Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 12 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai, d'autre part, d'enjoindre audit préfet de lui délivrer une attestation de demande d'asile jusqu'à l'intervention d'une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ou de la Cour nationale du droit d'asile et, dans l'attente, de lui délivrer un document provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter de la notification du jugement à intervenir et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros au titre des frais d'instance.
Par un jugement n° 2206051 du 31 janvier 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 11 août 2023, M. A..., représenté par Me Oloumi, demande à la Cour :
1°) de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler ce jugement de la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice du 31 janvier 2023 ;
3°) d'annuler cet arrêté préfectoral du 12 décembre 2022 ;
4°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente, un document provisoire de séjour l'autorisant à travailler, dans les huit jours suivant cette même notification, ou, à défaut, de réexaminer son droit au séjour et de lui délivrer, dans l'attente d'une nouvelle décision, un document provisoire de séjour l'autorisant à travailler dès la notification de l'arrêt à intervenir et pendant toute la durée de ce réexamen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, la somme de 2 500 euros à verser à son conseil, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme allouée par l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle ou, en cas d'absence ou de retrait du bénéfice de cette aide juridictionnelle, à lui verser directement.
Il soutient que :
Sur la recevabilité de sa requête :
- sa requête n'est pas tardive ;
- dans le cas où la Cour souhaiterait rejeter par ordonnance de tri la présente requête, il lui est demandé d'informer " la partie " et de la mettre en demeure de produire ses écritures et pièces ;
Sur la critique du jugement attaqué :
- en jugeant que la décision portant obligation de quitter le territoire français ne portait pas une atteinte manifestement disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale, le premier juge a commis des erreurs de fait et de droit, et il a dénaturé les faits de l'espèce ;
- les affirmations selon lesquelles il serait défavorablement connu des services de police sont manifestement tirées d'une consultation irrégulière du fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) par le préfet des Alpes-Maritimes ; dans ces conditions, le jugement attaqué est entaché d'erreurs de fait justifiant son infirmation ;
- contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, l'arrêté préfectoral contesté a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur l'illégalité de l'arrêté préfectoral contesté :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et celles de l'article 33 de la convention de Genève ;
- la décision fixant le pays de renvoi est entachée d'une insuffisante motivation " sinon d'erreur manifeste d'appréciation et de droit ".
La requête a été communiquée au préfet des Alpes-Maritimes qui n'a pas produit de mémoire.
Par une ordonnance du 29 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 mai 2024, à 12 heures.
Si, en application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, la Cour a invité, le 17 juin 2024, le conseil de M. A... à lui indiquer s'il avait été fait droit à la dernière demande d'asile présentée par ce dernier, aucune réponse n'a été apportée à cette demande.
Par une décision du 28 juin 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Par une décision du 29 septembre 2023, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a refusé d'admettre M. A... au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Par une décision du 28 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a constaté la caducité de la nouvelle demande d'aide juridictionnelle présentée par M. A....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lombart a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 12 décembre 2022, le préfet des Alpes-Maritimes a fait obligation à M. A..., né le 10 novembre 1994 et de nationalité russe, de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être éloigné à l'issue de ce délai. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 31 janvier 2023 par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de cet arrêté.
Sur l'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Par les décisions susvisées des 30 juin et 29 septembre 2023, et du 28 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille a statué sur les demandes successives présentées par M. A.... Il n'y a dès lors pas lieu, pour la Cour, de statuer sur la demande d'admission à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle que ce dernier présente dans ses écritures.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les moyens communs aux décisions contestées :
3. En premier lieu, eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision du premier juge et, d'autre part, sur le litige qui a été porté devant lui, les moyens tirés de ce que la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice aurait commis des erreurs de droit et de fait et de ce qu'elle aurait dénaturé les faits de l'espèce sont inopérants. Pour ce motif, ils ne peuvent qu'être écartés.
