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21/01/2025 | FRANCE | N°24MA02963

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 21 janvier 2025, 24MA02963


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de

trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, à titre subsidiaire, de

procéder au réexamen de sa situation administrative et dans l'attente, de lui délivrer une autoris...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C... D... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 février 2024 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône lui a refusé un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de

trente jours et a fixé le pays de renvoi, et d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation administrative et dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour.

Par un jugement n° 2403668 du 26 septembre 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédures devant la Cour :

I - Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2024, sous le n° 24MA02963, Mme D... épouse B..., représentée par Me Carmier, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 septembre 2024 ;

2°) d'annuler cet arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 2 février 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation avec autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros à payer à Me Carmier qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour ne s'être pas prononcé sur son moyen, qui n'était pas inopérant, tiré du défaut d'examen particulier de sa situation ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'erreur de droit et d'erreur de fait au regard de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 et de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que sa situation médicale n'ayant pas évolué depuis la dernière autorisation provisoire de séjour qui lui a été accordée, elle ne peut bénéficier d'une prise en charge effective par dialyse en Algérie, que son traitement par dialyse ne peut être interrompu sans risque pour sa vie, et que le traitement médicamenteux qui lui est indispensable n'est pas substituable ni disponible en Algérie où il n'existe pas de médicaments dérivés de cette substance ;

- cette décision de refus porte atteinte à son droit à mener une vie privée et familiale normale et à l'intérêt supérieur de son enfant, et méconnaît donc l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant, et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la mesure d'éloignement est illégale, compte tenu de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation et a été prise en méconnaissance des stipulations précitées ;

- la mesure fixant le pays de destination est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de son état de santé et de l'indisponibilité en Algérie des traitements nécessaires.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Mme D... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

II - Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2024, sous le n° 24MA02964, Mme D... épouse B..., représentée par Me Carmier, demande à la Cour, sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 2403668 rendu le 26 septembre 2024 par le tribunal administratif de Marseille ;

2°) de suspendre l'exécution de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 2 février 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour, ou à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation avec autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros à payer à Me Carmier qui renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle, en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- l'exécution du jugement attaqué est susceptible de produire pour elle des conséquences difficilement réparables, compte tenu de la dégradation de son état de santé et de la vulnérabilité de sa situation ;

- les moyens qu'elle a développés à l'appui de son appel contre ce jugement sont sérieux et justifient le sursis à son exécution.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 décembre 2024, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens d'appel ne sont pas fondés.

Mme D... épouse B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 octobre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Marseille.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Revert.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D... épouse B..., née en 1982 et de nationalité algérienne, a sollicité le 23 août 2023 la délivrance d'un certificat de résident sur le fondement des stipulations de

l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Après avis défavorable du collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 5 décembre 2023,

le préfet des Bouches-du-Rhône a, par un arrêté du 2 février 2024, refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 26 septembre 2024, dont Mme D... épouse B... relève appel par sa requête n° 24MA02963 et sollicite le sursis à exécution par sa requête n° 24MA02964, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône à titre principal, de lui délivrer un certificat de résident et subsidiairement, de réexaminer sa situation en lui délivrant une autorisation provisoire de séjour.

2. Les requêtes n° 24MA02963 et 24MA02964 sont dirigées contre le même jugement et présentent à juger des questions identiques. Il y a donc lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur la régularité du jugement attaqué :

3. Il résulte des énonciations du jugement attaqué que le tribunal n'a pas répondu au moyen de Mme D... épouse B..., qu'il n'a pas non plus visé, consistant à soutenir que pour prendre son arrêté en litige, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation. Ainsi, alors qu'un tel moyen n'était pas inopérant, le jugement attaqué est entaché d'irrégularité et doit être annulé.

4. Au cas d'espèce, il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande de première instance et les conclusions d'appel de Mme D... épouse B....

