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20/12/2024 | FRANCE | N°23MA02609

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 5ème chambre, 20 décembre 2024, 23MA02609


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société B... Costruzioni SRL a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 5 mai 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi de ressortissants étrangers non autorisés à travailler et séjourner en France, de ramener à de plus justes proportions le montant de la contribution spéciale relative à M. C... soit à

la somme de 7 300 euros et de mettre à la charge de l'administration le paiement d'une somme...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société B... Costruzioni SRL a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler la décision du 5 mai 2021 par laquelle le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a mis à sa charge les contributions spéciale et forfaitaire pour l'emploi de ressortissants étrangers non autorisés à travailler et séjourner en France, de ramener à de plus justes proportions le montant de la contribution spéciale relative à M. C... soit à la somme de 7 300 euros et de mettre à la charge de l'administration le paiement d'une somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2101883 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a, par son article 1er, annulé la contribution spéciale en tant que, concernant M. C..., elle était fondée sur un montant égal à 5 000 fois le taux horaire (au lieu de 2 000) et, par son article 2, rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête enregistrée le 6 novembre 2023 sous le n° 23MA02609, l'OFII, représenté par Me de Froment, doit être regardé comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Toulon ;

2°) de mettre à la charge de la société B... Costruzioni le paiement de la somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les faits sont matériellement établis ;

- plusieurs infractions ayant été commises, le montant de la contribution spéciale pouvait, s'agissant de M. C..., être égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12.

Par un mémoire en défense enregistré le 8 mars 2024, la société B... Costruzioni SRL, représentée par Me Antomarchi, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) de rejeter la requête de l'OFII ;

2°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

3°) de mettre à la charge de l'administration le paiement de la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits ne sont pas matériellement établis dès lors que les trois personnes contrôlées n'étaient pas en situation de travail et qu'il n'existe aucun lien de subordination entre celles-ci et la société ;

- l'affaire a été classée sans suite par le juge pénal.

II. Par une requête enregistrée le 7 novembre 2023, sous le n° 23MA02633, la société B... Costruzioni SRL, représentée par Me Antomarchi, doit être regardée comme demandant à la Cour :

1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement ;

2°) de mettre à la charge de l'administration le paiement de la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les faits ne sont pas matériellement établis dès lors que les trois personnes contrôlées n'étaient pas en situation de travail et qu'il n'existe aucun lien de subordination entre celles-ci et la société ;

- l'affaire a été classée sans suite par le juge pénal.

Par un mémoire en défense enregistré le 24 octobre 2024, l'OFII, représenté par Me de Froment, demande à la Cour :

1°) de rejeter la requête de la société B... Costruzioni SRL ;

2°) de mettre à la charge de la société B... Costruzioni le paiement de la somme de 6 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vincent,

- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Le 15 octobre 2020, les services de la gendarmerie nationale de la compagnie départementale de Gassin-Saint-Tropez, sur réquisition du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Draguignan, ont procédé au contrôle d'identité de trois ressortissants étrangers. Lors de ce contrôle, ces services ont constaté que ces derniers étaient dépourvus de titre les autorisant à travailler en France et que deux d'entre eux ne disposaient d'aucun droit au séjour en France. Une procédure a été diligentée pour infraction aux dispositions de l'article 8253-1 du code du travail. Par une décision du 3 février 2021, le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a appliqué à la société B... Costruzioni une contribution spéciale d'un montant de 54 750 euros et une contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement pour un montant de 4 796 euros. Le recours gracieux adressé le 10 mars 2021 par cette société a été rejeté par une décision expresse du 5 mai 2021. Par un jugement du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Toulon a, par son article 1er, annulé la contribution spéciale en tant que, concernant M. C..., elle était fondée sur un montant égal à 5 000 fois le taux horaire (au lieu de 2 000) et, par son article 2, rejeté le surplus des conclusions de la requête. Par une requête enregistrée sous le n° 23MA02609, l'OFII demande à la Cour d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Toulon. Par une requête enregistrée sous le n° 23MA02633, la société B... Costruzioni SRL demande à la Cour d'annuler l'article 2 de ce jugement.

2. Les requêtes n° 23MA02609 et 23MA02633 sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu, dès lors, de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le principe de la sanction :

3. Aux termes de l'article L. 8251-1 du code du travail : " Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France (...) ". Par ailleurs, aux termes de l'article L. 8253-1 du code du travail dans sa rédaction alors applicable : " Sans préjudice des poursuites judiciaires pouvant être intentées à son encontre, l'employeur qui a employé un travailleur étranger en méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 acquitte, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, une contribution spéciale. Le montant de cette contribution spéciale est déterminé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Il est, au plus, égal à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12. Ce montant peut être minoré en cas de non-cumul d'infractions ou en cas de paiement spontané par l'employeur des salaires et indemnités dus au salarié étranger non autorisé à travailler mentionné à l'article R. 8252-6. Il est alors, au plus, égal à 2 000 fois ce même taux. Il peut être majoré en cas de réitération et est alors, au plus, égal à 15 000 fois ce même taux. / L'Office français de l'immigration et de l'intégration est chargé de constater et fixer le montant de cette contribution pour le compte de l'Etat selon des modalités définies par convention (...) ".

4. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le 15 octobre 2020, MM. Leka et Hila, de nationalité albanaise, ainsi que M. C..., de nationalité moldave, ont été contrôlés avenue Sigismund Coulet sur le territoire de la commune de Cogolin par les services de la gendarmerie nationale de la compagnie départementale de Gassin-Saint Tropez et étaient dépourvus de toute autorisation de travail en France. S'il est constant que ceux-ci, alors sur le parking d'un supermarché, proches de leur véhicule portant une publicité au nom de la société B... Construction, n'étaient, à cet instant précis, pas en action de travail, il résulte de leurs auditions par les services de police ainsi que de celle du gérant de la société B... Costruzioni SRL, M. A... B..., lesquelles sont dépourvues de toute ambiguïté, qu'ils étaient arrivés quelques jours plus tôt en France afin d'y travailler pour la société B... Costruzioni SRL, de droit italien, sur un chantier sis à Cogolin et étaient hébergés à cette fin dans un logement mis à leur disposition par leur employeur. Par suite, les moyens tirés de ce qu'ils n'étaient pas en situation de travail, de ce qu'ils auraient été en villégiature chez des amis et de ce que, pour deux d'entre eux, il n'existerait aucun lien de subordination avec la société B... Costruzioni SRL doivent être écartés. Il suit de là que la société B... Costruzioni SRL n'est pas fondée à soutenir que les faits réprimés par les dispositions précitées de l'article L. 8253-1 du code du travail n'étaient pas matériellement établis.

5. En deuxième lieu, l'autorité de la chose jugée en matière pénale ne s'attache qu'aux décisions des juridictions qui statuent sur le fond de l'action publique. Tel n'est pas le cas des décisions de classement sans suite prises par le ministère public. Par suite, la circonstance, à la supposer établie, que le juge pénal ait classé sans suite les poursuites diligentées à l'encontre de la société B... Costruzioni SRL est sans incidence, les faits étant, ainsi qu'il a été dit au point 4, suffisamment établis pour justifier l'application d'une sanction administrative.

En ce qui concerne le quantum de la contribution spéciale relative à l'emploi de M. C... :

6. Le montant de la contribution spéciale est fixé de manière forfaitaire, par l'article R. 8253-2 du code du travail, à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti prévu à l'article L. 3231-12, à la date de la constatation de l'infraction. Il est réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne pas d'autre infraction commise à l'occasion de l'emploi du salarié étranger en cause que la méconnaissance des dispositions du premier alinéa de l'article L. 8251-1 ou lorsque l'employeur s'est acquitté des salaires et indemnités dans les conditions prévues par les articles R. 8252-6 et R. 8252-7 du même code. Il est, dans ce dernier cas, réduit à 1 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsque le procès-verbal d'infraction ne mentionne l'emploi que d'un seul étranger sans titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. Enfin, il est porté à 15 000 fois le taux horaire du minimum garanti lorsqu'une méconnaissance du premier alinéa de l'article L. 8251-1 a donné lieu à l'application de la contribution spéciale à l'encontre de l'employeur au cours de la période de cinq années précédant la constatation de l'infraction. L'article R. 8253-4 du même code précise que le directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration décide de l'application de la contribution spéciale au vu des observations éventuelles de l'employeur, à l'expiration du délai qui a été fixé à ce dernier pour les faire valoir.

7. Il résulte tant de la fiche d'analyse de la verbalisation du travail illégal, de la lettre du 10 décembre 2020 par laquelle la société B... Costruzioni SRL a été invitée à présenter ses observations, que des décisions en date des 3 février et 5 mai 2021, que ladite société n'a, s'agissant de M. C..., qui disposait d'un titre de séjour italien l'autorisant à séjourner en France, été sanctionnée qu'en raison de l'absence d'autorisation de travail en France et non du fait d'un travail dissimulé ou de l'absence de déclaration de détachement en France. Par suite, le montant de la contribution spéciale, devait, s'agissant de cet employé, être réduit à 2 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Il résulte de ce qui précède que l'OFII n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a, s'agissant de M. C..., réduit le montant de l'amende mis à la charge de la société B... Costruzioni SRL.

Sur les frais d'instance :

8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par l'OFII et par la société B... Costruzioni SRL au titre des frais d'instance en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Les requêtes de l'OFII et de la société B... Costruzioni SRL sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'Office français de l'immigration et de l'intégration et à la société B... Costruzioni SRL.

Délibéré après l'audience du 6 décembre 2024, où siégeaient :

- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,

- Mme Vincent, présidente assesseure,

- Mme Marchessaux, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 décembre 2024.

N° 23MA02609, 23MA02633 2

fa


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02609
Date de la décision : 20/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-032-01 Travail et emploi. - Réglementations spéciales à l'emploi de certaines catégories de travailleurs. - Emploi des étrangers (voir : Étrangers).


Composition du Tribunal
Président : Mme CHENAL-PETER
Rapporteur ?: Mme Aurélia VINCENT
Rapporteur public ?: M. GUILLAUMONT
Avocat(s) : CABINET BERNARD DE FROMENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-20;23ma02609 ?
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