4. En second lieu, M. A... soutient que lorsque, pour édicter une décision individuelle défavorable, un préfet " se réfère " au fichier dénommé " traitement des antécédents judiciaires " (TAJ), il est tenu de démontrer avoir préalablement saisi les services de police et du Parquet pour obtenir des informations complémentaires sur les suites judiciaires correspondant aux mentions inscrites dans ce fichier et qu'à défaut, la procédure est entachée d'illégalité. Toutefois, si, en l'espèce, dans son arrêté contesté, le préfet des Alpes-Maritimes reproche à M. A... d'être défavorablement connu des services de police, il est constant que le représentant de l'Etat ne se réfère pas au fichier TAJ et il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait obtenu cette information suite à une consultation des données personnelles de l'intéressé figurant dans ce fichier. Il s'ensuit que ce moyen tiré de l'irrégularité de la procédure en raison d'une consultation irrégulière dudit fichier doit être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
5. L'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule que : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "
6. M. A... soutient être entré sur le territoire français le 25 février 2010, à l'âge de seize ans avec ses parents et ses cinq frères et sœurs pour fuir " les persécutions qu'il a subi[es] dans son pays d'origine ". Il indique y résider habituellement depuis. Il ressort toutefois des pièces du dossier que l'appelant ne doit ce maintien qu'aux nombreuses demandes d'asile et de réexamen de celles-ci qu'il a déposées et à la circonstance qu'il n'a pas déféré aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet par des arrêtés du préfet des Alpes-Maritimes des 30 août 2017 et 4 juillet 2022 et ce alors même que leur légalité a été confirmée, respectivement par un jugement nos 1705223, 1705224, 1705357, 1705286, 1705418 du tribunal administratif de Nice du 15 juin 2018, puis par un arrêt n° 19MA00198 du 14 octobre 2019 de la Cour, et par un jugement n° 2205608 du tribunal administratif de Nice du 25 mai 2023. Par ailleurs, alors même que la situation de ses parents et de ses frères et sœurs a été très récemment régularisée, notamment suite à des jugements rendus le 3 mai 2023 par le tribunal administratif de Nice, M. A..., qui se borne, ainsi qu'il a été vu plus haut, à invoquer une consultation irrégulière du fichier TAJ, ne conteste pas les mentions de l'arrêté préfectoral litigieux selon lesquelles il est défavorablement connu des services de police pour des faits de violence, en 2014, dans un moyen de transport collectif de voyageur, pour des faits de violence commis en réunion, en 2017, pour exécution d'un travail dissimulé en 2021, pour le port sans motif légitime d'arme blanche ou incapacitante de catégorie D, ainsi que pour prise du nom d'un tiers. En outre, M. A... ne se prévaut d'aucune intégration à la société française. En se bornant à produire une promesse d'embauche du 9 août 2021 et quelques bulletins de paie de 2021 et 2022,
il n'établit pas une insertion professionnelle durable et ancienne en France. Il est célibataire et sans enfant. Enfin, M. A... n'établit pas être dépourvu de toute attache familiale dans son pays d'origine. Au contraire, dans sa dernière demande de réexamen au titre de l'asile, il évoque
lui-même " [s]es proches vivant au pays ". Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le préfet des Alpes-Maritimes n'a pas porté au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris son arrêté litigieux.
Le représentant de l'Etat n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Ce moyen doit dès lors être écarté.
En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :
7. En premier lieu, après avoir visé l'article 33 de la convention relative au statut des réfugiés du 28 juillet 1951, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et avoir rappelé que les trois demandes de M. A... tendant au réexamen de sa demande d'asile des 12 janvier 2015, 24 juin 2016 et 3 mars 2020 ont été rejetées par des décisions définitives de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), le préfet des Alpes-Maritimes indique, dans son arrêté contesté, que les risques dont il fait état en cas de retour dans son pays d'origine ne sont pas avérés. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté doit être écarté. Par ailleurs, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision ait été prise sans qu'il ait été procédé à l'examen de la situation personnelle de l'intéressé. A supposer ce moyen soulevé, il doit être également écarté.
8. En second lieu, selon l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés : " 1. Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques (...) ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " Cet article 3 stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. "
9. Il résulte de ces dispositions que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la Cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments.
10. En l'espèce, M. A... soutient avoir été destinataire d'une convocation militaire pour servir sous drapeau russe en Ukraine, qu'une telle incorporation l'amènerait à accomplir des actes meurtriers et que s'il venait à déserter, il s'exposerait à une peine pouvant aller jusqu'à dix ans de prison en Russie où les violations des droits humains y sont courantes. Toutefois, l'appelant, qui ne produit même pas cette convocation, ne verse aux débats aucune pièce de nature à démontrer le bien-fondé de ses allégations et, par suite, à établir qu'en cas de retour dans son pays d'origine, il y serait personnellement exposé à des risques réels pour sa vie ou à des traitements inhumains ou dégradants. Par conséquent, et alors qu'au demeurant, les demandes d'asile et de réexamen qu'il a présentées ont toutes été rejetées par le directeur général de l'OFPRA et par la Cour nationale du droit d'asile, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations et dispositions citées au point 8 du présent arrêt, tout comme celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des
Alpes-Maritimes du 12 décembre 2022. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions accessoires à fin d'injonction ainsi que ses prétentions relatives aux frais d'instance.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. A... tendant à son admission à l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 octobre 2024.
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No 23MA02120