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17/12/2024 | FRANCE | N°23MA00906

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 17 décembre 2024, 23MA00906


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision, révélée par une note du ministère de la justice du 30 novembre 2020, par laquelle la demande de mutation qu'elle a présentée le 22 septembre 2020 a été rejetée, et, par voie de conséquence, d'annuler les décisions d'affectation des deux agents mutés sur les postes qu'elle convoitait, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de l'affecter, à compter du 1er janvier

2021, sur l'un de ces deux postes et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... F... a demandé au tribunal administratif de Toulon, d'une part, d'annuler la décision, révélée par une note du ministère de la justice du 30 novembre 2020, par laquelle la demande de mutation qu'elle a présentée le 22 septembre 2020 a été rejetée, et, par voie de conséquence, d'annuler les décisions d'affectation des deux agents mutés sur les postes qu'elle convoitait, d'autre part, d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, de l'affecter, à compter du 1er janvier 2021, sur l'un de ces deux postes et, enfin, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2100228 du 13 février 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 13 avril 2023, Mme F..., représentée par Me Boussoum, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 13 février 2023 ;

2°) d'annuler cette décision révélée par cette note du 30 novembre 2020 et, par voie de conséquence, ces décisions portant affectation des deux agents mutés sur les postes qu'elle convoitait ;

3°) d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de l'affecter, à compter du 1er janvier 2021, sur l'un de ces deux postes, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, par application de l'article L. 911-3 du même code ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 634 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'une erreur d'appréciation participant d'une méconnaissance par le tribunal administratif de Toulon de l'étendue de son office, en ne faisant pas usage de son pouvoir d'instruction ; son moyen a été " rejeté " sans motivation et sans réel examen ;

- la décision portant rejet de sa demande de mutation est entachée du vice d'incompétence dès lors que le garde des sceaux, ministre de la justice, s'est cru lié par les avis de la " réunion d'arbitrage " ;

- les décisions contestées sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 60 de la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 et à l'aune des lignes directrices de gestion ;

- le garde des sceaux, ministre de la justice, a méconnu le principe d'égal accès aux emplois de la fonction publique qui est constitutionnellement garanti, à travers l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 mars 2024, le garde des sceaux, ministre de la justice, conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué et celui tiré du vice d'incompétence, qui revient en réalité, eu égard à l'argumentation tenue par Mme F..., à invoquer une erreur de droit, ne sont pas fondés ;

- s'agissant de l'examen du reste du litige par la Cour, dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel, il s'en remet en tant que de besoin à ses écritures de première instance.

Par une ordonnance du 19 avril 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 mai 2024, à 12 heures.

En application de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, le garde des sceaux, ministre de la justice, a été invité, le 30 septembre 2024, à produire tout élément ou document, y compris comparatif, ayant permis, au titre de la campagne de mobilité de

l'année 2020, la mutation de Mme D... A... sur un poste au sein de l'unité éducative en milieu ouvert (UEMO) Toulon-Ouest et celle de M. B... E... sur un poste au sein de l'UEMO Toulon-Centre, et ayant, en conséquence, conduit à ne pas affecter Mme F... sur l'un de ces deux postes.

En réponse, le garde des sceaux, ministre de la justice, a produit, le 10 octobre 2024, les fiches de vœux de mutation des intéressés tout en indiquant que Mme F... n'avait pas l'ancienneté suffisante pour être affectée sur l'un des deux postes concernés et qu'elle n'avait fait valoir aucune priorité.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lombart,

- et les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Educatrice de la protection judiciaire de la jeunesse, Mme F... est affectée, depuis le 1er septembre 2014, à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ) du Var, sur un poste de " volante ", soit une titulaire remplaçante missionnée en fonction des besoins du service. Dans le cadre de la campagne de mobilité au titre de l'année 2020, Mme F... a sollicité sa mutation au sein de l'unité éducative en milieu ouvert (UEMO) de Toulon-Ouest ou, à défaut, de celui de Toulon-Centre. Dans la présente instance, Mme F... relève appel du jugement du 13 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant principalement à l'annulation de la décision par laquelle cette demande de mutation a été rejetée et, par voie de conséquence, des décisions portant affectation des agents mutés sur ces deux postes.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Il ressort de la lecture du jugement attaqué, et particulièrement de son point 6, que les premiers juges n'ont pas omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation et qu'ils ont exposé de façon suffisamment précise les motifs pour lequel ils ont décidé de l'écarter. Par suite, ces deux moyens doivent être écartés.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

3. En premier lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le garde des sceaux, ministre de la justice, qui a exposé les circonstances justifiant le rejet de la demande de mutation de Mme F... en réponse à la mesure d'instruction susvisée diligentée par la Cour, se serait estimé lié par l'avis purement consultatif de la " réunion d'arbitrage ". Il suit de là que ce moyen doit être écarté.