Sur la légalité de l'arrêté en litige :

En ce qui concerne les moyens de légalité externe développés contre l'ensemble des décisions en litige :

5. En premier lieu, M. A... E..., adjoint au chef du bureau de l'éloignement, du contentieux et de l'asile à la direction des migrations, de l'intégration et de la nationalité de la préfecture des Bouches-du-Rhône, a reçu par arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône n° 13-2023-05-16-00003 du 16 mai 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture du même jour, délégation de signature à l'effet de signer les refus, mesures d'éloignement et décisions fixant le pays de renvoi. Mme D... épouse B... n'est donc pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige a été signé par une autorité incompétente.

6. En deuxième lieu, il ressort des pièces produites par le préfet devant le tribunal que, conformément aux dispositions de l'article R. 425-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le collège des médecins de l'OFII, consulté par le préfet sur la demande de titre de séjour de Mme D... épouse B..., a émis un avis le 5 décembre 2023. En se bornant à faire état, même au vu de cet avis qui lui a été communiqué au cours de la première instance, de son impossibilité de vérifier que cet acte a été pris par des médecins habilités, et de l'absence d'élément démontrant le respect de la procédure administrative obligatoire préalable à une décision de refus d'admission au séjour, l'intéressée n'assortit pas son moyen tiré de l'irrégularité de la procédure de consultation du collège des médecins de l'OFII des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.

7. En dernier lieu, il ne ressort ni des énonciations de l'arrêté en litige, qui précise que Mme D... épouse B... est mariée et mère d'une enfant, ni des autres pièces du dossier, que pour refuser de lui délivrer un titre de séjour, lui faire obligation de quitter le territoire français et fixer le pays de renvoi, le préfet n'aurait pas procédé à un examen réel et sérieux de sa situation, sans qu'y fasse obstacle l'absence d'indication dans cet arrêté de la scolarisation de sa fille.

Si Mme D... épouse B... souligne, en se prévalant d'une fiche de situation familiale non datée, que la mention dans l'arrêté en litige de ses parents et de frères et sœurs en Algérie, qui procède d'une erreur de fait, révèle le défaut d'examen complet de sa situation personnelle, ses parents étant selon elle décédés, il résulte des renseignements qu'elle a elle-même livrés dans une autre fiche de situation familiale, elle aussi non datée, que ses cinq frères et sœurs vivent en Algérie, ainsi que ses parents. Il suit de là que le moyen tiré du défaut d'examen complet de la situation de la requérante ne peut qu'être écarté.

En ce qui concerne la légalité du refus de titre de séjour en litige :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays ". Il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance ou le renouvellement d'un certificat de résident à un ressortissant algérien qui se prévaut de ces stipulations de vérifier que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays d'origine. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement,

il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

9. Pour refuser de faire droit à la demande de titre de Mme D... épouse B..., sur le fondement des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, le préfet des Bouches-du-Rhône, s'appuyant sur l'avis du collège des médecins de l'OFII du

5 décembre 2023, a considéré que si l'état de santé de l'intéressée, qui souffre de trois pathologies distinctes, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié.

10. Il ressort du rapport médical établi le 29 septembre 2023, soumis au collège des médecins de l'OFII et produit par l'appelante, ainsi que des certificats des médecins spécialistes et généralistes qui assurent le suivi de l'intéressée, que celle-ci souffre, premièrement, d'une insuffisance rénale chronique terminale, qui requiert une dialyse à raison de trois séances hebdomadaires de quatre heures, et justifie qu'elle fasse l'objet d'un bilan pré-greffe, deuxièmement, d'une hyperparathyroïdie secondaire, causée par cette insuffisance rénale, qui nécessite un traitement médicamenteux par Mimpara 30 mg, et troisièmement, de la maladie de Biermer avec une granulomatose non étiquetée et disséminée ainsi que de lésions gastriques et de tumeurs neuroendocrines, justifiant la réalisation d'endoscopies digestives et un suivi à l'Hôpital de la Timone.

