Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Bastia de condamner la société Orange à lui verser la somme de 400 000 euros, assortie des intérêts au taux légal courant depuis la réception de sa demande préalable et de leur capitalisation, en réparation des préjudices subis du fait de la gestion de sa carrière.
Par un jugement n° 2100195 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juillet 2023 et 24 janvier 2024, ainsi qu'un mémoire enregistré le 23 mai 2024 mais non communiqué, M. B..., représenté par Me Giansily, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de la société Orange une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- une décision préalable de rejet implicite de sa demande est intervenue le 5 mars 2022, si bien que sa demande est recevable ;
- il n'a jamais obtenu de promotion malgré ses bonnes évaluations, la réalisation d'un long intérim sur un poste supérieur et ses candidatures ;
- les accords salariaux, qui prévoient que tout agent doit normalement avoir une telle possibilité et qui s'appliquent bien aux fonctionnaires, ont été méconnus ;
- la gestion de sa carrière a été défaillante, il n'a d'ailleurs pas eu d'entretiens professionnels chaque année ;
- aucun autre agent n'a été bloqué dans sa carrière de la même manière ; la société n'établit pas l'inverse et au moins un autre agent dans une situation similaire, ayant réalisé un intérim de six mois seulement, a obtenu la promotion souhaitée ;
- son préjudice est égal à la minoration de son traitement, de ses primes et de sa pension de retraite ; les troubles dans ses conditions d'existence doivent également être réparés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2023, la société Orange, représentée par Me Aversano, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le contentieux n'a pas fait l'objet de liaison préalable ;
- la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990 ;
- le décret n° 93-514 du 25 mars 1993 ;
- le décret n° 2004-767 du 29 juillet 2004 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Aversano, représentant la société Orange.
Une note en délibéré, présentée pour M. B..., a été enregistrée le 10 septembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., après sa réussite à un concours de recrutement externe, a été titularisé dans le grade d'inspecteur des services d'exploitation de France Telecom le 1er juin 1983. A compter du 1er mai 1996, et dans le cadre de la réforme des classifications du personnel des postes et télécommunications, il a été nommé dans le corps des cadres, au grade de second niveau, appelant l'exercice de fonctions de niveau " III. 3 ". Exerçant en dernier lieu les fonctions de " responsable sites sécurités services aux occupants " au sein de la société Orange, il a fait valoir ses droits à la retraite au cours du mois de novembre 2023 sans avoir intégré le corps des cadres supérieurs, correspondant à l'exercice de fonctions de niveau " IV.1 ", immédiatement supérieures. Estimant que son employeur a été défaillant dans la gestion de sa carrière, il relève appel du jugement du tribunal administratif de Bastia du 11 mai 2023 ayant rejeté sa demande tendant à ce que la société Orange soit condamnée à lui verser une somme de 400 000 euros en réparation des préjudices qu'il soutient avoir subis de ce fait.
2. En premier lieu, le décret du 29 juillet 2004, relatif aux dispositions statutaires applicables au corps des cadres supérieurs de France Télécom, qui n'a à cet égard pas significativement fait évoluer les règles fixées par le décret précédent du 25 mars 1993, prévoit que l'accès au corps des cadres supérieurs de premier niveau de France Télécom se fait soit par concours, soit par examen professionnel. Si l'accord cadre général de la réforme des classifications du personnel des postes et télécommunications du 9 juillet 1990 retient le principe selon lequel " tout agent doit normalement avoir la possibilité de progresser au minimum d'un niveau de fonctions durant sa carrière ", il ne résulte pas de la fixation de cet objectif que chaque agent aurait un droit à progresser d'au moins un niveau durant sa carrière. Le titre III de l'accord du 9 janvier 1997, relatif à la politique promotionnelle de France Télécom, a d'ailleurs ainsi explicitement prévu l'hypothèse des agents " ayant au minimum 25 ans de services dans le poste ou 50 ans révolus et qui n'auraient pas changé de niveau au cours de leur vie professionnelle ", en leur réservant " une indemnité correspondant au gain moyen (15 points) de promotion ". M. B..., d'une part, ne prétend pas avoir été privé de la possibilité de se présenter aux concours et examens professionnels permettant l'accès au corps supérieur correspondant à l'exercice de fonctions de niveau " IV.1 ", d'autre part, a bénéficié de ladite indemnité, fût-ce au terme d'un rattrapage. Dès lors, il ne saurait en tout état de cause soutenir que son employeur n'aurait pas respecté ces accords en ce qui le concerne.
3. En deuxième lieu, si M. B... fait valoir que son dossier administratif ne contient pas le compte rendu de tous ses entretiens professionnels, il ne résulte de ce seul fait ni qu'il n'aurait pas eu chaque année un tel entretien, ce qu'il n'a jamais allégué avant l'instance d'appel, ni que son employeur aurait été défaillant dans la gestion de sa carrière.
4. En troisième lieu, le principe d'égalité n'implique pas que des personnes placées dans des situations différentes soient traitées de manière identique. Si M. B... soutient qu'alors qu'il a toujours eu de bonnes évaluations professionnelles et qu'il a assuré, durant une assez longue période, l'intérim de fonctions de niveau " IV. 1 ", il est le seul de ses collègues à n'avoir pas bénéficié d'une évolution de niveau de fonctions durant sa carrière, d'une part, il ne donne aucune indication quant aux diverses candidatures qu'il aurait faites à des fonctions supérieures, mises à part une première, spontanée, en 2012, et une seconde en 2020, d'autre part, il se borne à énoncer le cas d'un seul collègue dont il indique qu'il aurait été nommé sur de telles fonctions de niveau " IV.1 ". S'il ne lui appartient effectivement pas d'apporter la preuve des faits qu'il avance, alors qu'ainsi qu'il le soutient il n'a pas accès au dossier de ses collègues, ces allégations demeurent en l'espèce insuffisamment étayées. Elles doivent dès lors être écartées.
5. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la société Orange, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bastia a, par le jugement attaqué, rejeté sa demande.
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la société Orange qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la société Orange sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la société Orange au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la société Orange.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Marchessaux, première conseillère,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 septembre 2024.
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N° 23MA01762
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