Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins à lui verser la somme de 27 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par cet établissement.
Par un jugement n° 2102301 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Nice a rejeté la demande de Mme B... et mis à la charge définitive de celle-ci les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 411,50 euros.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 janvier 2024, Mme B..., représentée par Me Bensa-Troin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2023 ;
2°) à titre principal : de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins à lui payer la somme de 27 000 euros et de mettre à la charge de celui-ci la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, si la cour de céans devait retenir que son préjudice ne pourrait constituer qu'une perte de chance : de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins à lui payer la somme de 20 250 euros et de mettre à la charge de celui-ci la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre infiniment subsidiaire : si la cour de céans devait retenir que son préjudice ne serait que psychologique : de condamner le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins à lui payer la somme de 13 500 euros et de mettre à la charge de celui-ci la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- en méconnaissance des articles L. 1111-2 et R. 4127-35 du code de la santé publique ainsi que de l'article 35 du code de la déontologie médicale, elle n'a pas été convenablement informée de sa pathologie et des conséquences de son traitement et, de ce fait, elle a pensé, durant 10 années, qu'elle ne pouvait pas avoir d'enfant et que le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins lui avait imposé une stérilité médicamenteuse afin d'éviter la dégénérescence de la maladie diagnostiquée ;
- le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins s'est abstenu d'assurer un quelconque suivi post-opératoire ;
- le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins lui a prescrit un traitement pour guérir une pathologie, l'endométriose, dont elle n'était en réalité pas atteinte ;
- elle ignorait que ses douleurs provenaient des effets secondaires du traitement et que son absence de fertilité pouvait être palliée par une suspension temporaire de celui-ci qui ne lui serait pas fatale et elle a droit à indemnisation à hauteur de 100 % ;
- à titre subsidiaire, elle a perdu 75 % de chances d'éviter ces dommages ;
- à titre infiniment subsidiaire, le retentissement psychologique des fautes commises par le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins devra être indemnisé ;
- elle a droit à réparation de ses préjudices aux montants suivants :
* au titre du déficit fonctionnel permanent : 9 000 euros ;
* au titre des souffrances endurées : 8 000 euros ;
* au titre du préjudice d'établissement : 10 000 euros.
Par un mémoire, enregistré le 5 février 2024, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var indique qu'elle n'entend pas intervenir dans la présente instance et précise à la cour que le montant définitif de ses débours s'élève à la somme de 3 616,48 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête de Mme B... et à la mise à la charge de celle-ci de la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés ;
- à titre subsidiaire, les prétentions indemnitaires de la requérante devront être ramenées à de plus justes proportions.
L'instruction a été close le 21 novembre 2024, par une ordonnance prise le même jour en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative.
Un mémoire, enregistré le 3 décembre 2024, pour Mme B..., représentée par Me Bensa-Troin, n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Mahmouti,
- les conclusions de M. Gautron, rapporteur public,
- et les observations de Me Mir, substituant Me Bensa-Troin, représentant Mme B..., et de Me Golnadel, représentant le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... relève appel du jugement du 5 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à la condamnation du centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins à lui payer la somme de 27 000 euros au titre des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de fautes commises par cet établissement.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il résulte de l'instruction que, le 3 février 2011, Mme B..., alors âgée de 20 ans, s'est rendue au centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins pour une récidive d'infection génitale et des douleurs abdominopelviennes. Le médecin lui a alors proposé une cœlioscopie qui, après un délai de réflexion de l'intéressée, a été réalisée le 18 suivant. A l'issue, le diagnostic d'adénomyose, qui est l'une des formes de l'endométriose, a été posé et un traitement a été prescrit à Mme B... pour une durée 4 mois puis, le 20 juin 2011, il lui a été administré un traitement par pilule contraceptive de type progestatif. Elle ne s'est pas présentée au rendez-vous fixé le 10 novembre suivant et n'a par la suite plus été prise en charge par le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins. Une nouvelle cœlioscopie, pratiquée le 8 janvier 2020, n'ayant pas confirmé le diagnostic d'endométriose, Mme B... soutient que ledit établissement a commis des fautes dans l'élaboration du diagnostic, le choix thérapeutique, le suivi post-opératoire et ne l'a pas correctement informée des conséquences des traitements qui lui ont été prescrits.
En ce qui concerne les fautes dans la prise en charge de Mme B... :
3. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
S'agissant de l'élaboration du diagnostic :
4. Il résulte de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise rendu à la demande du juge des référés du tribunal administratif de Nice, que devant un syndrome douloureux pelvien récidivant, dans un contexte d'infection génitale à chlamydia susceptible de provoquer l'infertilité, sans signe d'accompagnement et compte tenu de ce que l'échographie pratiquée n'avait pas contribué à l'élaboration du diagnostic, la coelioscopie réalisée par le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins constituait alors un acte diagnostic conforme aux règles de l'art. Il en résulte encore qu'au vu de l'ensemble des résultats des examens ainsi pratiqués, le centre hospitalier a diagnostiqué une adénomyose, qui est une forme d'endométriose limitée à la paroi utérine. A cet égard, l'expert précise que le syndrome douloureux dont se plaignait Mme B..., en l'absence de toute autre exploration contributive au jour de l'expertise, peut être lié à une adénomyose ou une pathologie digestive ou l'association des deux, voire à une autre cause qui n'aurait pas fait sa preuve au jour de l'expertise. Il explique que le diagnostic d'adénomyose posé ne peut être confirmé qu'au vu d'une biopsie ou d'un examen d'une hystérectomie, actes qui n'ont pas été réalisés en l'espèce et qui ne devaient pas l'être eu égard à leur retentissement. Il précise néanmoins que le consensus médical consistait alors à ne pas éliminer le diagnostic d'endométriose en cas d'absence de preuve. Il précise enfin sans être contesté qu'il n'existait aucun signe d'appel allégué, extra-gynécologique, digestif ou urinaire, justifiant d'autres examens avant la coelioscopie indiquée chez une jeune patiente douloureuse avec un passé récent d'infection génitale sous-traitée. Dans ces conditions et comme l'a jugé le tribunal, l'erreur de diagnostic alléguée par Mme B..., qui ne verse aucun élément de nature à remettre en cause l'appréciation faite par l'expert et celle portée par le tribunal, n'est pas établie.
