Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille, d'une part, d'enjoindre à la commune de Salon-de-Provence, à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et à la société par actions simplifiée (SAS) Agglopole-Provence-Assainissement de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert commis par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence afin de faire cesser les infiltrations d'eaux affectant le local dont elle est propriétaire et qui est situé La montée du Château 6 place de la Loge, à Salon-de-Provence (13300), dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, d'autre part, de condamner solidairement cette commune, cette métropole et cette société à l'indemniser tant du préjudice financier qu'elle estime avoir subi à hauteur de la somme à parfaire à la date de ce même jugement de 35 910 euros, que de son préjudice moral, à hauteur de la somme de 5 000 euros, ces sommes devant être majorée des intérêts légaux et de la capitalisation de ces intérêts, et, enfin, de mettre à la charge solidaire de cette commune, de cette métropole et de cette société les dépens de l'instance en référé, incluant les frais d'huissier et les honoraires d'expertise, ainsi qu'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1908120 du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille a enjoint à la SAS Agglopole-Provence-Assainissement de réaliser les travaux de reprise du réseau des eaux usées et à la commune de Salon-de-Provence de faire réaliser les travaux de réfection de la ruelle au droit du local appartenant à Mme A..., selon les préconisations de l'expert judiciaire et dans les conditions définies au point 16 de ce jugement, ces travaux devant être réalisés dans le délai de trois mois à compter de la notification de ce même jugement, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 8 juillet et 27 septembre 2022, et les 12 avril et 29 mai 2023, Mme A..., représentée par
Me Petit-Schmitter, demande à la Cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 6 mai 2022 en tant qu'il n'a pas assorti l'injonction qu'il a prononcée d'une astreinte de 200 euros par jour de retard, qu'il n'a pas reconnu la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence et qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ainsi que celles qu'elle avait présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
2°) d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Marseille d'une astreinte de 200 euros par jour de retard, faute de réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire dans le délai de trois mois à compter de la notification du jugement du 6 mai 2022, dès le prononcé de l'arrêt à intervenir ;
3°) d'enjoindre à la métropole Aix-Marseille-Provence de faire réaliser les travaux de reprise du réseau d'eaux usées tels que préconisés par l'expert judiciaire, dans l'hypothèse où la Cour devait considérer que ces travaux ne relèvent pas de la compétence de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement ;
4°) d'annuler les décisions du 25 juillet, et des 2 et 28 août 2019 par lesquelles la SAS Agglopole-Provence-Assainissement, la commune de Salon-de-Provence et la métropole Aix-Marseille-Provence ont chacune refusé d'exécuter les travaux préconisés par l'expert judiciaire ;
5°) de condamner in solidum la commune de Salon-de-Provence, la métropole
Aix-Marseille-Provence et la SAS Agglopole-Provence-Assainissement à lui verser, d'une part, la somme à parfaire au jour de l'arrêt à intervenir de 41 040 euros, en réparation de son préjudice financier, déduction faite de la somme de 15 000 euros qui lui a été allouée par le jugement rendu le 26 janvier 2023 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence, et d'ordonner la capitalisation de ces sommes, et d'autre part, la somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral ;
6°) si, par extraordinaire, il devait être fait droit au moyen invoqué par la commune de Salon-de-Provence tiré de l'existence d'une double indemnisation, d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente d'une décision définitive du juge judiciaire dans le cadre du litige l'opposant à son vendeur, aux syndicats des copropriétaires des 6 rue montée André Viallat et 3 rue de l'Horloge, et à la société Chloe and Co, et du recouvrement des sommes à ce titre allouées ;
7°) de mettre, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à la charge in solidum de la commune de Salon-de-Provence, de la métropole Aix-Marseille-Provence et de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement la somme de 5 000 euros, au titre des frais de première instance, et la somme de 3 000 euros, au titre des frais qu'elle a exposés en cause d'appel.
Elle soutient que :
- si le tribunal administratif de Marseille doit être confirmé en tant qu'il juge que les infiltrations en provenance de la canalisation d'eaux usées aggravées par le défaut d'unis du revêtement de la ruelle adjacente constituent un dommage dont, en sa qualité de tiers par rapport au réseau des eaux usées et à cette ruelle, elle est fondée à demander la réparation sur le terrain de la responsabilité sans faute à l'encontre de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement et de la commune de Salon-de-Provence, il doit être infirmé, au vu du rapport d'expertise judiciaire, en tant qu'il ne retient pas, à ce même titre, la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence ; l'expert indiquant, dans ce rapport, que plusieurs réseaux de collecte des eaux pluviales se raccordent au réseau des eaux usées, on ne peut exclure la responsabilité de cette métropole ;
- si l'injonction prononcée à l'article 1er du jugement attaqué doit être confirmée,
la Cour devra l'assortir d'une astreinte de 200 euros par jour de retard à compter du jugement intervenu ; en effet, depuis que ce jugement a été rendu, seule la commune de Salon-de-Provence a, conformément aux préconisations de l'expert judiciaire, repris l'enrobé de la ruelle adjacente ; en revanche, les travaux relatifs à la reprise du réseau n'ont pas été exécutés ; en l'état des pièces communiquées, les causes des désordres telles que retenues par cet expert ne sont donc pas toutes réparées ; en rejetant ses conclusions à fin d'astreinte, le tribunal administratif de Marseille n'a pas tiré les conséquences qu'imposait l'absence de réalisation de ces travaux et ce, en contradiction avec la motivation de son propre jugement ;
