Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... B... et Mme A... B... ont demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 31 mai 2021 par laquelle la métropole Aix-Marseille-Provence a décidé de ne plus leur vendre l'intégralité des parcelles cadastrées BV n° 149, 157, 158 et 160, lieudit Sivier, sur le territoire de la commune d'Istres, d'enjoindre au président de la métropole d'Aix-Marseille-Provence de procéder, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir, à la signature d'un acte authentique de vente pour la formalisation de la vente desdites parcelles, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai et de mettre à la charge de la métropole le paiement de la somme de 3 600 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2106843 du 6 juillet 2023, le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision précitée du 31 mai 2021, enjoint à la métropole Aix-Marseille Provence de régulariser le projet d'acte authentique de cession des parcelles BV n° 149, 157, 158 et 160 sur le territoire de la commune d'Istres, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, mis à la charge de la métropole le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais d'instance et rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 6 septembre 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 16 décembre 2024 qui n'a pas été communiqué, la métropole Aix-Marseille Provence, représentée par Me Bainvel, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille et de rejeter les conclusions présentées par M. et Mme B... ;
2°) de mettre à la charge de M. et Mme B... le paiement de la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est incompétente pour connaître de ce litige ;
- la lettre du 31 mai 2021 ne peut être regardée comme une décision faisant grief ;
- le tribunal ne pouvait lui enjoindre de régulariser le projet de cession par acte authentique dès lors, d'une part, que la cession était subordonnée à la constitution d'une servitude de passage au bénéfice de la métropole et que, d'autre part, la commune d'Istres a le projet d'installer sur la parcelle n° BV 160 une sirène d'alerte de la population.
Par un mémoire en défense enregistré le 31 juillet 2024, M. et Mme B..., représentés par Me Citeau, demandent à la Cour :
1°) de rejeter la requête de la métropole Aix-Marseille Provence ;
2°) d'annuler la décision précitée du 31 mai 2021 ;
3°) d'enjoindre au Président de la métropole Aix-Marseille Provence de procéder à la signature d'un acte authentique de vente des parcelles cadastrées sections BV n° 149, 157, 158 et 160 sur le territoire de la commune d'Istres, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard passé ce délai ;
4°) de mettre à la charge de la métropole le paiement de la somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Pastor pour la métropole Aix-Marseille-Provence et de Me Citeau pour M. et Mme B....
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte notarié en date du 21 mai 2019, la métropole Aix-Marseille Provence (ci-après MAMP) a cédé à M. et Mme B... la parcelle cadastrée BV n° 159 sise au lieudit Sivier sur le territoire de la commune d'Istres. Par une décision du 29 mai 2020, la présidente de la MAMP a approuvé la cession à M. et Mme B... des parcelles cadastrées section BV n° 149, 157, 158 et 160, voisines de la parcelle BV n° 159 précédemment acquise, ainsi que la constitution d'une servitude de passage et de tréfonds au bénéfice de la métropole sur le tènement cédé et désigné un notaire pour rédiger l'acte authentique. La métropole n'ayant, à plusieurs reprises et sans donner de justification, pas honoré les rendez-vous fixés par le notaire pour la signature de l'acte authentique, M. et Mme B... ont, par l'intermédiaire de leur avocat, adressé le 8 mars 2021 à la métropole, une demande d'explications. Par une lettre en date du 31 mai 2021, le maire de la commune d'Istres, agissant en qualité de vice-président de la MAMP, leur a indiqué que le processus de cession tel qu'initialement envisagé était interrompu et que seule pouvait être désormais envisagée la cession des parcelles cadastrées section BV n° 157 et 158 ainsi qu'une partie de la parcelle BV n° 160. Saisi par M. et Mme B..., le tribunal administratif de Marseille a, par un jugement du 6 juillet 2023, annulé la décision précitée du 31 mai 2021 et enjoint à la métropole Aix-Marseille Provence de régulariser le projet d'acte authentique de cession des parcelles BV n° 149, 157, 158 et 160 sur le territoire de la commune d'Istres, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement. La MAMP interjette appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
En ce qui concerne la compétence de la juridiction administrative :
2. L'acte d'une personne publique, qu'il s'agisse d'une délibération ou d'une décision, qui modifie le périmètre ou la consistance de son domaine privé ne se rapporte pas à la gestion de ce domaine, de sorte que la contestation de cet acte ressortit à la compétence du juge administratif. Il en va de même du refus de prendre un tel acte ou de son retrait, ainsi que du litige par lequel est recherchée la responsabilité de cette personne publique à raison d'un tel acte, du refus de le prendre ou de son retrait.
