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20/12/2024 | FRANCE | N°23MA01895

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 20 décembre 2024, 23MA01895


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :





Le préfet des Alpes de Haute-Provence a déféré devant le tribunal administratif de Marseille, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la SAS Verdon voyages.





Par un jugement n° 2206781 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné la société " Verdon voyages " à payer une amende de 1 000 euros et, d'autre part, lui a enjoint, si elle ne l'avait pas déjà fait, de libérer le domaine

public hydroélectrique concédé, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le préfet des Alpes de Haute-Provence a déféré devant le tribunal administratif de Marseille, comme prévenue d'une contravention de grande voirie, la SAS Verdon voyages.

Par un jugement n° 2206781 du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a, d'une part, condamné la société " Verdon voyages " à payer une amende de 1 000 euros et, d'autre part, lui a enjoint, si elle ne l'avait pas déjà fait, de libérer le domaine public hydroélectrique concédé, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 21 juillet 2023, 1er février 2024 et 21 novembre 2024, la SAS Verdon voyages, représentée par Me Lasbats-Mazille, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;

2°) de la relaxer des poursuites diligentées à son encontre ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le lieu exact de l'infraction n'est pas mentionné sur le procès-verbal d'infraction de telle sorte que la procédure est irrégulière et qu'il n'est pas établi que les faits auraient été commis sur le domaine public hydroélectrique concédé par l'Etat à Electricité de France (ci-après EDF) ;

- elle n'avait pas à être détentrice d'une autorisation d'occupation du domaine public dès lors qu'elle ne fait aucun usage privatif de la mise à l'eau du lac de Montpezat, lequel reste librement accessible à tous et que ses salariés se contentent de livrer sur un parking public des canoës qui sont ensuite mis à l'eau et sortis de l'eau par les clients eux-mêmes ;

- elle n'a nullement porté atteinte à l'intégrité du site ;

- le montant de l'amende est disproportionné ;

- elle subit une différence de traitement.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 janvier 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour de rejeter la requête de la SAS Verdon voyages.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la propriété des personnes publiques ;

- le code de l'énergie ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,

- et les observations de Me Lasbats-Mazille pour la SAS Verdon voyages.

Considérant ce qui suit :

1. Les 2 et 4 août 2022, ont été dressés à l'encontre de la SAS Verdon voyages des procès-verbaux de contravention de grande voirie au motif d'une occupation sans titre du domaine public hydroélectrique concédé par l'Etat à EDF, du fait de la présence d'embarcations de type canoës au niveau de la mise à l'eau du lac de Montpezat sur le territoire de la commune de Montagnac-Montpezat. Par un jugement du 25 mai 2023, le tribunal administratif de Marseille a, sur déféré du préfet des Alpes de Haute-Provence, d'une part, condamné la société " Verdon voyages " à payer une amende de 1 000 euros et, d'autre part, lui a enjoint, si elle ne l'avait pas déjà fait, de libérer le domaine public hydroélectrique concédé, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification du jugement. La SAS Verdon voyages interjette appel dudit jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité des poursuites :

2. Les procès-verbaux dressés les 2 et 4 août 2022, mentionnent que les faits litigieux ont été commis au niveau de la mise à l'eau du lac de Montpezat. Par suite, bien que la côte NGF n'y soit pas mentionnée, ceux-ci indiquent avec suffisamment de précision le lieu de l'infraction. Dès lors, le moyen tiré de ce que la procédure serait, pour ce motif, irrégulière, doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des poursuites :

3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 513-1 du code de l'énergie : " (...) II.- Le domaine public hydroélectrique concédé est constitué de l'ensemble des terrains, ouvrages ou installations, cours d'eau et lacs compris dans le périmètre d'une concession hydraulique, sans préjudice du classement de certains de ces éléments dans le domaine public fluvial ".