- sur la réparation de son préjudice financier :
. si, dans l'acte de vente qu'elle a conclu, elle a reconnu avoir été informée de l'existence de problèmes d'humidité, cette présence d'humidité n'a rien à voir avec les désordres affectant son studio ;
. si l'expert judiciaire indique que la partie enterrée de son studio ne dispose pas de barrière étanche, pour autant, contrairement à ce qui a été retenu par le tribunal administratif de Marseille, il n'est pas affirmatif en ce qui concerne la persistance des désordres et ce, nonobstant les travaux de réparation qu'il a préconisés ;
. son local a bien été exploité ou occupé par les précédents propriétaires et elle justifie de l'existence de deux contrats de location qu'elle a conclus ;
. le règlement de copropriété ne lui interdisait pas de modifier la destination du studio et le syndicat des copropriétaires en a été informé ; les personnes publiques dont la responsabilité sans faute est engagée ne peuvent par conséquent pas se prévaloir d'un éventuel non-respect du règlement de copropriété dont ce syndicat des copropriétaires ne s'est pas prévalu dans le délai de cinq ans visé l'article 2224 du code civil à compter de la mise en location de ce bien ;
. la Cour écartera également le moyen opposé par la commune de Salon-de-Provence et tiré de la théorie du risque accepté ;
. la Cour devra écarter tout moyen de prescription opposé en défense ;
. son préjudice financier est certain et doit être évalué à la somme à parfaire au jour de la réalisation de l'ensemble des travaux préconisés par l'expert judiciaire de 41 040 euros ;
. la Cour écartera l'argument de la commune de Salon-de-Provence tiré des économies fiscales qu'elle pourrait faire en l'absence de revenus locatifs ;
. si elle a obtenu réparation devant le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence d'une partie de son préjudice financier, cette réparation correspond à la quote-part de responsabilité mise à la charge du syndicat des copropriétaires de l'immeuble 6 montée André Viallat, de l'immeuble 3 rue de l'Horloge et de la société Chloe and Co qui avait été fixée par l'expert judiciaire à 20 % ; ce préjudice financier a été fixé à la somme de 15 000 euros qu'il faudra donc déduire des sommes qu'elle réclame à la commune de Salon-de-Provence, à la métropole Aix-Marseille-Provence et à la SAS Agglopole-Provence-Assainissement ; mais ce jugement ne saurait la priver de la possibilité de pouvoir obtenir la réparation de son préjudice financier auprès des personnes publiques correspondant à leur quote-part de responsabilité ; ce jugement n'a pas autorité de la chose jugée à l'égard du juge administratif dès lors que le juge judiciaire n'a pas statué sur la responsabilité des personnes publiques et les préjudices consécutifs à leur responsabilité ; en tout état de cause, ce jugement est frappé d'appel et aucune somme ne lui a été versée ; si la Cour devait considérer qu'elle a obtenu du juge judiciaire réparation de son préjudice financier, elle devra surseoir à statuer sur ses demandes dans l'attente d'une décision définitive du juge judiciaire et du recouvrement des sommes qui lui seront allouées par celui-ci ;
. son préjudice moral doit être indemnisé à hauteur de la somme de 5 000 euros ;
- sans s'expliquer, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande présentée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative alors qu'il a pourtant reconnu que la responsabilité des personnes publiques était engagée sur le fondement de la responsabilité sans faute au titre de la survenance des désordres affectant son studio.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2022, la métropole
Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Gouard-Robert, conclut au rejet de la requête, à ce que la SAS Agglopole-Provence-Assainissement soit condamnée à la relever et la garantir de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre et à ce qu'une somme de
1 600 euros soit mise à la charge de tout succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, et sur la cause des désordres et son absence de responsabilité :
. les demandes formulées à son encontre sont mal dirigées et irrecevables dès lors qu'au cas particulier, seule la responsabilité de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement, en sa qualité de fermier, est susceptible d'être recherchée ;
. elle est fondée à demander à être relevée et garantie par la SAS Agglopole-Provence-Assainissement de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;
- à titre subsidiaire, et sur le préjudice :
. mise en cause pour la première fois le 1er décembre 2016, elle est fondée à soulever la déchéance quadriennale des loyers pour les années 2011 et 2012 ;
. Mme A... ayant formulé une demande indemnitaire identique devant le tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence à l'encontre des copropriétés privées, il lui appartient de produire les justificatifs des procédures qu'elle a portées devant le juge judiciaire afin d'éviter une double indemnisation ;
. la présence des infiltrations était connue de la copropriété depuis 1994 et Mme A... a acheté ce bien en toute connaissance de cause ;
. alors que l'expert judiciaire a déposé son rapport le 28 juin 2017, Mme A... a attendu le 20 juin 2019 pour la saisir d'une demande indemnitaire ; elle ne saurait donc être tenue du délai écoulé depuis le dépôt de ce rapport qui n'est imputable qu'à Mme A... ;
. Mme A... a acquis un local à usage commercial, et non à usage d'habitation ; elle ne saurait donc obtenir l'indemnisation des loyers qu'elle n'était ainsi pas en droit de percevoir ;
. Mme A... ne saurait obtenir à la fois le règlement des loyers mais également l'octroi d'une indemnisation au titre du préjudice moral qui n'est pas établi.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 novembre 2022 et 5 mai 2023, la commune de Salon-de-Provence, représentée par Me Margaroli, conclut :
- à titre principal, au rejet de la requête et à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il lui enjoint, dans son article 1er, de réaliser des travaux ;