3. Ainsi qu'il a été dit précédemment, par une décision du 29 mai 2020, la présidente de la MAMP a approuvé la cession à M. et Mme B... des parcelles cadastrées section BV n° 149, 157, 158 et 160, cette décision ayant eu pour objet de modifier le périmètre et la consistance du domaine privé de la métropole et ne constituant pas un simple acte de gestion. En indiquant aux époux B..., par sa lettre du 31 mai 2021, que le processus de cession, tel qu'initialement envisagé, était interrompu et que seules pouvaient désormais être cédées les parcelles BV n° 157 et 158 ainsi qu'une partie de la parcelle BV n° 160, à l'exclusion des parcelles cadastrées BV n° 149 et d'une partie de la parcelle BV n° 160, le vice-président de la MAMP a, implicitement mais nécessairement, procédé au retrait partiel de la décision du 29 mai 2020. Le retrait partiel de la décision du 29 mai 2020, laquelle modifiait, ainsi qu'il a été dit précédemment, le périmètre et la consistance du domaine privé de la métropole, relève, dès lors, de la compétence des juridictions administratives. Il suit de là que la MAMP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a écarté l'exception d'incompétence qu'elle avait soulevée.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la recevabilité de la requête de première instance :
4. Ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, la lettre du 31 mai 2021 constitue un retrait partiel de la décision de la présidente de la métropole du 29 mai 2020 et ne saurait être regardée, contrairement à ce que soutient la métropole, comme une simple proposition. Par suite, elle est constitutive d'une décision faisant grief. Dès lors, la MAMP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a écarté la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des conclusions aux fins d'annulation de la décision du 31 mai 2021.
En ce qui concerne l'annulation de la décision du 31 mai 2021 :
5. Le tribunal administratif de Marseille a annulé la décision du 31 mai 2021 aux motifs, d'une part, de l'incompétence de son auteur et, d'autre part, de son insuffisance de motivation. Aucun de ces deux motifs n'étant contesté par la requérante, les conclusions aux fins d'annulation du jugement attaqué, en tant que celui-ci a annulé la décision du 31 mai 2021, ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne l'injonction de régularisation de l'acte authentique :
6. Aux termes de l'article 1582 du code civil : " La vente est une convention par laquelle l'un s'oblige à livrer une chose, et l'autre à la payer. / Elle peut être faite par acte authentique ou sous seing privé. ". Par ailleurs, aux termes de l'article 1583 du même code : " Elle est parfaite entre les parties, et la propriété est acquise de droit à l'acheteur à l'égard du vendeur, dès qu'on est convenu de la chose et du prix, quoique la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé ". Enfin, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
7. Il ressort des termes mêmes de la décision de la présidente de la MAMP du 29 mai 2020, que celle-ci a décidé de céder à M. et Mme B... les parcelles cadastrées section BV n° 149, 157, 158 et 160 (dans son intégralité), d'une superficie de 25 380 m² moyennant le prix, défini à la suite de la consultation de la direction de l'immobilier de l'Etat, de 100 000 euros hors taxe. Si, par la même décision, la présidente de la métropole a également approuvé la constitution d'une servitude de passage et de tréfonds à son bénéfice, la constitution de ladite servitude, à laquelle ne se sont au demeurant nullement opposés M. et Mme B... et dont il ne résulte pas de l'instruction qu'elle aurait posé la moindre difficulté dans son principe ou sa consistance, ne constituait pas une condition suspensive de la réalisation de la vente qui, dès lors, était, conformément aux dispositions de l'article 1583 du code civil précitées, parfaite et créatrice de droits au profit des acquéreurs. Il suit de là, quand bien même l'implantation d'une sirène d'alerte aurait été souhaitée par la commune d'Istres sur la parcelle BV n° 160, que le vice-président de la métropole ne pouvait, par la décision du 31 mai 2021, prise au-delà d'un délai de quatre mois, décider de ne plus procéder à l'aliénation de l'ensemble des parcelles listées dans la décision du 29 mai 2020. Par suite, la MAMP n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille lui a enjoint de régulariser le projet d'acte authentique de cession des parcelles BV n° 149, 157, 158 et 160 sur le territoire de la commune d'Istres. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction prononcée par les premiers juges, d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
8. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la MAMP doivent, dès lors, être rejetées. Il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la MAMP le paiement de la somme globale de 2 000 euros qui sera versée à M. et Mme B... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête présentée par la métropole Aix-Marseille Provence est rejetée.
Article 2 : La métropole Aix-Marseille Provence versera à M. et Mme B... la somme globale de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions de M. et Mme B... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la métropole Aix-Marseille Provence, à M. C... B... et à Mme A... B....
Délibéré après l'audience du 20 décembre 2024, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Marchessaux, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2025.
N° 23MA02314 2
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