11. D'une part, la circonstance que Mme D... a pu bénéficier, du 19 mai 2020 au 15 août 2023, d'une autorisation provisoire de séjour en raison de son état de santé, et que ce dernier ne s'est pas amélioré à la date du refus en litige, n'est pas à elle seule de nature à démontrer qu'en prenant cette décision, qui n'est pas entachée de contradiction, le préfet aurait commis une illégalité.

12. D'autre part, si l'ensemble des certificats médicaux produits par l'appelante démontre la nécessité d'une dialyse trois fois par semaine dans l'attente d'une greffe rénale, la réalisation, en cours au jour de l'arrêté en litige, d'un bilan pré-greffe, et les conséquences graves d'une interruption de ce traitement pendant quelque huit jours, les seules " ordonnances " établies le 26 mars 2024 et le 4 novembre 2024 respectivement par un médecin de l'hôpital public Bachir Mentouri de Kouba et par un médecin de l'hôpital public d'EL Oued, selon lesquelles aucune des affections dont elle souffre ne peut être prise en charge dans les hôpitaux avant le 23 octobre 2025, ne sont pas de nature à justifier, contrairement à l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII, l'impossibilité pour elle de bénéficier d'une dialyse dans l'un des hôpitaux de la capitale, dans des conditions appropriées, et dans un délai insusceptible de compromettre le pronostic vital. Il en va de même des certificats établis respectivement par un médecin du centre hospitalo-universitaire de Bab-El Oued le 13 octobre 2024 et par un médecin généraliste algérien le 3 novembre 2024, aux termes desquels " par manque de plateau technique ", Mme D... épouse B... " nécessite une prise en charge à l'étranger ". Il ne résulte en outre d'aucun des certificats médicaux produits, notamment ceux des 21 novembre 2023 et 10 octobre 2024, que bien que l'inscription de Mme D... épouse B... sur la liste nationale d'attente des transplantations rénales ne dépende plus, au 10 octobre 2024, que de la réalisation d'un traitement dentaire, cette inscription ou l'intervention d'une greffe était imminente à la date de l'arrêté en litige. Dans la mesure où il n'est ni établi ni même allégué qu'une telle dialyse lui était déjà nécessaire mais inaccessible avant son arrivée en France, le simple fait de n'avoir commencé à suivre ce traitement que sur le territoire français ne démontre pas l'indisponibilité d'une dialyse appropriée en Algérie.

13. Enfin, si le médecin généraliste de Mme D... épouse B... affirme, dans son certificat du 10 octobre 2024, l'indisponibilité en Algérie du médicament Mimpara 30mg, permettant de traiter son hyperparathyroïdie secondaire, devenue tertiaire, la nomenclature algérienne des médicaments disponibles établie en mars 2024, qui est produite par l'appelante et dont il n'est pas établi qu'elle correspondrait à une situation plus favorable qu'à la date de l'arrêté litigieux, indique que le générique de ce médicament, dénommé " Cinacalcet chlorhydrate ", et référencé dans le certificat médical du 21 novembre 2023, est disponible en Algérie sous tous ses dosages, dont celui indispensable au traitement de l'intéressée.

14. Il suit de là que Mme D... épouse B... n'est pas fondée à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'elle peut bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié à ses différentes pathologies, le préfet aurait commis une erreur de droit, une erreur de fait ou une erreur d'appréciation dans l'application des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

15. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien- être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

16. Par ailleurs, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

17. Il ressort des pièces du dossier que si depuis 2019 Mme D... épouse B... réside habituellement en France avec sa fille née en Algérie en 2015, sous couvert d'autorisations provisoires de séjour renouvelées depuis le 16 mai 2020 jusqu'au 15 août 2023, et si elle affirme que son époux a travaillé en 2023 en tant que salarié d'une entreprise de maçonnerie, et a créé son auto-entreprise en mars 2024, celui-ci, qui d'après l'une des fiches individuelles de situation familiale produites au dossier d'instance, l'a rejointe en France le 8 mars 2020, est en situation irrégulière et elle ne justifie pas, par les renseignements fournis dans ces mêmes documents, être dépourvue de toute attache familiale en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-sept ans. Compte tenu de la durée et des conditions de son séjour en France, malgré la bonne scolarité de sa fille et son engagement bénévole au sein d'une association depuis 2019, Mme D... épouse B... n'est donc pas fondée à soutenir que le refus de titre de séjour en litige aurait porté une atteinte excessive à son droit à mener une vie privée et familiale normale, au regard des buts en vue desquels il a été pris. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit dès lors être écarté.