- à titre subsidiaire, à ce que la métropole Aix-Marseille-Provence et, en tant que de besoin, la SAS Agglopole-Provence-Assainissement en sa qualité de fermier, la garantissent de toute condamnation qui pourrait être prononcées à son encontre, et au rejet du surplus des conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre elle ;
- à titre infiniment subsidiaire, à ce qu'il ne soit pas prononcé de condamnation solidaire, à ce qu'elle ne soit condamnée qu'à hauteur de sa contribution à la dette, après avoir ramené à une plus juste appréciation les préjudices subis par Mme A..., et au rejet du surplus des conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre elle ;
- en tout état de cause, à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- tout comme la métropole Aix-Marseille-Provence, elle a exécuté les travaux que le tribunal administratif de Marseille leur a enjoint de faire, sans que Mme A... ne soutienne qu'ils ne sont pas conformes à ceux prescrits par l'expert judiciaire ; il n'y a donc pas lieu de statuer sur les demandes d'injonction présentées par cette dernière ;
- les conclusions indemnitaires de Mme A... sont irrecevables car prescrites et ses conclusions à fin d'injonction n'étant qu'accessoires, elles suivront le sort des conclusions principales ;
- par son jugement du 26 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a entendu réparer l'entier préjudice de Mme A... ; malgré l'absence d'autorité de chose jugée du civil sur l'administratif, il y aura en tout état de cause lieu de rejeter la demande indemnitaire de Mme A..., en tant que la qualité et la forme de l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence lui assure la réparation totale de son préjudice ;
- les conclusions indemnitaires sont infondées et, à supposer même que la nature publique de la canalisation litigieuse puisse être retenue, eu égard aux causes du préjudice allégué, il n'y aura pas lieu de retenir sa responsabilité ;
. le préjudice allégué trouvant principalement sa cause dans le fonctionnement du réseau d'eaux usées, la responsabilité extracontractuelle de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement est susceptible d'être engagée devant le juge administratif en sa qualité de délégataire du service public, et, le cas échéant, celle de la métropole Aix-Marseille-Provence, en sa qualité de maître d'ouvrage déléguant ;
. contrairement à ce qu'indique la métropole Aix-Marseille-Provence, dans l'hypothèse où la cause du sinistre résulterait d'une inexistence, d'une insuffisance ou d'un mauvais fonctionnement du réseau d'eaux pluviales, et non du réseau d'eaux usées, la responsabilité de cette métropole serait seule susceptible d'entre engagée ;
. les relevés topographiques de la ruelle litigieuse qu'elle a réalisés permettent de constater que cette ruelle disposait d'une forte pente rendant impossible toute stagnation d'eau pluviale ; la cause, résultant, à hauteur de 20 %, d'un défaut d'uni de son revêtement provoquant des stagnations ne saurait donc être retenue ;
. contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Marseille, il n'y a pas eu, pendant l'expertise, d'essais en eau sur la ruelle, mais uniquement dans la canalisation du réseau de collecte des eaux usées ;
. en tout état de cause, si la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence, ou de son délégataire, relève d'un dommage accidentel de travaux publics, la voirie, dès lors qu'il ne ressort pas de sa vocation d'assurer l'imperméabilité du sol, et donc des caves, ne saurait engager la responsabilité de son gardien qu'en démontrant l'existence d'un préjudice grave et spécial ; or, la réalité d'un tel préjudice n'est pas démontrée ;
. à supposer même qu'une stagnation des eaux ait existé, l'expert judiciaire estime qu'elle serait en partie due, d'une part, à la présence de gouttières situées directement en amont, et appartenant à la SCI Chloe and Co, à gauche, et à la copropriété 6, montée Viallat, à droite, et, d'autre part, qu'elle serait encore causée par " l'extrados de la voûte du studio [qui] forme un dôme transversal dans la ruelle, [et] qui fait barrage à l'écoulement des eaux de ruissellement en amont " ; ainsi, la forme du studio de Mme A... cause en lui-même son propre préjudice ; il ne s'agit pas ici d'une faute de la victime, mais bien d'une cause pleine et entière qui participe à la survenance du sinistre, et qui est imputable à l'immeuble lui-même ;
. il n'y aurait lieu que de retenir, le cas échéant, les causes de responsabilité suivantes : 60 %, au titre du défaut d'étanchéité du réseau, 10 % maximum, au titre du défaut d'uni du revêtement de la ruelle provoquant des stagnations, 10 %, au titre du rejet des eaux pluviales dans le réseau des eaux usagers, 10 %, au titre du rejet des eaux pluviales par descentes d'eau en amont du studio et 10 % au minimum au titre des caractéristiques mêmes du studio ;
- subsidiairement, sur les préjudices :
. le préjudice locatif n'est pas certain dans son principe et dans son montant, et il n'est pas assorti de précisions permettant d'en apprécier la réalité ;
. Mme A... ne saurait réclamer un quelconque préjudice moral, pour la réalisation d'une situation dont elle avait pleinement conscience ;
. par son jugement du 26 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a entendu réparer l'entier préjudice de Mme A..., pour, au surplus, des chefs de préjudices qui sont les mêmes que ceux demandés dans la présent instance ; par conséquent, et sans préjudice des actions récursoires que sont susceptibles d'intenter les personnes condamnées par le tribunal judicaire d'Aix-en-Provence, indemniser Mme A... reviendrait à méconnaître le principe d'interdiction de la double indemnisation ; malgré l'absence d'autorité de chose jugée du civil sur l'administratif, il y aura lieu en tout état de cause de rejeter la demande indemnitaire de Mme A... en tant que la qualité et la forme de l'indemnité qui lui a été allouée par le tribunal judiciaire lui assure déjà la réparation totale de son préjudice ;
- elle est fondée à demander à être relevée et garantie de la condamnation susceptible d'être mise à sa charge, en toute ou partie, par la SAS Agglopole-Provence-Assainissement ou, le cas échéant, la métropole Aix-Marseille-Provence.
