'agence d'Aix-en-Provence, dont ne relève pas le requérant, n'avaient pas à être consultés. Par ailleurs, il ressort également des pièces du dossier que les délégués du personnel de l'agence de Nice Retail ont été consultés le 4 juin 2019, soit avant que lui soient adressées, le 12 juin 2019, des propositions de poste, et ont émis un avis défavorable. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité, pour ce motif, de la procédure interne doit être écarté.
En ce qui concerne la recherche de reclassement :
5. Aux termes de l'article L. 1226-12 du code du travail dans sa rédaction applicable : " Lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. / L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions. / S'il prononce le licenciement, l'employeur respecte la procédure applicable au licenciement pour motif personnel prévue au chapitre II du titre III. "
6. Dans le cas où la demande de licenciement d'un salarié protégé est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'administration de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, que l'employeur a, conformément à l'article L. 1226-10 du code du travail, cherché à reclasser le salarié sur d'autres postes appropriés à ses capacités, le cas échéant par la mise en œuvre, dans l'entreprise, de mesures telles que mutations ou transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail. Le licenciement ne peut être autorisé que dans le cas où l'employeur n'a pu reclasser le salarié dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, menée tant au sein de l'entreprise que dans les entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent avec elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie de son personnel. Il en résulte qu'il incombe à l'employeur qui envisage de licencier pour inaptitude un salarié bénéficiant d'une protection de procéder, préalablement à son licenciement, à une recherche sérieuse des postes disponibles, quelle que soit la durée des contrats susceptibles d'être proposés pour pourvoir ces postes, et appropriés à ses capacités, en vue de chercher à le reclasser et à éviter autant que de possible son licenciement.
7. Il ressort des pièces du dossier que, par une lettre en date du 12 juin 2019, la société Securitas France a proposé à M. B..., après avoir, ainsi qu'elle en justifie, procédé à des recherches exhaustives, un poste d'opérateur télésurveillance, un poste de conseiller clientèle, trois postes d'assistant des services généraux, un poste de " customer assistant " et un poste de coordinateur de site. Si M. B... fait, en premier lieu, valoir que ces postes ne correspondaient pas aux préconisations du médecin du travail qui avait indiqué, le 13 mai 2014 : " Inapte définitif à la reprise du travail au poste antérieur. Proposition de reclassement à un poste sans contact avec le public avec alternance de position assise/debout ", il ressort des pièces du dossier que le médecin du travail, consulté par la société Securitas, a estimé, par courriers des 10 mai 2019 et 27 mai 2019, que ces postes étaient appropriés aux capacités de l'intéressé.
8. En deuxième lieu, si M. B... soutient qu'il n'a pas refusé les propositions qui lui ont été faites, il ressort au contraire de la lettre qu'il a adressée à son employeur le 16 juillet 2019 par l'intermédiaire de son avocat qu'il a expressément refusé chacun des sept postes qui lui avaient été proposés.
9. En troisième lieu, si M. B... fait valoir que trois postes de chef de secteur, chef de site, ou directeur d'agence pouvaient lui être proposés au regard de ses diplômes universitaires, il est constant que ces emplois, de niveaux de qualifications bien supérieures au poste d'agent de sécurité qu'il occupait précédemment, n'étaient pas comparables à son précédent emploi au sens des dispositions précitées de l'article L. 1226-10 du code du travail et n'avaient, dès lors, pas à lui être proposés. En outre, si l'intéressé fait valoir que de nombreux postes auraient été disponibles sur l'agence d'Aix-en-Provence entre fin juin 2019 et fin juillet 2019, il n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
10. En quatrième lieu lieu, si le requérant fait valoir que certaines des propositions de postes qui lui ont été faites nécessitaient une formation, il n'était nullement exclu que son employeur, après acceptation de sa part de l'un de ces postes, lui permette de suivre la formation adéquate.
11. En dernier lieu, si le requérant fait valoir que le conseil des prud'hommes de Martigues, par un jugement en date du 14 juin 2023, a jugé que la société Securitas France avait manqué à son obligation de recherche sérieuse de reclassement et condamné en conséquence la société à lui verser des dommages et intérêts, il ressort, en tout état de cause, dudit jugement que celui-ci n'est afférent qu'à de précédentes recherches de reclassement sans lien avec celle objet du présent litige.
12. Il suit de là que le moyen tiré de ce que la société Securitas France n'aurait pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement doit être écarté.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation des décisions des 18 novembre 2019 et 19 août 2020.
Sur les frais d'instance :
14. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par M. B... doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... le paiement de la somme de 1 500 euros qui sera versée à la société Securitas France en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à la société Securitas France la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la société Securitas France et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.
N° 23MA02070 2
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