18. L'exécution de la décision de refus de titre de séjour, assortie de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, n'a ni pour objet ni pour effet de séparer la fille de Mme D... épouse B... de sa mère et de son père, également en situation irrégulière et de même nationalité, dès lors que rien ne fait obstacle à ce que cette dernière emmène cette enfant avec eux. Dans ces circonstances, le refus de titre de séjour n'est pas contraire aux stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

19. En dernier lieu, pour les motifs précédemment exposés, c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation de l'intéressée que le préfet a refusé de l'admettre au séjour.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours en litige :

20. D'une part, il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que le refus de titre de séjour opposé à la demande de Mme D... épouse B... n'est pas illégal. Celle-ci n'est donc pas fondée à exciper de son illégalité à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation qui lui a été faite consécutivement de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.

21. D'autre part, pour les motifs énoncés aux points 17 à 19 et compte tenu des effets d'une mesure d'éloignement, les moyens de l'appelante tirés de la méconnaissance, par cette décision, des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, ne peuvent qu'être écartés.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant l'Algérie comme pays de renvoi :

22. Il résulte des points 20 et 21 que l'exception d'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, développée par Mme D... épouse B... au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ne peut être accueillie.

23. En outre, ainsi qu'il a été dit aux points 11 à 14, il ne résulte pas de l'instruction qu'en cas de retour en Algérie, Mme D... épouse B... ferait face, en raison de l'absence de traitements adéquats dans ce pays ou du défaut d'accès à ceux-ci, à un risque réel d'être exposée à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé entraînant des souffrances intenses ou à une réduction significative de son espérance de vie, et ainsi, à un risque de subir des traitements inhumains et dégradants au sens de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, son moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations, articulé à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, doit être écarté.

Il doit en aller de même de son moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation, aucune des pièces médicales produites par l'appelante ne démontrant, contrairement aux appréciations portées par le collège des médecins de l'OFII, qu'elle n'est pas en mesure de voyager sans risque vers l'Algérie.

24. Il résulte de tout ce qui précède que Mme D... épouse B... n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 2 février 2024 et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour le temps de ce réexamen.

Sur les conclusions à fin de sursis à exécution et de suspension d'exécution :

25. Le présent arrêt statuant sur l'appel de Mme D... épouse B... contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 26 septembre 2024, il n'y a plus lieu de statuer sur ses conclusions, présentées dans l'instance n° 24MA02964, tendant au sursis à exécution de ce jugement et, en tout état de cause, sur ses conclusions tendant à la suspension d'exécution de l'arrêté en litige.

Sur les frais liés au litige :

26. Les dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans les présentes instances. Les conclusions présentées sur le fondement de ces dispositions ne peuvent donc qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme D... épouse B... tendant au sursis à exécution du jugement n° 2403668 rendu le 26 septembre 2024 par le tribunal administratif de Marseille et à la suspension d'exécution de l'arrêté du 2 février 2024.

Article 2 : Le jugement n° 2403668 rendu le 26 septembre 2024 par le tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 3 : La demande et les conclusions d'appel de Mme D... épouse B... tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 février 2024 et à ce qu'il soit enjoint de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation, ainsi que les prétentions tendant à l'application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... D... épouse B..., à Me Carmier et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 janvier 2025.

N° 24MA02963, 24MA029642


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24MA02963
Date de la décision : 21/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. - Séjour des étrangers. - Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : CARMIER;CARMIER;CARMIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-21;24ma02963 ?
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