Par une ordonnance du 30 mai 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 31 mai 2023, a été reportée au 26 juin 2023, à 12 heures.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, les conseils de la commune de Salon-de-Provence et de la métropole Aix-Marseille-Provence, et la SAS Agglopole-Provence-Assainissement ont été invités, le 19 avril 2024, à produire toute pièce de nature à justifier de la réalisation, d'une part, des travaux de reprise du réseau des eaux usées et, d'autre part, des travaux de réfection de la ruelle au droit de l'appartement de Mme A..., selon les préconisations de l'expert judiciaire dans son rapport du 28 juin 2017 et dans les conditions définies au point 16 du jugement attaqué.
Par des observations en réponse, accompagnées de pièces, enregistrées le 26 avril 2024, la commune de Salon-de-Provence, représentée par Me Margaroli, indique que ces travaux ont été réalisés.
En réponse à cette mesure d'instruction, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Gouard-Robert, a produit des pièces le 29 avril 2024.
En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le conseil de Mme A... a été invité, le 3 mai 2024, d'une part, à indiquer à la Cour si la cour d'appel
d'Aix-en-Provence avait rendu un arrêt sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 26 janvier 2023 par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence et, le cas échéant, si un pourvoi en cassation avait été formé à l'encontre de cet arrêt et, d'autre part, de produire une copie des baux de location conclus avec Mmes C... et Alcaraz.
En réponse, par une lettre, enregistrée le 7 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Petit, indique que la cour d'appel d'Aix-en-Provence n'a pas encore rendu son arrêt suite à l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu par le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence le 26 janvier 2023.
Un mémoire, présenté pour la société par actions simplifiée (SAS) Agglopole-Provence-Assainissement, représentée par la SCP de Angelis et associés, a été enregistré le 29 mai 2024, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- les observations de Me Petit, représentant Mme A...,
- les observations de Me Bail, substituant Me Margaroli, représentant la commune de Salon-de-Provence,
- et les observations de Me Gerard, de la SCP de Angelis, représentant la société Agglopole-Provence-Assainissement.
Une note en délibéré, présentée pour Mme A..., par Me Petit, a été enregistrée le 5 juin 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a acquis, le 5 mars 2010, un local à usage commercial ou professionnel, en rez-de-chaussée d'un ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété, dénommé " La Montée du Château ", et situé La montée du Château 6 place de la loge, à Salon-de-Provence (13300), sur la parcelle cadastrée section AB n° 236, en vue de le louer avec un usage d'habitation. A la suite d'infiltrations d'eaux répétées en cas d'épisodes pluvieux, signalées par son locataire, Mme A... a, le 5 novembre 2013, demandé au juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, la désignation d'un expert aux fins de rechercher tous éléments relatifs aux causes et conséquences de ces infiltrations. L'expert judiciaire désigné par ordonnance du 3 décembre 2013 a remis son rapport le 28 juin 2017. Par des courriers du
20 juin 2019, adressés à la commune de Salon-de-Provence, à la métropole d'Aix-Marseille-Provence et à la société par actions simplifiée (SAS) Agglopole-Provence-Assainissement,
Mme A... a sollicité l'indemnisation des préjudices financier et moral qu'elle estime avoir subis du fait de ces désordres, ainsi que la réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire pour y mettre un terme. Par un jugement du 6 mai 2022, le tribunal administratif de Marseille, saisi par Mme A..., a enjoint, d'une part, à la SAS Agglopole-Provence-Assainissement de réaliser les travaux de reprise du réseau des eaux usées dans le délai de
trois mois à compter de la notification de ce jugement, et, d'autre part, à la commune de Salon-de-Provence, de réaliser, dans le même délai, les travaux de réfection de la ruelle au droit de l'appartement de Mme A..., selon les préconisations de l'expert judiciaire, avant de rejeter le surplus des conclusions des parties. Mme A... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas assorti cette injonction d'une astreinte, qu'il n'a pas reconnu la responsabilité de la métropole Aix-Marseille-Provence et qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ainsi que celles qu'elle avait présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, la commune de Salon-de-Provence demande à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement du 6 mai 2022 en tant qu'il lui enjoint de réaliser sa part des travaux préconisés par l'expert commis par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence.
Sur l'appel de Mme A... :
En ce qui concerne le bien-fondé du jugement attaqué en tant qu'il a rejeté les conclusions indemnitaires de Mme A... :
S'agissant de l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Salon-de-Provence :
2. Aux termes de l'article 1er de la loi susvisée du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'État, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'Etat, des départements et des communes, (...) toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis (...) ". Selon l'article 2 de cette même loi : " La prescription est interrompue par : / (...) Tout recours formé devant une juridiction, relatif au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance, quel que soit l'auteur du recours (...) / Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. Toutefois, si l'interruption résulte d'un recours juridictionnel, le nouveau délai court à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle la décision est passée en force de chose jugée. " Aux termes de l'article 3 de la même loi : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir, soit par lui-même ou par l'intermédiaire de son représentant légal, soit pour une cause de force majeure, ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance ou de la créance de celui qu'il représente légalement. ".
3. Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée, les droits de créance invoqués en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de ces dispositions, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés.
Par ailleurs, si une demande aux fins de désignation d'un expert pour déterminer l'étendue du dommage interrompt le cours de la déchéance quadriennale, le délai recommence cependant à courir à compter du 1er janvier de l'année au cours de laquelle le rapport d'expertise a été notifié aux demandeurs.
