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18/10/2024 | FRANCE | N°24MA00346

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 18 octobre 2024, 24MA00346


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SARL Pefil a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 214 518 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés pour l'investissement en Corse prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.



Par un jugement n° 1900228 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions de la requête en tant qu'elles portaien

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL Pefil a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution d'une somme de 214 518 euros afférente à un crédit d'impôt sur les sociétés pour l'investissement en Corse prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Par un jugement n° 1900228 du 22 octobre 2020, le tribunal administratif de Bastia a rejeté les conclusions de la requête en tant qu'elles portaient sur les investissements réalisés au titre de l'épicerie et du bar-brasserie, et, s'agissant des conclusions portant sur les investissements réalisés au titre du restaurant " la ferme ", a procédé à un supplément d'instruction aux fins de communication par la SARL Pefil du plan des locaux du restaurant " la ferme ", ainsi que des factures détaillées correspondant aux travaux réalisés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017.

Par un second jugement n° 1900228 du 1er juillet 2021, le tribunal administratif de Bastia a rejeté le surplus des conclusions de sa requête portant sur les investissements réalisés au titre du restaurant " la ferme ".

Par un arrêt n° 21MA03619, 21MA03620 du 6 janvier 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société Pefil contre ces jugements.

Par une décision n° 471939 du 13 février 2024, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt de la Cour du 6 janvier 2023 en tant qu'il s'est prononcé sur les travaux réalisés sur les terrasses du bar-brasserie et du restaurant et a renvoyé l'affaire, dans cette mesure, à la Cour.

Procédure devant la Cour après renvoi du Conseil d'Etat :

Par mémoires enregistrés les 18 mars 2024 et 27 août 2024, la SARL Pefil, représentée par Maîtres Gaillot-Bartoli et Calen, doit être regardée comme demandant à la Cour dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler les jugements du tribunal administratif de Bastia en date du 22 octobre 2020 et 1er juillet 2021 en tant qu'ils ont exclu les dépenses afférentes aux terrasses extérieures du bar-brasserie et du restaurant " la ferme de Cavallo " ;

2°) de lui accorder une restitution de crédit d'impôt d'un montant de 140 964 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient qu'à la suite de la décision du Conseil d'Etat, l'ensemble des dépenses afférentes aux terrasses extérieures du bar-brasserie et du restaurant, précisément listées, doivent bénéficier d'un crédit d'impôt.

Par mémoires en défense enregistrés les 23 avril 2024 et 4 septembre 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête de la SARL Pefil.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le livre des procédures fiscales ;

- le code général des impôts ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pefil, qui exploite depuis 2017, sur l'île de Cavallo (Corse-du-Sud), une épicerie, un bar-brasserie et un restaurant, a demandé, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, à bénéficier du crédit d'impôt prévu par l'article 244 quater E du code général des impôts en faveur de l'investissement productif en Corse, à raison des investissements qu'elle avait réalisés pour un montant total de 1 123 814 euros. L'administration fiscale a rejeté l'éligibilité au crédit d'impôt de ces investissements, à hauteur d'un montant de 715 059 euros. La société Pefil a demandé au tribunal administratif de Bastia de prononcer la restitution, au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2017, de la somme de 214 518 euros correspondant au crédit d'impôt refusé par l'administration fiscale. Par deux jugements du 22 octobre 2020 et du 1er juillet 2021, ce tribunal a rejeté sa demande. Par un arrêt en date du 6 janvier 2023, la Cour a rejeté les appels formés par la SARL Pefil contre ces jugements. Par une décision n° 471939 du 13 février 2024, le Conseil d'Etat a, par son article 1er, annulé l'arrêt précité de la Cour en tant qu'il s'est prononcé sur les travaux réalisés sur les terrasses du bar-brasserie et du restaurant, rejeté le surplus des conclusions présentées par la société au titre des biens d'équipements amortissables selon le mode dégressif, des meubles meublants et des travaux réalisés dans la partie intérieure du restaurant et a renvoyé l'affaire, dans la mesure de la cassation prononcée par l'article 1er, à la Cour.

Sur le bien-fondé des jugements :

2. Aux termes de l'article 244 quater E du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " I. - 1° Les petites et moyennes entreprises relevant d'un régime réel d'imposition peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des investissements, autres que de remplacement, (...), réalisés jusqu'au 31 décembre 2020 et exploités en Corse pour les besoins d'une activité (...) commerciale (...). / 3° Le crédit d'impôt prévu au 1° est égal à 20 % du prix de revient hors taxes : / a. Des biens d'équipement amortissables selon le mode dégressif en vertu des 1 et 2 de l'article 39 A et des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle créés ou acquis à l'état neuf ;(...) ".

3. Il ne résulte pas des dispositions précitées que le législateur ait entendu exclure du champ des " agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle " ouvrant droit au crédit d'impôt les investissements réalisés au titre de surfaces commerciales non couvertes, telles les terrasses de restaurant. Par suite, les dépenses d'agencements et installations supportées par la SARL Pefil au titre des terrasses, d'une part, du bar-brasserie et, d'autre part, du restaurant doivent être prises en compte dans l'assiette du calcul du crédit d'impôt dont elle est fondée à bénéficier.

