Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Var Autonomie a demandé au tribunal administratif de Toulon de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.
Par un jugement n° 2100046 du 17 avril 2023, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 14 juin 2023, l'association Var Autonomie, représentée par la SELARL Aizac et Associés, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 17 avril 2023 ;
2°) de faire droit à sa demande de première instance ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est insuffisamment motivé ; il ne statue pas sur ses moyens, notamment relatifs à la remise des fichiers des écritures comptables et à la reconstitution incohérente de ses charges ; les pièces qu'elle a fournies n'ont pas été examinées ; les années d'imposition mentionnées sont erronées ;
- en tant qu'association gestionnaire d'un service de soins infirmiers à domicile, sa dotation est décidée et versée par l'agence régionale de santé dans le cadre fixé par le code de l'action sociale et des familles ; cette dernière peut réformer son résultat, qui doit être comptabilisé comme étant sous le contrôle du tiers financeur ; l'agence le réaffecte deux ans plus tard de telle sorte que l'éventuel excédent ne lui est pas définitivement acquis ;
- sa gestion est désintéressée au sens de l'instruction administrative ; son président est bénévole, Mme A... n'ayant eu un mandat de représentation du président qu'à l'occasion du contrôle et ne pouvant être considérée comme gérante de fait ; aucun bénéfice n'est distribué ; les rémunérations de M. et Mme A... sont cohérentes et conformes à la convention collective ; le bail qui les lie à l'association pour l'exercice par celle-ci du service est tout à fait classique et ne caractérise pas un avantage ; aucun membre de l'association ne peut être attributaire de l'actif ;
- elle a bien remis au vérificateur les fichiers des écritures comptables et respecté les dispositions de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales ; il n'y avait pas lieu de reconstituer sa comptabilité ;
- subsidiairement, ses prestations ne relèvent pas du secteur concurrentiel dès lors que sa gestion est administrée, que son activité est intégralement financée par l'assurance maladie via une dotation fixée en fonction du nombre de places autorisées par arrêté préfectoral, qu'aucune facturation n'est faite en direction des patients, que ses missions sont strictement définies notamment en termes de secteur géographique et de public et que la publicité est limitée aux demandes de l'agence régionale de santé et à l'information sur ses prestations via ses sites internet.
Par mémoire en défense, enregistrés le 15 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. L'association Var Autonomie, qui gère un service de soins infirmiers à domicile, relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon ayant rejeté sa demande tendant à obtenir la décharge, en droits et pénalités, des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Dans ses écritures devant le tribunal administratif, la requérante soutenait notamment que l'ensemble des fichiers comptables avait été dument présenté à la vérificatrice, conformément aux dispositions de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, ce qui aurait permis à cette dernière d'en effectuer la vérification. Elle devait être regardée comme contestant, ce faisant, la méthode de détermination des charges prises en compte par l'administration pour la fixation de son résultat imposable. Les premiers juges n'ont toutefois pas visé le moyen ainsi présenté et n'y ont pas répondu. Leur jugement a, dès lors, été rendu dans des conditions irrégulières et doit par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à la régularité du jugement attaqué, être annulé.
Sur les conclusions à fin de décharge :
3. En premier lieu, en application du point 1° de l'article 206 du code général des impôts, les personnes morales se livrant à une exploitation ou à des opérations de caractère lucratif sont passibles de l'impôt sur les sociétés. Le point 1° bis du même article précise que les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 dont la gestion est désintéressée ne sont pas passibles de l'impôt sur les sociétés lorsque leurs activités non lucratives restent significativement prépondérantes et n'excèdent pas un certain seuil. En application du 5° bis de l'article 207 du code général des impôts les organismes sans but lucratif mentionnés au 1° du 7 de l'article 261 sont exonérés de l'impôt sur les sociétés pour les opérations à raison desquelles ils sont exonérés de la taxe sur la valeur ajoutée. Le 1° du 7 de l'article 261 auquel il est renvoyé vise en son point a " les services de caractère social (...) rendus à leurs membres par les organismes légalement constitués agissant sans but lucratif, et dont la gestion est désintéressée ", en son point b " les opérations faites au bénéfice de toutes personnes par des œuvres sans but lucratif qui présentent un caractère social ou philanthropique et dont la gestion est désintéressée, lorsque les prix pratiqués ont été homologués par l'autorité publique ou que des opérations analogues ne sont pas couramment réalisées à des prix comparables par des entreprises commerciales, en raison notamment du concours désintéressé des membres de ces organismes ou des contributions publiques ou privées dont ils bénéficient ". Le point d du même 1° précise : " le caractère désintéressé de la gestion résulte de la réunion des conditions ci-après : / L'organisme doit, en principe, être géré et administré à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes, ou par personne interposée, aucun intérêt direct ou indirect dans les résultats de l'exploitation. / Toutefois, lorsqu'une association régie par la loi du 1er juillet 1901 relative au contrat d'association (...) décide que l'exercice des fonctions dévolues à ses dirigeants justifie le versement d'une rémunération, le caractère désintéressé de sa gestion n'est pas remis en cause si ses statuts et ses modalités de fonctionnement assurent sa transparence financière, l'élection régulière et périodique de ses dirigeants, le contrôle effectif de sa gestion par ses membres et l'adéquation de la rémunération aux sujétions effectivement imposées aux dirigeants concernés ; (...) / (...) / un tel organisme peut verser des rémunérations dans le cadre de la présente disposition uniquement si ses statuts le prévoient explicitement et si une décision de son organe délibérant l'a expressément décidé à la majorité des deux tiers de ses membres ; / (...) ".