4. Si la commune de Salon-de-Provence fait valoir que les infiltrations d'eaux subies par le local de Mme A... avaient été signalées dès l'année 1994, il n'est pas établi que celle-ci, qui dans l'acte de vente afférent au local en cause, n'a été informée que de la présence d'humidité, aurait eu connaissance de telles infiltrations avant que sa première locataire ne s'en plaigne au début de l'année 2011. Le délai de quatre années emportant prescription de la créance de Mme A... a ainsi commencé à courir le 1er janvier 2012 et ce délai a été interrompu par l'assignation du 5 novembre 2013 par laquelle l'appelante a saisi le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence aux fins de rechercher tous éléments relatifs aux causes et conséquences des infiltrations d'eaux affectant son local. Un nouveau délai a couru à compter de la notification du rapport d'expertise à Mme A..., soit à une date qui ne saurait être antérieure au 28 juin 2017, date de la remise de ce rapport au greffe du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence. Ainsi, à la date de l'enregistrement, par le tribunal administratif de Marseille, de la demande d'indemnisation présentée par Mme A..., le 18 septembre 2019, la créance de cette dernière n'était pas atteinte par la prescription quadriennale. Par suite, l'exception de prescription quadriennale opposée par la commune de Salon-de-Provence doit être écartée.
S'agissant du principe de responsabilité :
5. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
Quant au dommage accidentel causé par un défaut d'étanchéité de la canalisation d'évacuation des eaux usées :
6. Il résulte de l'instruction, éclairée par le rapport dressé par l'expert commis par le juge des référés du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence, que les infiltrations d'eaux affectant, en cas d'épisodes pluvieux, le local appartenant à Mme A..., et, en particulier, sa partie voûtée située, à l'ouest, sous la ruelle longeant la copropriété La Montée du Château, trouvent leur origine principale dans un défaut d'étanchéité de la canalisation d'évacuation des eaux usées également située sous cette ruelle. Il est ainsi établi un lien de causalité direct et certain entre le dommage subi par le bien de Mme A..., qui présente un caractère accidentel, et le fonctionnement défectueux de cette canalisation. Par suite, et alors qu'il résulte de l'instruction et qu'il n'est d'ailleurs plus sérieusement contesté que cette canalisation d'évacuation des eaux usées, dont il est constant qu'elle n'a pas pour fonction de desservir le local appartenant à Mme A..., constitue un ouvrage appartenant au réseau public d'assainissement, cette dernière, en sa qualité de tiers, est fondée à rechercher la responsabilité sans faute du gardien de cet ouvrage public, sans avoir à démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'elle prétend subir.
Quant au dommage permanent lié aux caractéristiques de la voie publique :
7. Il résulte également de l'instruction et des mêmes constatations expertales que ces infiltrations d'eaux sont aussi dues, dans une moindre mesure, outre au rejet d'eaux pluviales provenant de copropriétés voisines dans la canalisation susmentionnée alors que celle-ci devrait être exclusivement affectée à la collecte des eaux usées, à un défaut d'uni du revêtement de la ruelle longeant la copropriété La Montée du Château, lequel favorise la stagnation des eaux.
Il s'ensuit que les dommages subis par Mme A..., qui a la qualité de tiers par rapport à cette voie publique, sont également imputables à l'existence de celle-ci, et sont, compte tenu de leur caractère grave et spécial, supérieurs à ceux qui affectent toute personne résidant à proximité d'une telle voie.
S'agissant de la détermination des personnes responsables :
Quant aux désordres imputables au défaut d'étanchéité de la canalisation d'évacuation des eaux usées :
8. Il résulte des dispositions des articles L. 5217-2 et L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales que la métropole d'Aix-Marseille-Provence est, depuis le 1er janvier 2016, compétente de plein droit en matière d'assainissement des eaux usées. Elle s'est ainsi substituée à la communauté d'agglomération Agglopole-Provence dans les droits et obligations liés à cette compétence.
9. En cas de délégation limitée à la seule exploitation d'un ouvrage, comme c'est le cas en matière d'affermage, si la responsabilité des dommages imputables au fonctionnement de l'ouvrage relève du délégataire, sauf stipulations contractuelles contraires, celle résultant de dommages imputables à son existence, à sa nature et à son dimensionnement appartient à la personne publique délégante.
10. En l'espèce, l'exploitation du réseau d'assainissement de la commune de Salon-de-Provence, dont fait partie la canalisation litigieuse appartenant à la métropole Aix-Marseille-Provence, a été confiée à la SAS Agglopole-Provence-Assainissement par contrat d'affermage. Or, aux termes l'article 4.1 du contrat de délégation du service public de l'assainissement collectif, conclu le 23 juillet 2012 entre la communauté d'agglomération Agglopole-Provence et la société par actions simplifiée (SAS) Saur, et transféré à la SAS Agglopole-Provence-Assainissement par un avenant du 28 décembre 2012 : " Pendant toute la durée du contrat, le délégataire conserve l'entière responsabilité du service. / Il fait son affaire personnelle de tous les risques et litiges pouvant provenir du fait de l'exploitation de l'activité déléguée.
Le délégataire s'engage à cet égard à faire son affaire de toute réclamation, de quelque nature que ce soit, pour tout dommage causé directement ou indirectement par l'exécution du service et renonce à tout recours contre Agglopole Provence (...) ". Aux termes de l'article 23 du même contrat : " Les travaux de gros entretien renouvellement (GER) des ouvrages sont à la charge du délégataire. / Les travaux de gros entretien renouvellement (GER) correspondent au remplacement, à l'identique ou à fonction identique, de tous les matériels hors d'état de fonctionnement normal en raison de leur vétusté ou de leur défaillance. / (...) L'annexe 6 du présent contrat présente le détail du GER par ouvrage et par commune, avec les montants d'investissements annuels proposés, nécessaires à maintenir le parc de matériel en bon état de fonctionnement (...) ".