4. En second lieu, aux termes de l'article 60 de la loi susvisée du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I. - L'autorité compétente procède aux mutations des fonctionnaires en tenant compte des besoins du service. / II. - Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service et sous réserve des priorités instituées à l'article 62 bis, les affectations prononcées tiennent compte des demandes formulées par les intéressés et de leur situation de famille. Priorité est donnée : / 1° Au fonctionnaire séparé de son conjoint pour des raisons professionnelles, ainsi qu'au fonctionnaire séparé pour des raisons professionnelles du partenaire avec lequel il est lié par un pacte civil de solidarité s'il produit la preuve qu'ils se soumettent à l'obligation d'imposition commune prévue par le code général des impôts ; / 2° Au fonctionnaire en situation de handicap relevant de l'une des catégories mentionnées aux 1°, 2°, 3°, 4°, 9°, 10° et 11° de l'article L. 5212-13 du code du travail ; / 3° Au fonctionnaire qui exerce ses fonctions, pendant une durée et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat, dans un quartier urbain où se posent des problèmes sociaux et de sécurité particulièrement difficiles ; / 4° Au fonctionnaire qui justifie du centre de ses intérêts matériels et moraux dans une des collectivités régies par les articles 73 et 74 de la Constitution ou en Nouvelle-Calédonie ; / 5° Au fonctionnaire, y compris relevant d'une autre administration, dont l'emploi est supprimé et qui ne peut être réaffecté sur un emploi correspondant à son grade dans son service. / (...) / IV. - Les décisions de mutation tiennent compte, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat, des lignes directrices de gestion en matière de mobilité prévues à l'article 18 de la présente loi. / Dans le cadre de ces lignes directrices, l'autorité compétente peut, sans renoncer à son pouvoir d'appréciation, définir des critères supplémentaires établis à titre subsidiaire. Elle peut notamment conférer une priorité au fonctionnaire ayant exercé ses fonctions pendant une durée minimale dans un territoire ou dans une zone rencontrant des difficultés particulières de recrutement ou au fonctionnaire ayant la qualité de proche aidant au sens de la sous-section 3 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier de la troisième partie du code du travail. (...) ".

5. Par ailleurs, les lignes directrices de gestion du ministère de la justice relatives à la mobilité pour l'année 2020 prévoient que : " Dans toute la mesure compatible avec le bon fonctionnement du service, la candidature est appréciée au regard : / - des priorités légales de mutation citées ci-après ; / - des critères de mutation supplémentaires établis à titre subsidiaire cités ci-après, / - de la comparaison des anciennetés dans l'affectation et de la situation personnelle de l'agent. " Certains des critères supplémentaires pouvant être pris en considération, à titre subsidiaire, sont fixés par ces lignes directrices, notamment : " - le rapprochement du lieu de résidence de l'enfant dont le parent séparé n'a pas la garde ; / - la situation des fonctionnaires ayant la qualité de proche aidant ; - la situation sociale de l'agent. "

6. Lorsque dans le cadre d'un mouvement de mutation, un poste a été déclaré vacant, alors que des agents se sont portés candidats dans le cadre du mouvement, l'administration doit procéder à la comparaison des candidatures dont elle est saisie en fonction, d'une part, de l'intérêt du service, d'autre part, si celle-ci est invoquée, de la situation de famille des intéressés, appréciée compte tenu des priorités fixées par les dispositions de l'article 60 de la loi du 11 janvier 1984.

7. Au cas particulier, Mme F... soutient qu'alors qu'elle a réussi, le 18 novembre 2013, le concours sur titre d'éducateur de la protection judiciaire de la jeunesse et qu'elle a été affectée, le 1er septembre 2014, à la direction territoriale de la protection judiciaire de la jeunesse (DTPJJ) du Var, sur un poste de " volante ", elle a en vain sollicité sa mutation sur un poste fixe en 2015, 2017, 2018 et 2019, soit à quatre reprises, avant que le garde des sceaux, ministre de la justice, ne refuse, par la décision contestée, sa cinquième demande. Toutefois, ainsi que l'ont relevé à raison les premiers juges, il ressort des pièces du dossier que l'appelante limite systématiquement ses demandes de mutation à un ou deux postes par an, ce qui réduit nécessairement ses chances d'obtenir satisfaction. Par ailleurs, les dispositions citées aux points précédents du présent arrêt dont se prévaut Mme F... ne prévoient pas qu'elle devait nécessairement bénéficier d'un changement d'affectation à l'issue d'un délai de deux ans. Enfin, en réponse à la mesure d'instruction diligentée par la Cour, le garde des sceaux, ministre de la justice, a produit les fiches de vœux de l'appelante et des deux agents qui ont été affectés sur les postes qu'elle convoitait, et il fait valoir, sans être contesté par Mme F..., que cette dernière n'avait pas l'ancienneté suffisante pour être affectée sur ces postes et qu'elle n'avait par ailleurs fait valoir aucune des priorités instituées au II de l'article 60 de la loi susvisée du 11 janvier 1984. Dans ces conditions, sans autre précision, et alors même que les deux agents affectés sur les postes qu'elle avait sollicités auraient déjà bénéficié de changements d'affectation au cours de leur carrière, Mme F... n'établit pas qu'en refusant de faire droit à sa demande de mutation, le garde des sceaux, ministre de la justice, aurait méconnu l'intérêt et les besoins du service au sens des dispositions précitées de ce même article 60, ni par conséquent que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou encore qu'elle serait constitutive d'une rupture d'égalité de traitement entre agents publics. Ces moyens doivent dès lors être écartés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'elle ne puisse en tout état de cause utilement, au regard de son argumentation de première instance, lui reprocher de ne pas avoir diligenté une mesure d'instruction, Mme F... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision portant refus de faire droit à sa demande de mutation au titre de la campagne de mobilité de l'année 2020, et, par voie de conséquence, des décisions portant affectation des deux agents mutés sur les postes qu'elle convoitait alors.

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette l'ensemble des conclusions à fin d'annulation présentées par Mme F..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par conséquent, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

10. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de Mme F... tendant à l'application des dispositions l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme F... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... F... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Lombart, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 décembre 2024.

2

No 23MA00906


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA00906
Date de la décision : 17/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Laurent LOMBART
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : MYRIAM BOUSSOUM AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-17;23ma00906 ?
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