Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... et Mme C... B...-D... ont demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 13 janvier 2020 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de modifier le plan de prévention des risques d'incendies de forêt (PPRIF) de la commune de Villeneuve-Loubet en tant qu'il classe en zone rouge " R " les parcelles cadastrées AR 0184 et AR 0187 leur appartenant, d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de prescrire la modification du zonage du PPRIF demandée, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2001052 du 24 mai 2023, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision précitée du 13 janvier 2020, enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à la modification du PPRIF de la commune de Villeneuve-Loubet en reclassant les parcelles AR 0184 et AR 0187 en zone bleue B1a dans les meilleurs délais à compter de la notification du jugement, mis à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance et rejeté le surplus des conclusions de la requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par Mmes B....
Il soutient que la décision du 13 janvier 2020 n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 avril 2024, Mmes B..., représentées par Me Gillet, demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires ;
2°) d'enjoindre au ministre de procéder à la modification du PPRIF de Villeneuve-Loubet en reclassant les parcelles AR 0184 et AR 0187 en zone B1, dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que le moyen de la requête est infondé.
Par un courrier du 21 novembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que le tribunal a, à tort, retenu un moyen inopérant pour annuler la décision du 13 janvier 2020.
Des observations en réponse au moyen d'ordre public ont été produites le 26 novembre 2024 par Me Gillet pour Mmes B..., et communiquées le même jour.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Gillet pour Mmes B....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B... et Mme C... B...-D... sont propriétaires indivises de plusieurs parcelles situées au 936, avenue Bel Air à Villeneuve-Loubet (06270). Deux de ces parcelles (les parcelles AR 0184 et AR 0187) sont classées en zone rouge " R " par le plan de prévention des risques d'incendies de forêt de la commune de Villeneuve-Loubet. Les autres parcelles leur appartenant sont classées en zone bleue " B1a ". Après avoir fait réaliser, en 2017 et 2019, deux expertises afin d'évaluer l'intensité d'un risque d'incendie de forêt sur leurs deux parcelles situées en zone rouge " R ", Mmes B... ont demandé, par courrier du 28 novembre 2019, de reclasser lesdites parcelles en zone bleue " B1a ". Par une décision du 13 janvier 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande. Le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires interjette appel du jugement du 24 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a, d'une part, annulé la décision précitée du 13 janvier 2020 et, d'autre part, enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à la modification du PPRIF de la commune de Villeneuve-Loubet en reclassant les parcelles AR 0184 et AR 0187 en zone bleue " B1a ".
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation :
S'agissant du moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Lorsque le tribunal administratif a fait droit à une demande en se fondant sur un moyen inopérant et que, pour contester le jugement de ce tribunal, l'appelant n'a pas invoqué le caractère inopérant du moyen retenu par les premiers juges, il appartient au juge d'appel de relever d'office cette inopérance pour censurer le motif retenu par le tribunal. Il ne peut toutefois le faire qu'après en avoir préalablement informé les parties en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative.
3. Il ressort de la décision du préfet des Alpes-Maritimes en date du 13 janvier 2020 que celui-ci a rejeté la demande de modification du PPRIF présentée par les intéressées au motif que celle-ci, dès lors qu'elle était susceptible de porter atteinte à l'économie générale du plan, relevait de la procédure de révision et non de celle de modification prévue par les dispositions du II de l'article L. 562-4-1 du code de l'environnement, et n'a, dès lors, pas examiné le bien-fondé de la demande présentée. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation est inopérant. Dès lors, c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a accueilli ce moyen et annulé, pour ce motif, la décision du 13 janvier 2020.
S'agissant de l'autre moyen soulevé par Mmes B... :
4. Aux termes de l'article L. 562-4-1 du code de l'environnement : " (...) II. - Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut également être modifié. La procédure de modification est utilisée à condition que la modification envisagée ne porte pas atteinte à l'économie générale du plan. Le dernier alinéa de l'article L. 562-3 n'est pas applicable à la modification. Aux lieu et place de l'enquête publique, le projet de modification et l'exposé de ses motifs sont portés à la connaissance du public en vue de permettre à ce dernier de formuler des observations pendant le délai d'un mois précédant l'approbation par le préfet de la modification ". Par ailleurs, l'article R. 562-10-1 du même code dispose que : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles peut être modifié à condition que la modification envisagée ne porte pas atteinte à l'économie générale du plan. La procédure de modification peut notamment être utilisée pour : a) Rectifier une erreur matérielle ; b) Modifier un élément mineur du règlement ou de la note de présentation ; c) Modifier les documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1o et 2o du II de l'article L. 562-1, pour prendre en compte un changement dans les circonstances de fait ".
5. En premier lieu, la modification sollicitée, eu égard à sa nature, à la destination privée des parcelles AR 0184 et AR 0187, à leur configuration et leur insertion dans le plan et à leur superficie globale de 4 354 m², ce qui ne représente que 0,02 % du territoire de la commune de Villeneuve-Loubet d'une superficie de 19,60 km², ne porte pas atteinte à l'économie générale du PPRIF.
6. En second lieu, si, ainsi que le soutient le préfet des Alpes-Maritimes, le PPRIF approuvé le 18 juillet 2013 ne peut être regardé, en tant qu'il classe en zone " R " les parcelles litigieuses, comme entaché d'une erreur matérielle dès lors que ce classement a été établi au regard de la présence de masses combustibles aux abords et de la topographie et en particulier de leur déclivité, il est, en revanche, constant que la demande de Mmes B... visait, en application du c) de l'article R. 562-10-1 précité du code de l'environnement, à modifier les documents graphiques délimitant les zones mentionnées aux 1o et 2o du II de l'article L. 562-1, pour prendre le cas échéant en compte, ainsi qu'elles l'alléguaient, un changement dans les circonstances de fait tenant, d'une part, à une réduction de la végétation environnante, à une augmentation concomitante des surfaces bâties et à une meilleure capacité de défense grâce à la présence de deux hydrants dont l'un avait été normalisé depuis 2013. Par suite, c'est à tort que, par la décision du 13 janvier 2020, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé d'initier la procédure de modification du PPRIF et d'examiner le bien-fondé de la demande de Mmes B.... Il suit de là que le ministre appelant n'est pas fondé à se plaindre de ce que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 13 janvier 2020.
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'injonction :
7. Le présent arrêt, s'il n'implique pas nécessairement que les parcelles AR 0184 et AR 0187 soient d'ores et déjà classées en zone bleue " B1a " du PPRIF de la commune de Villeneuve-Loubet, implique en revanche nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes initie la procédure de modification prévue au II de l'article L. 562-4-1 du code de l'environnement. Il y a lieu, dès lors, d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder au classement des parcelles litigieuses en zone bleue et d'enjoindre audit préfet d'initier la procédure de modification dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a toutefois pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme globale de 2 000 euros qui sera versée à Mmes B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2001052 du tribunal administratif de Nice du 24 mai 2023 est annulé en tant qu'il a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à la modification du PPRIF de la commune de Villeneuve-Loubet en reclassant les parcelles AR 0184 et AR 0187 en zone bleue " B1a ".
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes d'initier la procédure de modification du PPRIF prévue au II de l'article L. 562-4-1 du code de l'environnement dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Mmes B... la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche, à Mme A... B... et à Mme C... B...-D....
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2025.
N° 23MA01938 2
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