11. Le défaut d'étanchéité de la canalisation litigieuse étant imputable au fonctionnement de cet ouvrage, la responsabilité de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement en sa qualité de délégataire, qui avait l'obligation d'assurer notamment les travaux de gros entretien et de renouvellement des ouvrages du réseau d'assainissement, correspondant aux travaux de dépose et de remplacement de la canalisation existante préconisés par l'expert judiciaire, est engagée. C'est dès lors à bon droit que les premiers juges ont mis hors de cause la métropole d'Aix-Marseille-Provence.
Quant aux désordres imputables à l'état de la voirie communale :
12. Ainsi qu'il a été dit au point 7, il résulte de l'instruction et plus particulièrement du rapport d'expertise judiciaire du 28 juin 2017, dont les conclusions, rendues après réalisation d'essais de mise en eau de la ruelle pour constater la présence en surface des eaux stagnantes, et établissant la stagnation d'eaux pluviales sur une partie de la voie, ne sont pas remises en cause par le relevé topographique de cette ruelle invoqué par la commune, que le défaut d'uni du revêtement de cette voie adjacente au local de Mme A... participe à la survenue des infiltrations d'eaux et engage ainsi, même sans faute, la responsabilité de la commune de Salon-de-Provence, propriétaire de cette voie publique. La commune de Salon-de-Provence n'est dès lors pas fondée à demander sa mise hors de cause.
13. Il suit de là que le défaut d'étanchéité de la canalisation d'évacuation des eaux usées et les caractéristiques de la voie publique communale, qui ont conjointement concouru aux désordres dont Mme A... demande la réparation, engagent envers elle la responsabilité solidaire de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement et de la commune de Salon-de-Provence.
S'agissant des causes exonératoires :
Quant au fait du tiers :
14. Si, ainsi qu'il a été dit au point 7, les infiltrations d'eaux subies par Mme A... ont, d'après l'expert judiciaire, également pour cause la présence de descentes d'eaux pluviales, situées en amont de la ruelle adjacente, et appartenant aux propriétés voisines, la commune de Salon-de-Provence ne peut utilement, pour s'exonérer ou même minorer sa responsabilité sans faute, invoquer le fait d'un tiers.
Quant à l'exception du risque accepté :
15. Lorsqu'il est soutenu qu'une partie s'est exposée en connaissance de cause au risque dont la réalisation a causé les dommages dont elle demande réparation au titre de la présence ou du fonctionnement d'un ouvrage public, il appartient au juge d'apprécier s'il résulte de l'instruction, d'une part, que des éléments révélant l'existence d'un tel risque existaient à la date à laquelle cette partie est réputée s'y être exposée et, d'autre part, que la partie en cause avait connaissance de ces éléments et était à cette date en mesure d'en déduire qu'elle s'exposait à un tel risque, lié à la présence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, qu'il ait été d'ores et déjà constitué ou raisonnablement prévisible.
16. La commune de Salon-de-Provence et la métropole Aix-Marseille-Provence font valoir que Mme A... a acquis le local en cause en connaissant le risque d'infiltrations d'eaux. Dans l'acte de vente de ce local signé le 5 mars 2010, il est expressément mentionné que : " L'acquéreur reconnaît avoir été informé, pour les avoir constaté[s] lors des visites, des problèmes d'humidité existant dans le bien objet des présentes, et reconnaît en faire son affaire personnelle sans recours possible contre le vendeur. " Toutefois, de telles problèmes d'humidité ne correspondent ni dans leur nature, ni dans leur ampleur, à des infiltrations d'eaux, l'expert judiciaire précisant à cet égard, en réponse aux dires du conseil de Mme A... du 22 juin 2017, que " le terme humidité précisé à l'acte de vente ne répond pas au phénomène constaté " et indiquant par ailleurs dans son rapport que les deux vices peuvent avoir des origines distinctes. La commune et la métropole ne sont donc pas fondées à prétendre que Mme A... aurait exposé son bien au risque d'infiltration en toute connaissance de cause.
Quant au changement de destination du local :
17. Si la commune et la métropole soutiennent que Mme A... a donné à bail d'habitation un local qui ne pouvait être affecté qu'à un usage commercial ou professionnel, il résulte des termes mêmes de l'acte d'acquisition de ce bien du 5 mars 2010 que " L'acquéreur déclare que le lot sera à usage d'habitation " et que l'article 8 du règlement de copropriété, reproduit dans l'acte, prévoit que " L'immeuble dont s'agit est destiné principalement à l'habitation. / Toutefois les locaux situés au rez-de-chaussée et formant les lots n° 1 et 2, pourront être utilisés à usage professionnel ou commercial, sous les réserves énoncées
ci-après. " Dans ces conditions, alors que la commune de Salon-de-Provence n'entre pas dans les prescriptions de l'article L. 631-7 du code de la construction et de l'habitation, et qu'il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que les copropriétaires de l'immeuble La Montée du Château se seraient opposés à cette affectation du local de Mme A..., celle-ci n'a commis aucune faute en le donnant à bail d'habitation.
