Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination et d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec délivrance, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d'un délai de 48 h.
Par un jugement n° 2304409 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la requête de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 28 décembre 2023, M. B... C..., représenté par Me Le Gars, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 août 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à sa demande de titre de séjour, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) à titre principal, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, avec délivrance, dans cette attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard au-delà d'un délai de 48 h ;
4°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) à titre principal, de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire et de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 500 euros qui sera versée à son conseil en application des dispositions combinées des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, de lui verser la somme de 2 500 euros en application desdites dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularités dès lors, d'une part, qu'il comporte une contradiction de motifs et, d'autre part, qu'il a omis de statuer sur plusieurs des moyens soulevés ;
- les dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale ont été méconnues ;
- l'arrêté du 3 août 2023 comporte une contradiction de motifs ;
- le préfet a commis une erreur de droit en faisant application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables aux ressortissants tunisiens ;
- le préfet n'a pas examiné sa demande sous l'angle des stipulations de l'article 7 ter b) de l'accord franco-tunisien ;
- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ; l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
La procédure a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.
Par une décision du 29 mars 2024, M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R. 732-1 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Vincent.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., de nationalité tunisienne, né le 15 novembre 2002, est entré en France le 31 octobre 2018. Il a été pris en charge par l'aide sociale à l'enfance à compter du 19 décembre 2018 puis confié à sa cousine, Mme A... C..., par un jugement en assistance éducative du 17 mai 2019. M. C... a présenté, le 19 novembre 2020, une demande de titre de séjour, laquelle a été rejetée par arrêté du 22 novembre 2021 avec obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours. Par un arrêté en date du 24 novembre 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a obligé M. C... à quitter sans délai le territoire français. Par un arrêt n° 23MA00401 du 8 juin 2023, la Cour a annulé l'arrêté précité du 24 novembre 2022 et enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de l'intéressé. Par un arrêté en date du 3 août 2023, le préfet des Alpes-Maritimes a de nouveau refusé de faire droit à la demande de titre de séjour présentée par M. C..., a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... interjette appel du jugement du 28 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 3 août 2023 ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.
Sur les conclusions tendant à l'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président. ".
3. Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille du 29 mars 2024, M. C... a été admis à l'aide juridictionnelle totale. Dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur sa demande tendant à ce qu'il soit admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.
Sur la régularité du jugement attaqué :
4. En premier lieu, la contradiction de motifs affecte le bien-fondé d'une décision juridictionnelle et non sa régularité. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait entaché d'une irrégularité dès lors qu'il comporterait une contradiction de motifs doit être écarté.
5. En second lieu, le tribunal a répondu, respectivement aux points 7, 3 et 5 du jugement attaqué, aux moyens tirés de ce que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne procédant pas à la régularisation de M. C... au titre de l'admission exceptionnelle au séjour, de ce que l'arrêté attaqué comporterait une contradiction et de ce que le préfet aurait méconnu la portée de la demande dont il était saisi en ne l'examinant pas sous l'angle des stipulations de l'article 7 ter b) de l'accord franco-tunisien.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
6. En premier lieu, aux termes de l'article 40-29 du code de procédure pénale : " I. - Dans le cadre des enquêtes prévues à l'article 17-1 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, aux articles L. 114-1, L. 114-2, L. 211-11-1, L. 234-1 et L. 234-2 du code de la sécurité intérieure et à l'article L. 4123-9-1 du code de la défense, les données à caractère personnel figurant dans le traitement qui se rapportent à des procédures judiciaires en cours ou closes, à l'exception des cas où sont intervenues des mesures ou décisions de classement sans suite, de non-lieu, de relaxe ou d'acquittement devenues définitives, ainsi que des données relatives aux victimes, peuvent être consultées, sans autorisation du ministère public, par : (...) 5° Les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l'Etat. L'habilitation précise limitativement les motifs qui peuvent justifier pour chaque personne les consultations autorisées. Lorsque la consultation révèle que l'identité de la personne concernée a été enregistrée dans le traitement en tant que mise en cause, l'enquête administrative ne peut aboutir à un avis ou une décision défavorables sans la saisine préalable, pour complément d'information, des services de la police nationale ou des unités de la gendarmerie nationale compétents et, aux fins de demandes d'information sur les suites judiciaires, du ou des procureurs de la République compétents. Le procureur de la République adresse aux autorités gestionnaires du traitement un relevé des suites judiciaires devant figurer dans le traitement d'antécédents judiciaires et relatif à la personne concernée. Il indique à l'autorité de police administrative à l'origine de la demande si ces données sont accessibles en application de l'article 230-8 du présent code (...) ".