S'agissant du choix thérapeutique :
5. Il résulte de l'instruction que, pour être conforme aux règles de l'art, le traitement qui devait être administré à Mme B... devait à la fois soulager ses douleurs et préserver sa fertilité. En l'espèce, le centre hospitalier a d'abord prescrit un traitement d'épreuve de mise en aménorrhée pour 4 mois puis un traitement progestatif par pilule contraceptive, qui ont tous deux sédatés les douleurs de Mme B... sans compromettre sa fertilité. Mme B..., qui n'a ensuite plus consulté au centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins, ne démontre donc pas l'existence d'une faute dans le choix thérapeutique.
S'agissant du suivi post-opératoire :
6. Mme B... expose, sans d'ailleurs formuler à proprement parler un moyen, qu'elle a quitté le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins sans avoir été vue par du personnel soignant et ne s'est vu communiquer aucun compte-rendu d'hospitalisation, sa mère devant lui prodiguer les soins post-opératoires. Toutefois et comme l'a jugé le tribunal, la requérante ne produit aucune pièce justificative à l'appui de ses assertions tandis que le rapport d'expertise rappelle sans être contesté que l'obligation de délivrance du compte-rendu d'hospitalisation, lequel, au demeurant, est versé au dossier par la requérante, n'a été mis en place qu'en 2014, soit postérieurement à son hospitalisation au sein de centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins. Enfin et en tout état de cause, les préjudices dont la requérante demande réparation sont sans lien avec la prétendue faute invoquée.
En ce qui concerne les manquements à l'obligation d'information du patient :
7. Aux termes de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique : " Toute personne a le droit d'être informée sur son état de santé. Cette information porte sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus. / (...).
8. Il résulte de l'article L. 1111-2 du code de la santé publique que doivent être portés à la connaissance du patient, préalablement au recueil de son consentement à l'accomplissement d'un acte médical, les risques connus de cet acte qui, soit présentent une fréquence statistique significative, quelle que soit leur gravité, soit revêtent le caractère de risques graves, quelle que soit leur fréquence.
9. D'une part, il résulte de l'instruction que la cœlioscopie pratiquée le 18 février 2011 n'a entraîné aucun dommage, ce qui n'est d'ailleurs pas allégué par la requérante. Elle n'est donc pas fondée à se plaindre, à ce titre, de n'avoir pas été correctement informée des risques liés à ce type d'acte médical.
10. D'autre part, Mme B... soutient n'avoir pas été correctement informée du fait que les traitements prescrits par le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins pouvaient être interrompus en cas de désir de grossesse. Elle expose qu'elle pensait être dans l'impossibilité de mener à bien un projet de grossesse, si bien qu'elle y a renoncé durant dix ans, période au cours de laquelle elle affirme qu'un traitement lui a été sans cesse renouvelé pour traiter l'endométriose dont le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins avait dit qu'elle était atteinte. Toutefois, Mme B... ne se plaint pas de ne pas avoir été informée d'un risque qui serait finalement survenu du fait de l'administration d'un traitement contre l'endométriose. En outre, si elle soutient avoir vécu durant dix ans avec l'angoisse de se croire infertile, elle n'a toutefois été prise en charge par le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins que du mois de février au mois de juin 2011 et ne soutient pas que ses préjudices seraient strictement liés à cette période de prise en charge par cet établissement, et en particulier que l'observance des traitements durant cette période l'a privée d'un souhait de grossesse à ce moment-là. A cet égard encore, la requérante ne peut utilement soutenir que les médecins qu'elle a consultés ensuite pendant huit années pouvaient légitimement s'abstenir d'effectuer eux-mêmes le diagnostic médical de leur patiente. Dans ces conditions, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins est engagée pour défaut d'information préalable.
11. Il résulte de tout ce qui précède et comme l'a jugé le tribunal, que Mme B... n'est pas fondée à engager la responsabilité du centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins et, par conséquent, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Sur la charge des frais d'expertise :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce et ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal, de laisser à la charge de Mme B... les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 1 411,50 euros.
Sur la déclaration d'arrêt commun :
13. Il y a lieu de déclarer le présent arrêt commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var qui, régulièrement mis en cause dans la présente instance, n'a pas présenté de conclusions.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, supporte la charge des frais exposés par la requérante et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... le versement au centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins de la somme de 2 000 euros en application de ces mêmes dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Mme B... versera au centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 3 : Le présent arrêt est déclaré commun à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au centre hospitalier d'Antibes Juan les Pins et à la caisse primaire d'assurance maladie du Var.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie des Alpes-Maritimes.
Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Fedi, présidente de chambre,
- Mme Rigaud, présidente assesseur,
- M. Mahmouti, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 janvier 2025.
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N° 24MA00207