Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia, d'une part, d'annuler la décision implicite portant rejet de sa demande de délivrance d'un certificat de permis de construire tacite et d'enjoindre au maire de Conca de lui délivrer ce certificat, avec mention de la date à laquelle la transmission au préfet prévue à l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme a été effectuée, et, d'autre part, d'annuler la décision implicite portant refus de délivrance d'un permis de construire, à la supposer née en application du b) de l'article R. 423-39 du même code, et la décision implicite portant rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cette décision.
Par un jugement n° 2100976 du 2 mai 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés le 30 juin 2023, et les 2 janvier et 3 avril 2024, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Hachem, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 2 mai 2023 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le maire de Conca sur sa demande de délivrance d'un certificat de permis de construire tacite prévu à l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme et d'enjoindre audit maire, par application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de lui délivrer ce certificat, lequel devra mentionner la date à laquelle la transmission au préfet prévue à l'article R. 423-7 du code de l'urbanisme a été effectuée ;
3°) d'annuler la décision tacite portant refus de délivrance d'un permis de construire, à la supposer née en application du b) de l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, ainsi que la décision implicite portant rejet du recours gracieux tendant au retrait de cette décision ;
4°) de mettre à la charge de " l'Etat " la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est entaché d'une omission à statuer ou, à tout le moins, d'un défaut de motivation, alors que, devant les premiers juges, il avait contesté la légalité de la demande de pièces manquantes du 19 novembre 2020 au regard notamment de l'exemption prévue au 4° de l'article L. 342-1 du code forestier ;
- sur l'absence de bien-fondé du jugement attaqué :
. comme l'a reconnu le tribunal administratif de Bastia, son projet ne prévoyant pas de piscine, celle-ci n'avait pas à figurer dans la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions ;
. en revanche, c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a reconnu l'exigibilité de la lettre visée à l'article R. 431-19 du code de l'urbanisme dès lors que son projet ne nécessite pas d'autorisation de défrichement.
La procédure a été communiquée à la commune de Conca qui n'a pas présenté de mémoire.
Par une ordonnance du 11 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 avril 2024, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code forestier ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations Me Hachem, représentant M. B....
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., par Me Hachem, a été enregistrée le 22 mai 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Le 30 octobre 2020, M. B... a déposé, auprès du service de l'urbanisme de la commune de Conca, un dossier de demande de permis de construire en vue de la réalisation d'un bâtiment à usage d'habitation en R+1 et composé de deux logements, sur la parcelle alors cadastrée section E n° 484, laquelle est située au lieu-dit I Sacchi et qui avait fait l'objet d'un arrêté du maire de Conca du 17 juillet 2018 portant non-opposition à une déclaration préalable pour la création de trois lots, dont deux à bâtir. Par une lettre du 19 novembre 2020, réceptionnée le 23 novembre suivant, le maire de Conca a informé M. B... de ce que des pièces étaient manquantes. Tenant pour infondée cette demande, M. B... n'y a pas donné suite. Mais, par un courrier du 19 avril 2021, reçue le 23 avril suivant, estimant qu'il était désormais titulaire d'un permis de construire tacite, M. B... a demandé au maire de Conca de lui délivrer le certificat prévu à l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme et, à supposer qu'une décision tacite de refus de permis de construire soit née, de la retirer. M. B... relève appel du jugement du 2 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation, d'une part, de la décision implicite portant rejet de sa demande de délivrance d'un certificat de permis de construire tacite et, d'autre part, de la décision tacite portant refus de délivrance d'un permis de construire et de la décision implicite portant rejet de son recours gracieux tendant au retrait de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le jugement attaqué n'est entaché ni d'une insuffisante motivation, ni d'une omission de répondre à un moyen, le tribunal administratif de Bastia ayant, à son point 5, jugé, dans le respect du cadre juridique applicable ci-dessous rappelé aux points 3 et 4 du présent arrêt, que la demande de pièce adressée à M. B... et relative à l'autorisation de défrichement n'était pas illégale et n'ayant dès lors pas à se prononcer sur l'exemption prévue au 4° de l'article L. 342-1 du code forestier.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision tacite de refus de délivrance d'un permis de construire et de la décision implicite portant rejet du recours gracieux :
3. Selon l'article R. 423-22 du code de l'urbanisme : " (...) le dossier est réputé complet si l'autorité compétente n'a pas, dans le délai d'un mois à compter du dépôt du dossier en mairie, notifié au demandeur ou au déclarant la liste des pièces manquantes dans les conditions prévues par les articles R. 423-38 et R. 423-41. " Cet article R. 423-38 dispose, dans sa rédaction applicable au présent litige, que : " Lorsque le dossier ne comprend pas les pièces exigées en application du présent livre, l'autorité compétente, dans le délai d'un mois à compter de la réception ou du dépôt du dossier à la mairie, adresse au demandeur (...) une lettre recommandée avec demande d'avis de réception (...) indiquant, de façon exhaustive, les pièces manquantes. " Et l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme indique que : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. "
4. Il résulte de ces dispositions qu'à l'expiration du délai d'instruction tel qu'il résulte de l'application des dispositions du chapitre III du titre II du livre IV du code de l'urbanisme relatives à l'instruction des demandes de permis de construire, naît un permis tacite.