4. Il résulte de l'instruction que, par une convention en date du 12 février 1971, approuvée par décret du 15 septembre 1971, l'Etat a concédé à EDF les chutes hydroélectriques de Quinson et de Vinon en vue de la production d'énergie électrique. L'article 3 de la convention tripartite conclue le 6 décembre 2012 par l'Etat, EDF et la commune de Montagnac-Montpezat, produite à la suite d'une mesure d'instruction adressée par la Cour, précise que le domaine public hydroélectrique concédé par l'Etat à EDF s'étend sur la retenue et les berges jusqu'à la côte 406 NGF. Il résulte des plans annexés à la convention tripartite que la mise à l'eau du lac de Montpezat est comprise dans le périmètre de la concession hydraulique. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait fait l'objet d'un classement dans le domaine public fluvial. Dès lors, cette mise à l'eau est incluse dans le domaine public hydroélectrique concédé.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 513-1 précité du code de l'énergie : " I.- Toute atteinte à l'intégrité, à l'utilisation et à la conservation du domaine public hydroélectrique concédé ou de nature à compromettre son usage ou toute atteinte à une servitude administrative mentionnée aux articles L. 521-8 et L. 521-9 constitue une contravention de grande voirie (...) ".

6. Il résulte des procès-verbaux de contravention dressés les 2 août et 4 août 2022 et des procès-verbaux d'auditions du gérant de la société Verdon voyages, que la société mise en cause, dont l'activité d'agence de voyage consiste pour partie à proposer la location sur internet de canoës permettant d'effectuer des excursions sur le Verdon, utilise en période estivale, depuis le 1er août 2022, la mise à l'eau du lac de Montpezat pour accueillir ses clients et procéder à la dépose et à la mise à l'eau de ses embarcations au moyen d'une remorque à bateaux. Il résulte, d'une part, de l'instruction que la société Verdon voyages met ces canoës à la disposition exclusive de sa clientèle. D'autre part, il résulte également de l'instruction et notamment des déclarations mêmes de son gérant, en dépit de la production d'un constat d'huissier du 12 août 2022 postérieur à la date du constat des faits litigieux, qu'à la date de ceux-ci, ses salariés aidaient les clients à mettre à l'eau et à ramener les canoës et, en outre, accompagnaient dans les gorges certains groupes. Il suit de là que l'installation, même à titre temporaire, de ces canoës sur la mise à l'eau du lac, quel qu'en soit leur nombre, était constitutive, quand bien même d'autres usagers conservaient également un accès à cette mise à l'eau, d'une occupation privative du domaine public hydroélectrique concédé, en lien direct avec l'activité commerciale exercée par la société. Ces faits, alors même que la société requérante n'aurait pas porté atteinte à l'intégrité du site, constituent ainsi une contravention de grande voirie prévue et réprimée par les dispositions précitées du code de l'énergie dès lors que la société contrevenante ne dispose d'aucun titre l'y habilitant.

7. En troisième lieu, le moyen, à le supposer soulevé, tiré de ce que le principe d'égalité aurait été méconnu dès lors que d'autres entreprises intervenant dans le même secteur d'activité auraient été traitées différemment doit être écarté dès lors qu'il n'est pas établi que celles-ci auraient été dans une situation comparable à celle de la société requérante.

8. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 513-4 du code de l'énergie : " IV. - Sans préjudice de l'article L. 2132-27 du code général de la propriété des personnes publiques, les atteintes au domaine public hydroélectrique concédé constatées conformément au présent chapitre sont passibles d'une amende de 150 euros à 12 000 euros, sous réserve de ne pas avoir fait l'objet de l'une des amendes prévues aux articles L. 2132-5 à L. 2132-9 du même code ".

9. Eu égard à la nature et à la réitération, les 2 et 4 août 2022, de l'infraction litigieuse en dépit du fait que le gérant de la société avait été informé qu'il devait cesser toute activité dans l'attente de l'obtention d'une autorisation d'occupation temporaire, l'infliction d'une amende de 1 000 euros n'est, au regard de la fourchette précitée comprise entre 150 et 12 000 euros et des recettes générées par cette activité, pas disproportionnée.

10. Il résulte de ce qui précède que la SAS Verdon voyages n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a reconnu l'existence d'une contravention de grande voirie et l'a condamnée à payer une amende de 1 000 euros.

Sur les frais d'instance :

11. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la SAS Verdon voyages doivent, dès lors, être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la SAS Verdon voyages est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Verdon voyages et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques.

Copie en sera adressée pour information à la commune de Montagnac-Montpezat et à Electricité de France.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.

N° 23MA01895 2

bb


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA01895
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Contentieux répressif

Analyses

24-01-03-01 Domaine. - Domaine public. - Protection du domaine. - Contraventions de grande voirie.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CABINET DENIS REBUFAT & ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-20;23ma01895 ?
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