S'agissant de l'évaluation des préjudices :
Quant au préjudice locatif :
18. Lorsqu'un dommage causé à un immeuble engage la responsabilité d'une collectivité publique, le propriétaire peut prétendre à une indemnité couvrant, d'une part, les troubles qu'il a pu subir, du fait notamment de pertes de loyers, jusqu'à la date à laquelle, la cause des dommages ayant pris fin et leur étendue étant connue, il a été en mesure d'y remédier et, d'autre part, une indemnité correspondant au coût des travaux de réfection. Ce coût doit être évalué à cette date, sans pouvoir excéder la valeur vénale, à la même date, de l'immeuble exempt des dommages imputables à la collectivité.
19. Par ailleurs, dans le cas d'un dommage causé à un immeuble, la fragilité ou la vulnérabilité de celui-ci ne peuvent être prises en compte pour atténuer la responsabilité du maître de l'ouvrage, sauf lorsqu'elles sont elles-mêmes imputables à une faute de la victime. En dehors de cette hypothèse, de tels éléments ne peuvent être retenus que pour évaluer le montant du préjudice indemnisable.
20. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise judiciaire du
28 juin 2017, que Mme A... avait conclu, le 26 août 2010, un bail de location de son local transformé en studio, pour un loyer de 285 euros par mois. Ce studio est, du fait des infiltrations d'eaux, devenu inhabitable et le locataire a donné congé le 14 janvier 2011 tout en ne réglant pas les échéances de loyers de février et mars 2011. Mme A... a ensuite reloué son bien à compter du 1er avril 2013 mais le nouveau locataire a remis les clés le 6 mai 2013, sans s'être acquitté d'aucun loyer, en raison de nouvelles infiltrations d'eaux. Il suit de là que Mme A... justifie avoir perdu, en raison de ces infiltrations, deux locataires et une chance sérieuse de louer à nouveau ce studio tant qu'il n'a pas été mis fin aux désordres. Son préjudice locatif, qui doit être évalué sur la base d'une perte mensuelle de 285 euros, correspondant au loyer du premier bail, le seul mis à la disposition de l'expert judiciaire, doit ainsi être calculé sur la période allant du mois de février 2011, date à laquelle Mme A... a cessé de percevoir des loyers du fait des infiltrations, jusqu'à la date à laquelle les causes des dommages subis par son bien ont cessé. Cette date, compte tenu à la fois du caractère public des travaux devant être réalisés sur le réseau d'eaux usées et sur la voie communale pour mettre fin aux infiltrations d'après le rapport d'expertise judiciaire, et de leur caractère nécessairement préalable aux travaux devant être engagés par Mme A... pour remédier aux dommages causés à son bien et le rendre propre à la location, correspond, non pas à la date de remise du rapport d'expertise, mais au mois de
juillet 2022 au cours duquel ces travaux publics ont été réalisés. L'engagement et la mise en œuvre de ces travaux incombant aux seules personnes publiques maîtres d'ouvrage, lesquelles ont été rendues destinataires du rapport d'expertise judiciaire, la circonstance que Mme A... a attendu le 20 juin 2019 pour adresser ses réclamations préalables et solliciter la réalisation de ces travaux, alors que l'expert judiciaire a déposé son rapport le 28 juin 2017, n'est pas de nature à justifier, contrairement à ce que soutient la commune, que les vingt-trois mois correspondants soient exclus de la période d'indemnisation de son préjudice locatif.
21. Néanmoins, ainsi qu'il a été dit, Mme A... a décidé, lors de l'acquisition de ce local à usage commercial ou professionnel, de le transformer en studio d'habitation alors même qu'il se situe en rez-de-chaussée, qu'il ne comporte que deux petites fenêtres, qu'il est en partie situé sous la voie publique, dans une pente et qu'il faisait l'objet de remontées d'humidité dont elle a été informée lors de son achat. A cet égard l'expert judiciaire a identifié dans son rapport " un défaut d'étanchéité important de l'habitation " dont il ne résulte pas de l'instruction que Mme A... ait entrepris des travaux pour y remédier. Par conséquent, il y a lieu de tenir compte de cette vulnérabilité de l'immeuble de Mme A... pour évaluer le montant de son préjudice locatif, en lui appliquant en l'espèce un abattement de 60 %.
22. Il sera ainsi fait une juste appréciation du préjudice locatif subi par Mme A..., que l'assureur a refusé d'indemniser, en l'évaluant à la somme de 15 000 euros.
Quant au préjudice moral :
23. Mme A... sollicite l'indemnisation d'un " préjudice moral " en raison des difficultés qu'elle a rencontrées consécutivement aux départs de ses deux locataires, à l'absence de perception des loyers et à l'absence de réalisation des travaux préconisés par l'expert judiciaire. Si, par une telle argumentation, Mme A... doit être regardée comme invoquant des troubles dans ses conditions d'existence, l'intéressée, qui a attendu près de deux années après le rapport d'expertise judiciaire pour réclamer la réalisation des travaux propres à mettre fin à ses dommages ainsi que la réparation de ses préjudices, n'établit pas la réalité de ces troubles.
Elle n'est dès lors pas fondée à solliciter une indemnité à ce titre.
Quant à la prise en compte de l'indemnité accordée par le juge judiciaire :
24. Il résulte de l'instruction que, par un jugement rendu le 26 janvier 2023, le tribunal judiciaire d'Aix-en-Provence a condamné le précédent propriétaire du local en cause, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble 3 rue de l'Horloge et la SCI Chloe and Co à verser à
Mme A..., respectivement, 12 000, 1 500 et 1 500 euros, en réparation de la perte de loyers locatifs qu'elle a subies en raison des infiltrations d'eaux affectant son bien. Il ne résulte toutefois pas de l'instruction que le paiement de ces indemnités soit intervenu et il est constant que ce jugement a été frappé d'appel. Dès lors, la commune de Salon-de-Provence et la métropole Aix-Marseille-Provence ne sont pas fondées à faire valoir que Mme A... aurait été intégralement indemnisée de son entier préjudice et à demander, pour ce motif, le rejet de ses conclusions indemnitaires. Cependant, afin d'éviter une double indemnisation de ce poste de préjudice, sans qu'il soit besoin pour la Cour de surseoir à statuer, devra être déduite de la condamnation prononcée par le présent arrêt toute indemnité accordée par une décision définitive rendue par le juge judiciaire en réparation de ce même chef de préjudice.