En application de ces dispositions, le délai d'instruction n'est ni interrompu ni modifié par une demande, en principe illégale, tendant à compléter le dossier par une pièce qui n'est pas exigée en application du livre IV de la partie réglementaire du code de l'urbanisme. Dans ce cas, un permis tacite naît à l'expiration du délai d'instruction, sans qu'une telle demande puisse y faire obstacle. Une demande tendant à compléter le dossier ne peut ainsi interrompre le délai d'instruction que si elle porte sur une pièce absente du dossier alors qu'elle est exigible en application du a) de l'article R. 431-4 du code ou sur une pièce complémentaire ou une information apparemment exigible, compte tenu de la nature et/ou de la consistance du projet, en application du b) et du c) de cet article, ou sur une pièce qui, bien que présente, ne comporte pas l'ensemble des informations requises par les dispositions réglementaires de ce même livre ou dont le contenu est entaché d'insuffisances ou d'incohérences telles qu'elle ne peut être regardée comme ayant été produite par le pétitionnaire.
5. En l'espèce, M. B... expose, sans être contesté par la commune de Conca qui n'a pas présenté de mémoire en défense, qu'il a déposé auprès du service de l'urbanisme de cette dernière son dossier de demande de permis de construire le 30 octobre 2020. Or, il ressort des pièces du dossier que, par un courrier du 19 novembre 2020, le maire de Conca lui a demandé de le compléter en produisant la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions, au motif qu'une piscine doit être déclarée, ainsi que la copie de la lettre du préfet requise par les dispositions de l'article R. 431-19 du code de l'urbanisme lorsque les travaux projetés nécessitent une autorisation de défrichement. M. B... soutient que cette demande est illégale.
S'agissant de la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions :
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a joint la déclaration des éléments nécessaires au calcul des impositions à son dossier de demande de permis de construire déposé le 30 octobre 2020 et que le maire de Conca n'était pas fondé à solliciter qu'il la complète au motif qu'une piscine doit être déclarée dès lors qu'il est constant que le projet de construction porté par l'appelant ne prévoit pas la réalisation d'une telle piscine.