4. En premier lieu, ainsi que l'a jugé le Conseil d'Etat par sa décision du 13 février 2024, qui a confirmé l'arrêt de la Cour sur ce point, les travaux afférents à la salle intérieure du restaurant, dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle serait habituellement ouverte à la clientèle, ne sont pas éligibles au crédit d'impôt. Par suite, les dépenses relatives aux travaux entrepris à l'intérieur du bar ou du restaurant telles que la fourniture et la pose d'un meuble-bar, la plomberie, électricité et climatisation du restaurant (facture Perrino du 31 décembre 2017), l'évier et le plan de travail (facture Doria Graniti du 11 juillet 2017) ne sont plus en litige.

5. En deuxième lieu, les travaux afférents à l'installation de poteaux (facture Voile du Sud du 20 juillet 2017 n° FA00351), au socle pour mat de toile y compris démolition et évacuation, à la démolition globale avec reprise en sous-œuvre du rez-de-chaussée du bâtiment (facture Perrino du 31 décembre 2017), à la réalisation d'un barbecue avec dallage, à la réalisation d'une pergola avec garde-corps et au transport de celle-ci, et à la démolition intérieure et extérieure (Devis Edel France du 19 juillet 2017) représentent des travaux de rénovation de gros œuvre et ne peuvent être regardés comme constitutifs d'agencements ou d'installations au sens des dispositions précitées du a du 3° de l'article 244 quater E précité du code général des impôts. Par suite, les dépenses qui se rapportent à ces travaux ne sont pas éligibles au crédit d'impôt.

6. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que le législateur a entendu réserver le bénéfice des dispositions de l'article 244 quater E du code général des impôts aux investissements attestant de la pérennité de la localisation de l'activité sur le territoire corse, tels les agencements et installations des locaux commerciaux mentionnés au a du 3° du I de ces dispositions, lesquels ne peuvent s'entendre que des éléments destinés à mettre les locaux commerciaux en état d'utilisation et faisant corps avec eux, et en exclure les biens meubles autres que les biens d'équipements amortissables selon le mode dégressif.

7. Il résulte de l'instruction que les équipements de sonorisation (enceintes et amplificateurs), ainsi que les jardinières et le barbecue avec grille en acier inoxydable dont la SARL Pefil a fait l'acquisition, destinés à équiper les terrasses du bar-brasserie et du restaurant, qui sont mobiles, ne sauraient être regardés comme destinés à mettre les locaux commerciaux en état d'utilisation et faisant corps avec eux. Il en va de même des frais de plantations engagés pour la réalisation d'un potager ainsi que des frais afférents à l'emploi d'un container de stockage. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que ces équipements constitueraient des agencements et installations de locaux commerciaux habituellement ouverts à la clientèle, éligibles au crédit d'impôt pour investissements en Corse.

8. En quatrième lieu, en revanche, les travaux afférents aux voiles d'ombrage de la terrasse du bar-brasserie, en ce compris les poteaux et accastillage, pour un montant de 14 099 euros, qui font corps avec ladite terrasse et sont nécessaires à l'accueil de la clientèle ainsi que les travaux de fourniture et pose de revêtement extérieur et de réalisation d'une terrasse en bois pour un montant de 77 843 euros doivent être regardés comme des agencements et installations au sens des dispositions précitées ouvrant droit au bénéfice du crédit d'impôt. De même, entrent, pour les mêmes motifs, dans cette catégorie, les travaux de mise en lumière des terrasses de la brasserie, d'une part, réalisés pour un montant de 12 225 euros (facture Structures du 6 juin 2017 n° 170114) et du restaurant, d'autre part, réalisés pour les montants respectifs de 9 458 euros (facture Structures du 26 mai 2017 n° 170109), et 1 173 euros (facture Structures du 12 juillet 2017 n° 170120), à l'exclusion toutefois des frais de déplacement et des " forfaits journée " qui ne peuvent, en revanche, donner lieu à crédit d'impôt (facture Structures du 6 juin 2017 n° 170115).

9. Il suit de là que la SARL Pefil est fondée à demander que la base de calcul du crédit d'impôt auquel elle a droit soit augmentée de 114 798 euros et à prétendre, par suite, à la restitution d'un crédit d'impôt d'un montant de 34 439 euros (114 798 X 30 %). Il y a lieu, par suite, d'annuler, dans cette mesure, les jugements attaqués.

Sur les frais d'instance :

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à la SARL Pefil en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1900228 du tribunal administratif de Bastia du 22 octobre 2020 est annulé en tant qu'il a exclu des dépenses éligibles au crédit d'impôt, d'une part, les voiles d'ombrage, d'autre part, les travaux de revêtement et réalisation d'une terrasse en bois et enfin, les travaux de mise en lumière afférents à la terrasse extérieure du bar-brasserie.

Article 2 : Le jugement n° 1900228 du tribunal administratif de Bastia 1er juillet 2021 est annulé en tant qu'il a exclu des dépenses éligibles au crédit d'impôt les travaux de mise en lumière afférents au restaurant " la ferme de Cavallo ".

Article 3 : Un crédit d'impôt d'un montant de 34 439 euros est accordé à la SARL Pefil.

Article 4 : L'Etat versera à la SARL Pefil la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la SARL Pefil est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Pefil et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Une copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 octobre 2024.

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bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00346
Date de la décision : 18/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-09 Contributions et taxes. - Incitations fiscales à l'investissement.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : GAILLOT-BARTOLI

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-18;24ma00346 ?
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