7. En l'espèce, il est soutenu par M. C... que les signalements dont il a fait l'objet auprès des services de police pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, port sans motif légitime d'armes de catégorie D, circulation sans assurance, offre ou cession, détention de stupéfiants, vol en réunion, vol par effraction dans un local d'habitation, recel de biens provenant d'un vol et violation de domicile, ont été portés à la connaissance des services de la préfecture uniquement à la suite de la consultation du traitement dénommé " traitement des antécédents judiciaires ", régi notamment par les dispositions précitées de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale. Toutefois, il ne ressort pas de l'arrêté attaqué que le préfet des Alpes-Maritimes aurait fondé le rejet opposé à l'intéressé sur des informations qui seraient seulement issues d'une consultation des données personnelles figurant dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article R. 40-29 du code de procédure pénale doit, en tout état de cause, être écarté.
8. En deuxième lieu, si le requérant soutient que le préfet a entaché l'arrêté attaqué d'une contradiction dès lors qu'il a estimé avoir été saisi sous l'angle de l'admission exceptionnelle au séjour et de l'article 3 de l'accord franco-tunisien puis a précisé, in fine, que " l'intéressé n'a pas sollicité de titre de séjour sur un autre fondement juridique, en dehors de l'admission exceptionnelle au séjour ", cette circonstance n'est, en tout état de cause, pas de nature à entacher d'illégalité l'arrêté du 3 août 2023.
9. En troisième lieu, M. C... fait valoir que le préfet des Alpes-Maritimes aurait commis une erreur de droit en faisant application des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne sont pas applicables aux ressortissants tunisiens. Toutefois, le préfet a expressément précisé que l'accord franco-tunisien ne prévoit pas d'admission exceptionnelle mais a examiné, dans l'exercice de son pouvoir discrétionnaire, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation et n'a, dès lors, pas commis d'erreur de droit.
10. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 ter de l'accord franco-tunisien susvisé : " b) Les ressortissants tunisiens âgés de seize à dix-huit ans qui déclarent vouloir exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, de plein droit, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention "vie privée et familiale" ou un titre de séjour d'une durée de dix ans, s'ils remplissent les conditions prévues aux articles 7 bis ou 10 du présent Accord / Ils peuvent, dans les autres cas, solliciter un titre de séjour valable un an./ Les ressortissants tunisiens mineurs de dix-huit ans qui remplissent les conditions prévues à l'article 7 bis, ou qui sont mentionnés au e ou au f de l'article 10, ainsi que les mineurs entrés en France pour y poursuivre des études sous couvert d'un visa de séjour d'une durée supérieure à trois mois reçoivent, sur leur demande, un document de circulation (...) ".
11. M. C... fait valoir que, souhaitant exercer une activité professionnelle, sa demande aurait dû être examinée sous l'angle des stipulations de l'article 7 ter b) précité. Toutefois, il est constant que celui-ci, né le 15 novembre 2002, était majeur à la date de sa demande et ne relevait dès lors pas de ces stipulations mais de celles de l'article 3 dudit accord. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet se serait mépris sur la portée de sa demande de titre de séjour doit être écarté.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
13. M. C... est arrivé récemment en France, en octobre 2018. Il est célibataire et sans enfant et n'établit pas ne plus avoir d'attaches familiales en Tunisie. Par ailleurs, à l'exception d'une cousine, il ne se prévaut de la présence d'aucun membre de sa famille en France. Au vu de l'ensemble de ces éléments, le moyen tiré de ce que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auraient été méconnues doit être écarté.
14. En outre, s'il est constant que M. C... a, dans le cadre d'un CAP peinture-application de revêtements, travaillé sous contrat d'apprentissage de septembre 2019 à août 2020 et bénéficie d'une promesse d'embauche datée du 18 novembre 2022 pour exercer des fonctions de peintre, sous contrat à durée indéterminée, ces circonstances sont, combinées à celles rappelées au point 13, insuffisantes pour caractériser une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
15. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C... ainsi que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte et celles présentées au titre des frais d'instance doivent être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'admission à titre provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. C... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et à Me Le Gars.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 17 mai 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 mai 2024.
N° 23MA03179 2
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