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04/10/2024 | FRANCE | N°24MA00150

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 04 octobre 2024, 24MA00150


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





Mme C... D... épouse A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.





Par un jugement n° 2305173 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.





Procédure devant la Cour :





Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, Mme D..., représentée par Me Hmad, dem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler l'arrêté du 17 octobre 2023 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté sa demande de titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de sa destination.

Par un jugement n° 2305173 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 22 janvier 2024, Mme D..., représentée par Me Hmad, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Nice du 19 décembre 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la décision à intervenir ; et subsidiairement de procéder à un nouvel examen de sa situation et de lui délivrer dans tous les cas une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, elle exerce bien une activité professionnelle et sa vie de famille ne peut se poursuivre hors de France ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen attentif de sa situation personnelle ;

- il est entaché d'une erreur de fait dès lors qu'elle a sollicité son admission au séjour sur le fondement de l'article L 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet des Alpes-Maritimes, à qui la procédure a été communiquée, n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chenal-Peter,

- et les observations de Me Hmad, représentant Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., de nationalité tunisienne, née le 25 janvier 1984, demande l'annulation du jugement du 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa requête dirigée contre l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2023 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de sa destination.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

3. Mme D..., entrée sur le territoire français le 30 janvier 2019 munie d'un visa Schengen de type C, a contracté un mariage le 27 juin 2020 avec un ressortissant de nationalité tunisienne titulaire d'une carte de résident. Il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement du tribunal de grande instance de Nice du 24 octobre 2018, que ce dernier est le père de deux filles nées à Nice en 2009 et 2015, qui résident à Vallauris avec leur mère, ressortissante de nationalité marocaine. Si ses belles-filles résident habituellement chez leur mère, son époux, qui est titulaire de l'autorité parentale, exerce un droit de visite et d'hébergement durant la moitié des vacances scolaires et à raison d'un week-end sur deux en période scolaire, et verse au surplus une somme mensuelle de 150 euros pour chacune de ses filles au titre de la contribution à leur entretien. Dès lors, son époux a fixé le centre de ses intérêts privés et familiaux en France et a vocation à demeurer sur le territoire. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier et notamment des pièces médicales produites que le couple s'est engagé dans un processus de procréation médicalement assistée depuis le début de l'année 2023. Dans ces conditions, eu égard aux liens significatifs de son époux sur le territoire, ainsi qu'à l'ancienneté, la stabilité et l'intensité de leur union, la requérante est fondée à soutenir que l'arrêté attaqué a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été pris. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être accueilli.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. L'exécution du présent arrêt implique nécessairement, compte tenu du motif d'annulation retenu, et en l'absence de changement de circonstances de droit ou de fait, que le préfet des Alpes-Maritimes délivre à l'intéressée un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Il y a lieu d'enjoindre au préfet de procéder à cette délivrance dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente, de remettre à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés au litige :

6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme D... de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2305173 du 19 décembre 2023 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 17 octobre 2023 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de délivrer à Mme D... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir dans cette attente d'une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Mme D... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme C... D... épouse A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 4 octobre 2024.

2

N° 24MA00150

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00150
Date de la décision : 04/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Anne-Laure CHENAL-PETER
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : HMAD

Origine de la décision
Date de l'import : 13/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-04;24ma00150 ?
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