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19/11/2024 | FRANCE | N°24MA00679

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 19 novembre 2024, 24MA00679


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la déci

sion à intervenir.



Par un jugement n° 2307962 du 4 décembre 2023, le tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 25 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, et d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois à compter de la date de notification de la décision à intervenir.

Par un jugement n° 2307962 du 4 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédures devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 18 mars 2024 sous le n°24MA00679, M. B..., représenté par Me Ibrahim, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 4 décembre 2023 ;

2°) d'annuler cet arrêté du 25 avril 2023 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Ibrahim qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la somme contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté en litige a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et s'avère entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, puisqu'il a transféré en France depuis 2019 sa communauté de vie avec son épouse titulaire d'une carte de séjour

depuis 2016, valable jusqu'en 2032, auprès de laquelle sa présence est indispensable compte tenu de son état de santé, alors qu'un regroupement familial est inenvisageable et qu'il dispose d'un contrat saisonnier susceptible d'être transformé en contrat à durée indéterminée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 février 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

II - Par une requête, enregistrée le 18 mars 2024, sous le n° 24MA00680, M. B..., représenté par Me Ibrahim, demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 2307962 rendu le 4 décembre 2023 par le tribunal administratif de Marseille ;

2°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à verser à Me Ibrahim qui s'engage dans ce cas à renoncer à percevoir la somme contributive de l'État au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'exécution du jugement, en ce qu'elle rend possible la mise en œuvre de la mesure d'éloignement, est susceptible d'avoir pour lui des conséquences difficilement réparables ;

- les moyens d'annulation présentés dans sa requête d'appel sont sérieux.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mars 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens qui y sont développés ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- et les observations de Me Ibrahim, représentant M. B..., et de M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., né en 1978 et de nationalité tunisienne, a sollicité le 27 septembre 2022 la délivrance d'un titre de séjour. Mais par un arrêté du 25 avril 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 4 décembre 2023, dont M. B... relève appel par sa requête n° 24MA00679 et demande le sursis à exécution par sa requête

n° 24MA00680, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

3. Il ressort des pièces du dossier, notamment des avis d'échéance et de quittances de loyers établis à la même adresse pour la période de mars 2019 à avril 2023, que M. B..., entré en France en février 2019 sous couvert d'un visa Schengen, mène vie commune avec sa conjointe qu'il a épousée en Tunisie le 17 mai 2016, qui est titulaire d'une carte de résidence valable jusqu'en 2032 et dont l'état d'invalidité, qui explique la non-perception de ressources autres que des allocations sociales, requiert la présence et l'aide quotidiennes de l'intéressé. Ainsi, alors même que M. B... pourrait bénéficier du regroupement familial, l'arrêté en litige porte une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale normale en France, et doit pour cette raison être annulé. Il y a donc lieu d'annuler le jugement attaqué et cet arrêté.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

4. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

5. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation du requérant se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté en litige, la délivrance à M. B... d'un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre dans le délai de

deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.

Sur la demande de sursis à exécution :

6. Le présent arrêt se prononçant sur l'appel de M. B..., ses conclusions tendant au sursis à exécution du jugement attaqué sont devenues sans objet. Il n'y a plus lieu d'y statuer.

Sur les frais liés au litige :

7. M. B... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Son avocat peut dès lors se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Ibrahim, avocate de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat, au titre des deux instances, la somme de 2 000 euros à verser à Me Ibrahim.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de M. B... tendant au sursis à exécution du jugement n° 2307962 rendu le 4 décembre 2023 par le tribunal administratif de Marseille.

Article 2 : Le jugement n° 2307962 rendu le 4 décembre 2023 par le tribunal administratif de Marseille, et l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 25 avril 2023, sont annulés.

Article 3 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à M. B... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de le munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.

Article 4 : L'Etat versera à Me Ibrahim, avocate de M. B..., une somme de 2 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ibrahim et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, premier conseiller,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 novembre 2024.

N°s 24MA00679, 24MA006802


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA00679
Date de la décision : 19/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : IBRAHIM;IBRAHIM;IBRAHIM

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-19;24ma00679 ?
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