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27/05/2024 | FRANCE | N°23MA02882

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 27 mai 2024, 23MA02882


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer une autorisa

tion provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de quinze jours à compter de la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 17 mai 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 2305644 en date du 21 juillet 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A....

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 4 décembre 2023, sous le n° 23MA02882, M. B... C... A..., représenté par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 21 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté précité du 17 mai 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire, ou à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande, avec délivrance, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que ses conclusions dirigées contre un refus de titre de séjour n'étaient pas irrecevables ;

- l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé en droit et en fait et est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation dès lors qu'il avait présenté une demande de titre de séjour le 8 décembre 2022 à laquelle le préfet n'a pas répondu ;

- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de M. A....

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

II. Par une requête enregistrée le 5 décembre 2023, sous le n° 23MA02892, M. B... C... A..., représenté par Me Belotti, demande à la Cour :

1°) de surseoir à l'exécution de ce jugement ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer, dans un délai de 8 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler jusqu'à ce que la Cour statue sur la requête enregistrée sous le n° 23MA02882 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Il soutient que :

- le jugement attaqué, qui rend possible l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français en date du 17 mai 2023, est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables ;

- il soulève des moyens sérieux d'annulation à l'encontre dudit jugement.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 janvier 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de M. A....

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

M. A... a été admis, dans les deux procédures, au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décisions du 27 octobre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité nigériane, né le 25 juillet 1991, est, selon ses dires, entré en France le 4 mars 2022. Il a présenté une demande d'asile qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 28 septembre 2022 puis par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 11 avril 2023. Par un arrêté du 17 mai 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a pris à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours avec fixation du pays de destination. M. A..., par une requête enregistrée sous le n° 23MA02882, interjette appel du jugement en date du 21 juillet 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 17 mai 2023 et, par une requête enregistrée sous le n° 23MA02892, demande à la Cour de surseoir à l'exécution dudit jugement.

2. Les requêtes susvisées n° 23MA02882 et 23MA02892, présentées pour M. A... sont dirigées contre le même jugement, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur les conclusions de la requête n° 23MA02882 :

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :

3. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : (...)

4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° (...) ". Par ailleurs, en vertu de l'article L. 542-4 du même code : " L'étranger auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé ou qui ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 542-2 et qui ne peut être autorisé à demeurer sur le territoire à un autre titre doit quitter le territoire français, sous peine de faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français ".

4. Si, en application du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet peut prendre directement une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un demandeur d'asile auquel la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusée, dans les conditions prévues par ces dispositions, sous réserve de vérifier, avec les éléments sur la situation de l'intéressé dont il dispose, que ce dernier ne peut prétendre de plein droit à la délivrance d'un titre de séjour, il lui appartient, lorsque l'intéressé a, à la date à laquelle il prend sa décision, régulièrement déposé une demande de titre de séjour sur un autre fondement, d'examiner cette demande avant de prononcer une obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence du rejet de la demande d'asile.

5. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a, par une lettre datée du 8 décembre 2022, à laquelle était jointe un dossier dont il n'est pas contesté qu'il était complet, réceptionnée le 9 décembre suivant, présenté une demande d'admission exceptionnelle au séjour, ou, à titre subsidiaire, une demande de titre de séjour en qualité d'étudiant en se fondant sur la circonstance qu'il avait été contraint de fuir l'Ukraine, pays dans lequel il résidait depuis 2013, en raison du conflit opposant ce pays à la Russie et était inscrit dans une formation au sein de la plateforme du campus méditerranéen du numérique. Il est constant que cette demande n'a pas été examinée avant que soit prononcée à l'encontre de l'intéressé, par l'arrêté attaqué, une obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence du rejet de la demande d'asile. Dans ces conditions, la mesure d'éloignement en litige n'a, ainsi que le soutient le requérant, pas été précédée d'un examen réel et complet de sa situation. Il suit de là, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement et de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français ainsi que, par voie de conséquence, de la décision fixant le pays de destination. Il y a lieu, par suite, d'annuler ledit jugement et l'arrêté du 17 mai 2023.

En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :

6. Le présent arrêt, s'il n'implique pas que soit délivré à M. A..., ainsi qu'il le demande, un titre de séjour implique toutefois nécessairement, sauf à ce que la demande de titre de séjour présentée le 8 décembre 2022 par l'intéressé ait déjà été examinée postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, qu'il soit procédé par le préfet des Bouches-du-Rhône au réexamen de sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et qu'il lui soit délivré, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les conclusions de la requête n° 23MA02892 :

7. Dès lors qu'il est statué sur la requête de M. A... dirigée contre le jugement du 21 juillet 2023 de la magistrate désignée du tribunal administratif de Marseille, les conclusions de l'intéressé tendant au sursis à exécution de ce même jugement deviennent sans objet.

Sur les frais des deux instances :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Belotti renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Belotti de la somme globale de 1 500 euros pour les deux instances.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions aux fins de sursis à exécution et d'injonction de la requête n° 23MA02892.

Article 2 : Le jugement n° 2305644 de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Marseille du 21 juillet 2023 est annulé, ensemble l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 17 mai 2023.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône, sauf à ce que la demande d'admission au séjour présentée le 8 décembre 2022 par l'intéressé ait déjà été examinée postérieurement à la date de l'arrêté attaqué, de procéder au réexamen de la situation de M. A... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.

Article 4 : L'Etat versera à Me Belotti la somme globale de 1 500 euros sous réserve de sa renonciation au bénéfice de l'indemnité d'aide juridictionnelle en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... A..., au ministre de l'intérieur et des Outre-mer et à Me Belotti.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 6 mai 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Poullain, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2024.

N° 23MA02882, 23MA02892 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02882
Date de la décision : 27/05/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : BELOTTI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-05-27;23ma02882 ?
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