S'agissant des intérêts :
25. Lorsqu'ils ont été demandés et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts moratoires courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine.
26. Mme A... a droit aux intérêts au taux légal correspondant à la somme qui lui est due à compter du 21 juin 2019, date de réception de ses réclamations préalables par la commune de Salon-de-Provence et la SAS Agglopole-Provence-Assainissement.
S'agissant de la capitalisation des intérêts :
27. La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge du fond, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 18 septembre 2019 date d'enregistrement de la demande de première instance devant le tribunal administratif de Marseille. Par suite, il y a lieu de faire droit à cette demande au 21 juin 2020, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, et à chaque date d'anniversaire.
S'agissant des conclusions à fin d'appel en garantie :
Quant à l'appel en garantie formé par la métropole Aix-Marseille-Provence :
28. En l'absence de toute condamnation prononcée à son encontre, les conclusions d'appel en garantie formées par la métropole Aix-Marseille-Provence sont sans objet. Elles ne peuvent dès lors qu'être rejetées.
Quant à l'appel en garantie formé par la commune de Salon-de-Provence :
29. Tant le défaut d'étanchéité affectant la canalisation d'évacuation des eaux usées, relevant de la responsabilité de la SAS Agglopole-Provence-Assainissement, que les caractéristiques de la voie communale, dont l'aménagement et l'entretien incombent à la commune de Salon-de-Provence, ont concouru aux désordres dont Mme A... demande l'indemnisation. Il résulte de l'instruction, et notamment des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, que ces désordres sont imputables à la SAS Agglopole-Provence-Assainissement et la commune de Salon-de-Provence, respectivement à hauteur de 80 % et 20 %. Il suit de là que la commune de Salon-de-Provence est fondée à soutenir qu'elle doit être garantie par la SAS Agglopole-Provence-Assainissement à hauteur de 80 % de la condamnation de 15 000 euros mise solidairement à sa charge.
En ce qui concerne les conclusions de Mme A... à fin d'astreinte :
30. A l'appui de la présente requête, Mme A... demande à la Cour d'assortir l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Marseille d'une astreinte de 200 euros par jour de retard, faute d'avoir réalisé les travaux dans le délai de trois à compter de la notification du jugement du 6 mai 2022, dès le prononcé de l'arrêt à intervenir. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 20, les travaux de reprise ont été réalisés tant par la commune de Salon-de-Provence que par la SAS Agglopole-Provence-Assainissement. Ces conclusions sont ainsi devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions incidentes de la commune de Salon-de-Provence :
31. Pour demander à la Cour d'annuler l'article 1er de du jugement attaqué en tant qu'il lui fait injonction de réaliser les travaux, qui ont d'ailleurs été réalisés entre le 12 juillet et
le 25 juillet 2022, la commune de Salon-de-Provence se borne à remettre en cause le principe de sa responsabilité dans la survenance et la persistance des dommages causés à l'immeuble de Mme A.... Il résulte ainsi des motifs énoncés aux points 5 à 17 que de telles conclusions d'appel incident ne peuvent qu'être rejetées.
32. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu, d'une part, de condamner solidairement la commune de Salon-de-Provence et la SAS Agglopole-Provence-Assainissement à verser à Mme A... la somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice locatif, sous déduction de toute indemnité qui pourrait être accordée, par une décision définitive du juge judiciaire en réparation de ce même préjudice, d'autre part, de condamner la SAS Agglopole-Provence-Assainissement à garantir la commune de Salon-de-Provence à hauteur de 80 % de la condamnation solidaire prononcée à son encontre et, enfin, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a de contraire à ces condamnations
Sur les frais liés au litige :
33. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
34. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge des parties les frais non compris dans les dépens qu'elles ont exposés dans le cadre tant de la première instance que de la présente instance d'appel.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin d'astreinte présentées par Mme A....
Article 2 : La commune de Salon-de-Provence et la SAS Agglopole-Provence-Assainissement sont solidairement condamnées à verser à Mme A... une somme de 15 000 euros en réparation de son préjudice locatif. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 21 juin 2019. Les intérêts échus à la date du 21 juin 2020, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.
Article 3 : Le bénéfice de la condamnation prononcée par l'article 2 du présent arrêt est subordonné à la déduction de toute indemnité accordée par une décision définitive du juge judicaire en vue de réparer le préjudice locatif subi par Mme A... en raison des infiltrations d'eaux dans son local.
Article 4 : La SAS Agglopole-Provence-Assainissement garantira la commune de Salon-de-Provence à hauteur de 80 % de la somme mise à sa charge par l'article 2.
Article 5 : Le jugement n° 1908120 rendu le 6 mai 2022 par le tribunal administratif de Marseille est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 2 à 4.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à la métropole d'Aix-Marseille-Provence, à la commune de Salon-de-Provence et à la société par actions simplifiée (SAS) Agglopole-Provence-Assainissement.
Copie en sera adressée à la cour d'appel d'Aix-en-Provence.
Délibéré après l'audience du 4 juin 2024, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.
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No 22MA01938