4. En l'espèce, Mme A... est directrice générale de l'association, tandis que son époux en est le directeur adjoint. Outre le mandat qui lui a été spécifiquement délivré pour représenter la structure dans le cadre du contrôle dont elle faisait l'objet, Mme A... dispose d'un mandat du président pour accomplir tous les actes de gestion administrative et financière ainsi que d'une procuration générale sur tous les comptes actuels et futurs de l'association. Si l'association a officiellement pour président son frère, et pour trésorière, sa sœur, il est constant que ceux-ci n'exercent réellement aucune activité au sein de l'association. Les époux A... en sont donc de fait les dirigeants au sens des dispositions de l'article 261 citées ci-dessus.
5. M. et Mme A... perçoivent une rémunération de la part de l'association à raison de ces fonctions de direction. Or, il n'est pas contesté qu'aucune élection n'a jamais été organisée au sein de l'association ni qu'aucun contrôle n'est exercé par ses membres sur sa gestion dès lors qu'elle ne compte aucun membre. Les statuts de l'association ne prévoient pas explicitement la rémunération de ses dirigeants, qu'aucune décision de l'organe délibérant n'a expressément décidée. Dès lors, et quand bien-même cette rémunération aurait été déterminée au regard de la convention collective applicable, la gestion de l'association ne peut être regardée comme désintéressée pour l'application des dispositions du point 1 bis de l'article 206 et 1° du 7 de l'article 261 du code général des impôts. Il s'en suit que celle-ci est passible de l'impôt sur les sociétés pour l'ensemble de ses activités, quand bien même sa gestion, sa dotation et l'affectation de son résultat seraient contrôlés par l'agence régionale de santé, elle n'interviendrait pas en concurrence avec les professionnels du secteur libéral et les époux A... n'auraient tiré aucun avantage du bail qu'ils lui ont consenti pour la disposition des locaux dans lesquels elle exerce ses activités.
6. Si l'association se réfère à l'instruction administrative référencée OI-IS-CHAMP-10-50-10-20 du 12 septembre 2012, ce texte, qui rappelle notamment que le caractère désintéressé de la gestion d'un organisme, nécessaire pour ne pas être soumis aux impôts commerciaux, suppose notamment que la structure soit gérée et administrée à titre bénévole par des personnes n'ayant elles-mêmes aucun intérêt dans les résultats de l'exploitation, ne comporte pas une interprétation de la loi fiscale différente de celle appliquée au point précédent, dont l'association Var autonomie serait fondée à se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.
7. En deuxième lieu, si à l'occasion du contrôle, l'association Var Autonomie a effectivement présenté des fichiers d'écritures comptables, il n'est pas contesté que ceux-ci comptabilisaient en charge, hors les charges salariales, des dépenses non exposées dans l'intérêt de l'entreprise ou non assorties de justificatif. Dès lors, c'est à bon droit et sans minoration exagérée que l'administration a déterminé le montant de ces autres charges, non au regard des mentions de ces écritures, mais forfaitairement, selon une méthode par comparaison que la requérante ne critique pas utilement en se bornant à indiquer sans autre précision qu'elle est arbitraire.
8. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de l'association Var Autonomie tendant à obtenir la décharge des cotisations d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2013 et 2014 doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulon du 17 avril 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par l'association Var Autonomie devant le tribunal administratif de Toulon et le surplus des conclusions de sa requête sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'association Var Autonomie, au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie et au ministre auprès du Premier ministre, chargé du budget et des comptes publics.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.
2
N° 23MA01510
fa