S'agissant de la copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître que le dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet :
7. D'une part, aux termes de l'article L. 425-6 du code de l'urbanisme : " Conformément à l'article L. 341-7 du nouveau code forestier, lorsque le projet porte sur une opération ou des travaux soumis à l'autorisation de défrichement prévue aux articles L. 341-1 et L. 341-3 du même code, celle-ci doit être obtenue préalablement à la délivrance du permis. " Selon l'article R. 431-4 du même code : " La demande de permis de construire comprend : / (...) b) Les pièces complémentaires mentionnées aux articles R. 431-13 à R. 431-33-1 (...) " et l'article R. 431-19 dispose que : " Lorsque les travaux projetés nécessitent une autorisation de défrichement en application des articles L. 341-1, L. 341-3 ou L. 214-13 du code forestier, la demande de permis de construire est complétée par la copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître au demandeur que son dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet, si le défrichement est ou non soumis à reconnaissance de la situation et de l'état des terrains et si la demande doit ou non faire l'objet d'une enquête publique. "
8. D'autre part, l'article L. 341-1 du code forestier dispose que : " Est un défrichement toute opération volontaire ayant pour effet de détruire l'état boisé d'un terrain et de mettre fin à sa destination forestière. (...) ". Aux termes de l'article L. 341-3 du même code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Nul ne peut user du droit de défricher ses bois et forêts sans avoir préalablement obtenu une autorisation. (...) ". Mais, en vertu de l'article L. 342-1 de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Sont exemptés des dispositions de l'article L. 341-3 les défrichements envisagés dans les cas suivants : / 1° Dans les bois et forêts de superficie inférieure à un seuil compris entre 0,5 et 4 hectares, fixé par département ou partie de département par le représentant de l'Etat, sauf s'ils font partie d'un autre bois dont la superficie, ajoutée à la leur, atteint ou dépasse ce seuil ; / (...) 4° Dans les jeunes bois de moins de trente ans sauf s'ils ont été conservés à titre de réserves boisées ou plantés à titre de compensation en application de l'article L. 341-6 ou bien exécutés dans le cadre de la restauration des terrains en montagne ou de la protection des dunes. "
9. Il ressort de l'examen des pièces constitutives du dossier de demande de permis de construire présenté par M. B..., et en particulier de son plan de masse, qui fait état d'arbres " conservés ", et de sa notice descriptive, qui indique qu'en dehors de l'emprise au sol de la construction, la végétation existante sera conservée et valorisée, qu'au stade de l'instruction de cette demande, le projet litigieux était susceptible d'être soumis à une autorisation de défrichement de la parcelle alors cadastrée section E n° 484 d'une superficie de 22 208 m2 qui constitue son terrain d'assiette, et que, par conséquent, une copie de la lettre par laquelle le préfet fait connaître au pétitionnaire que le dossier de demande d'autorisation de défrichement est complet était apparemment exigible. Sans que l'appelant puisse utilement se prévaloir de la circonstance qu'à l'occasion de ses précédentes demandes de permis de construire, cette pièce complémentaire n'avait pas été sollicitée, le courrier du 19 novembre 2020 par lequel le maire de Conca lui a demandé de compléter son dossier de demande de permis de construire en produisant la copie de cette lettre du préfet requise par les dispositions de l'article R. 431-19 du code de l'urbanisme a ainsi interrompu le délai d'instruction, faisant obstacle à la naissance d'un permis de construire tacite le 30 décembre 2020 et le silence gardé par le maire de Conca suite au courrier de M. B... du 19 avril 2021 n'a donc pas eu pour effet de faire naître une décision portant retrait de ce permis. A cet égard, le moyen tiré du non-respect de la procédure contradictoire ne peut qu'être écarté comme inopérant. Par ailleurs, à défaut de production par M. B... de la copie de cette lettre dans le délai de trois mois prévu à l'article R. 423-39 du code de l'urbanisme, sa demande de délivrance d'un permis de construire a fait l'objet d'une décision tacite de refus le 23 février 2021. Par suite, et en l'absence de moyens opérants et fondés invoqués par M. B... à l'encontre de cette décision tacite, ses conclusions tendant à son annulation et, par voie de conséquence, à l'annulation de la décision implicite portant rejet de son recours gracieux doivent être rejetées.
En ce qui concerne les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite portant refus de délivrer un certificat de permis de construire tacite :
10. Aux termes de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction applicable au présent litige : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur, du déclarant ou de ses ayants droit. / Ce certificat mentionne la date d'affichage en mairie de l'avis de dépôt prévu à l'article R. 423-6. / En cas de permis tacite, ce certificat indique la date à laquelle le dossier a été transmis au préfet ou à son délégué dans les conditions définies aux articles L. 2131-1 et L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales. "
11. M. B... n'ayant pas été titulaire, ainsi qu'il vient d'être dit, d'un permis de construire tacite, les conclusions tendant à l'annulation de la décision implicite portant refus de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite ne peuvent qu'être rejetées.
12. Il résulte donc de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de la décision tacite de refus de délivrance d'un permis de construire, de la décision implicite portant rejet de son recours gracieux et de la décision implicite portant refus de délivrer un certificat de permis de construire tacite.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
13. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B... n'implique aucune mesure d'exécution. Ses conclusions à fin d'injonction doivent donc être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. L'Etat n'étant pas la partie défenderesse dans la présente instance, les conclusions de M. B..., qui est, en tout état de cause, la partie perdante, tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Conca.
Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.
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No 23MA01658
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