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02/07/2024 | FRANCE | N°23MA03073

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 02 juillet 2024, 23MA03073


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou un récépissé portant la mention " vie

privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à in...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... épouse C... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi, d'autre part d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour ou un récépissé portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard et subsidiairement, de procéder au réexamen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler.

Par un jugement n° 2304190 du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, Mme B..., représentée par Me Missana, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 6 décembre 2023 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français du 21 juillet 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou un récépissé de demande d'un tel titre, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard, à défaut un titre de séjour " salarié " ou un récépissé de demande d'un tel titre, et à défaut, une carte de séjour " passeport talent " d'une durée de quatre ans, ou un récépissé de demande de carte de séjour " passeport talent " dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) subsidiairement, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer sa situation et de prendre une nouvelle décision et dans cette attente, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision litigieuse n'a pas été signée par une autorité ayant reçu du préfet délégation à cet effet ;

- cette mesure, rédigée de manière stéréotypée, n'est pas suffisamment motivée au regard de l'article L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la mesure d'éloignement a été prise sans examen réel et sérieux de sa situation personnelle ;

- en considérant, pour décider de son éloignement, qu'elle ne rapporte pas la preuve des violences conjugales dont elle a été l'objet, le préfet a commis une erreur de fait ;

- cette décision est entachée d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 423-1, L. 423-3, L. 423-5, L. 423-23, L. 425-6, L. 425-8, L.421-1, L. 421-3, L. 421-4, L. 421-16 et L. 414-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont elle remplit les conditions ;

- la mesure d'éloignement porte atteinte non seulement à son droit à mener une vie privée et familiale normale en France, dès lors qu'en cas de retour en Algérie, elle serait répudiée par sa famille qui n'accepte pas son divorce, et que résident sur le territoire français sa soeur et son beau-frère, mais encore à son droit à un procès équitable, sa présence en France étant nécessaire à la poursuite de l'instruction pénale, de sa requête en divorce et en ordonnance de protection.

La requête de Mme B... a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit d'observations.

Mme B... a été partiellement admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle par une décision du 23 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Revert.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née en 1993, de nationalité algérienne, s'est mariée en Algérie le 11 novembre 2019 avec un ressortissant français qu'elle a rejoint sur le territoire français le 5 janvier 2021 sous couvert d'un visa délivré le 6 décembre 2020. Les 18 juin 2021 et 11 mars 2022, elle a demandé son admission au séjour en qualité de conjointe de ressortissant français. Mais par un arrêté du 8 juin 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de lui délivrer un titre de séjour, au motif de la rupture de la communauté de vie, l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 8 décembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé cet arrêté et a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois. Par un arrêté du 21 juillet 2023, le préfet lui a de nouveau refusé l'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 6 décembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme B... tendant à l'annulation de cet arrêté pris en toutes ses dispositions et à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour, et à défaut de réexaminer sa situation.

Compte tenu de l'ensemble de son argumentation, Mme B... doit être regardée comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté l'ensemble de ses conclusions dirigées contre l'arrêté du 21 juillet 2023 et de ses conclusions à fin d'injonction.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la légalité externe de l'arrêté en litige :

2. D'une part, par un arrêté du 22 mai 2023, publié au recueil des actes administratifs spécial n° 115-2023 du même jour, le préfet des Alpes-Maritimes a consenti à M. D... E..., chef du bureau de l'éloignement et du contentieux du séjour au sein de la préfecture des Alpes-Maritimes, signataire de l'arrêté en litige, délégation à l'effet de signer, notamment, les décisions d'obligation de quitter le territoire français. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la mesure d'éloignement en litige doit donc être écarté.

3. D'autre part, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de l'arrêté en litige, par adoption des motifs retenus à bon droit et avec suffisamment de précision par les premiers juges, au point 2 de leur jugement.

En ce qui concerne la légalité interne de l'arrêté en litige :

4. En premier lieu, contrairement à ce que soutient l'appelante, il ressort des motifs mêmes de l'arrêté qu'elle attaque que pour refuser de l'admettre au séjour et décider son éloignement, le préfet des Alpes-Maritimes a procédé à un examen réel et personnel de sa situation. Son moyen tiré de l'erreur de droit ne peut donc qu'être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes des stipulations du 2) l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Les dispositions du présent article (...) fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent (...). / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...). / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Ces stipulations régissent de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France et y exercer une activité professionnelle, les règles concernant la nature des titres de séjour qui peuvent leur être délivrés, ainsi que les conditions dans lesquelles leurs conjoints et leurs enfants mineurs peuvent s'installer en France. Si une ressortissante algérienne ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 423-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives au renouvellement du titre de séjour lorsque l'étranger a subi des violences conjugales et que la communauté de vie a été rompue, il appartient au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, compte tenu de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressée, et notamment des violences conjugales alléguées, l'opportunité d'une mesure de régularisation. Il appartient seulement au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation portée sur la situation personnelle de l'intéressée.

