Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires l'a placé en retraite d'office à compter du 1er janvier 2019 et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par une ordonnance n° 2200201 du 10 juillet 2024, la présidente du tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. C....
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 2 septembre 2024, M. C..., représenté par Me Caporossi-Poletti, demande à la Cour :
1°) d'annuler l'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Bastia du 10 juillet 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2021 par lequel le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires l'a placé d'office à la retraite à compter du 1er janvier 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de le condamner aux entiers dépens.
Il soutient que :
- l'arrêté en litige du 6 décembre 2021, en ce qu'il est identique à l'arrêté de mise à la retraite d'office du 19 février 2019, est contraire au jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du 19 février 2019 ;
- il est irrégulièrement rétroactif ;
- il est nul et non avenu, faute pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de le lui avoir notifié par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception postérieurement à la date d'effet de mise à la retraite.
Par une lettre du 6 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen relevé d'office tiré de ce que " les conditions d'application de l'article R 222-1 du code de justice administrative n'étant pas réunies, dès lors qu'au moins un moyen non inopérant a été invoqué en première instance par le demandeur, l'ordonnance attaquée a été prise par une autorité incompétente ".
Par un courrier en réponse au moyen d'ordre public enregistré le 9 septembre 2024 et communiquées le même jour, M. C..., représenté par Me Caporossi-Poletti, soutient que l'ordonnance est également irrégulière, dans la mesure où elle a été prise avant la date de clôture de l'instruction.
Par un mémoire, enregistré le 2 octobre 2024 et non communiqué, le ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat, et de la prévention des risques, conclut au rejet de la requête.
Il soutient :
- qu'il n'a pas d'observations à faire sur la communication qui lui a été faite d'un moyen d'ordre public ;
- que si la Cour entend évoquer l'affaire, il se réfère à son mémoire de première instance.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Marcovici,
- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., né le 14 mars 1957, a été nommé dans le corps des syndics des gens de mer le 18 mars 1984. Il relevait de la spécialité " navigation et sécurité ". Il a sollicité le 22 janvier 2018 l'attribution d'une allocation spécifique de cessation anticipée d'activité en application du décret n° 2013-435 du 27 mai 2013 et a bénéficié de cette allocation à compter du 1er juillet 2018. Par un arrêté du 19 février 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire a placé M. C... à la retraite d'office pour limite d'âge à compter du 1er janvier 2019. Par un jugement n° 1900944 du 6 mai 2021, le tribunal administratif de Bastia a annulé cet arrêté. Par un nouvel arrêté du 19 février 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire a de nouveau placé M. C... à la retraite d'office pour limite d'âge à compter du 1er janvier 2019. M. C... relève appel de l'ordonnance n° 2200201 du 10 juillet 2024 par laquelle la présidente du tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2019.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée de la présidente du tribunal administratif de Bastia du 10 juillet 2024 :
2. En premier lieu, l'article R. 222-1 du code de justice administrative dispose que : " (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : / (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. (...) ".
3. A l'appui de sa demande présentée par ministère d'avocat devant le tribunal administratif de Bastia M. C... a soutenu que l'arrêté en litige est nul et non avenu, faute pour le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires de le lui avoir notifié par l'envoi d'une lettre recommandée avec accusé de réception postérieurement à la date d'effet de mise à la retraite. Ce moyen, qui est assorti de faits susceptibles de venir à son soutien, n'était pas dépourvu des précisions nécessaires à l'appréciation de son bien-fondé. Par ailleurs,
M. C... a également soutenu que l'arrêté ministériel en litige du 6 décembre 2021, en ce qu'il est identique à l'arrêté de mise à la retraite d'office du 19 février 2019, est contraire au jugement du 6 mai 2021 par lequel le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du
19 février 2019. L'ordonnance attaquée ne comporte, ni dans ses visas, ni dans ses motifs, l'analyse de ce moyen tiré de la méconnaissance de l'autorité de la chose jugée qui n'est pas inopérant. Enfin, le requérant ne pouvait qu'être regardé comme invoquant la non rétroactivité des actes administratifs, moyen qui n'a à être assorti que de la mention des actes en cause, ce que le mémoire introductif d'instance avait bien mentionné. Par suite, la présidente du tribunal administratif de Bastia ne pouvait, sans excéder sa compétence, se fonder sur les dispositions précitées du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative pour rejeter la demande présentée par M. C... (A..., n° 426680, 14 octobre 2020, Mme D...).
4. En second lieu, l'article R. 613-1 du même code dispose que : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close. Cette ordonnance n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours ".
5. Les informations données en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, dont la communication aux parties au litige n'implique pas nécessairement que la requête ne puisse pas faire l'objet d'une ordonnance prise sur le fondement de l'article R. 222-1 de ce code, peuvent être modifiées dans le cours de l'instruction sous réserve de l'être explicitement et dans des délais compatibles avec les exigences du caractère contradictoire de la procédure (CE, 1er avril 2019, n°417927, B, M. B...).
6. Il ressort des pièces du dossier que, sur le fondement des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, la clôture de l'instruction du recours formé devant le tribunal administratif de Bastia par M. C... a été fixée au 15 juillet 2024 à 12 heures par une ordonnance du 30 mai 2024 notifiée aux parties le lendemain 31 mai. Toutefois, c'est par une ordonnance du 10 juillet 2024, que la présidente du tribunal administratif de Bastia a rejeté la demande de M. C....
7. La présidente du tribunal administratif de Bastia ne pouvait, après avoir fixé la date de clôture de l'instruction au 15 juillet 2024, statuer sur la demande de M. C... dès le 10 juillet 2024 sans méconnaître le principe du caractère contradictoire de la procédure. Cette méconnaissance a préjudicié aux droits de M. C..., qui a été privé de la possibilité de répliquer au mémoire en défense enregistré le 29 mai 2024. Par suite, celui-ci est fondé à soutenir que l'ordonnance attaquée est entachée d'une autre irrégularité.
8. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que le tribunal administratif de Bastia a entaché l'ordonnance attaquée d'irrégularités en rejetant sa demande comme irrecevable. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire devant le tribunal administratif de Bastia.
Sur les dépens :
9. La présente instance n'a pas donné lieu à dépens au sens des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions de M. C... tendant à ce que les entiers dépens soient mis à la charge de l'Etat ne peuvent donc qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par M. C... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance de la présidente du tribunal administratif de Bastia du 10 juillet 2024 est annulée.
Article 2 : L'Etat versera une somme de 1 500 euros à M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Bastia.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.
Délibéré après l'audience du 15 octobre 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Martin, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 5 novembre 2024.
N° 24MA02304 2