6. D'une part, Mme B... ne peut utilement se prévaloir des dispositions des articles L. 423-1, L. 421-3, L. 423-5, L. 423-6, L. 423-8 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que l'accord franco-algérien pose de manière complète les règles concernant la nature des titres de séjour que, du fait de sa nationalité, elle peut solliciter. Il en va également ainsi, pour les mêmes raisons, de ses moyens tirés des dispositions des articles L. 421-1, L. 421-3, L. 421-4, L. 421-13 et L. 421-16 de ce code, alors au surplus qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle aurait sollicité un titre de séjour en une autre qualité que de celle de conjointe d'un ressortissant français, et que le préfet n'a pas examiné son droit au séjour sur le fondement de stipulations de cet accord équivalentes à ces dispositions.

7. D'autre part, il ressort certes des pièces du dossier que Mme B..., entrée en France le 5 janvier 2021 pour rejoindre son époux, a présenté sa demande de titre de séjour le 18 juin 2021 et déposé dès le 24 juin 2021 une main-courante évoquant des " différends familiaux " causés par le refus de son époux de la voir travailler, relayé par les intimidations de sa belle-sœur, contre laquelle elle a déposé une autre main-courante le 28 juin 2021, et qu'elle a présenté en août 2021 une nouvelle main-courante pour avoir été forcée à une relation sexuelle, et une autre en octobre 2021, pour " différends entre époux". Toutefois, sa plainte déposée contre son époux en décembre 2021 a été classée sans suite par le procureur de la République près le tribunal judiciaire de Grasse en raison d'une " infraction insuffisamment caractérisée ".

Il ne ressort en outre pas des pièces du dossier qu'à la date de l'arrêté en litige, la plainte déposée par Mme B... le 28 juin 2022 auprès du doyen des juges d'instruction, et sa demande d'ordonnance de protection au titre de laquelle elle a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 12 décembre 2023, auraient connu une suite favorable. Par ailleurs, il ne ressort ni des attestations de suivi psychologique dont Mme B... bénéficie depuis le 5 juillet 2021, ni des éléments de la procédure de divorce engagée à son initiative, ni des attestations de sa sœur et de collègues de travail, ni enfin des éléments médicaux versés au dossier d'instance et tirés de la procédure pénale engagée par Mme B..., que celle-ci aurait été victime de violences physiques ou psychologiques de la part de son époux. La seule circonstance que sa belle-sœur a pu la griffer aux avant-bras en juin 2021 n'est pas de nature à rendre vraisemblable l'existence de violences conjugales à son encontre. Il en va de même de la circonstance qu'elle a donné un signalement sur la plateforme " arrêtonslesviolences.gouv.fr " en octobre 2021, dans la mesure où elle ne livre aucune indication sur les suites qui y auraient été réservées. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, le préfet des

Alpes-Maritimes aurait commis une erreur de fait quant à la réalité des violences alléguées, et une erreur manifeste dans l'appréciation portée sur sa situation personnelle, sans que puissent y faire obstacle son projet de création d'entreprise de traduction linguistique en France et l'emploi rémunéré qu'elle y exerce depuis août 2021.

8. Enfin, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que Mme B..., qui affirme avoir travaillé en Algérie avant de rejoindre son époux en France, serait isolée et exposée à un quelconque risque familial en cas de retour dans son pays d'origine du fait de la procédure engagée contre son époux, ni en tout état de cause que son retour compromettrait le succès des procédures pénale et civile introduites en France et méconnaîtrait son droit à un procès équitable tiré des stipulations de l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

9. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 21 juillet 2023 et ses conclusions à fin d'injonction. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et les prétentions de son conseil tendant à l'application de

l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... épouse C..., à Me Missana et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 18 juin 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 2 juillet 2024.

N° 23MA030732


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA03073
Date de la décision : 02/07/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MISSANA

Origine de la décision
Date de l'import : 14/07/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-07-02;23ma03073 ?
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