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04/02/2025 | FRANCE | N°23MA02720

France | France, Cour administrative d'appel de MARSEILLE, 4ème chambre, 04 février 2025, 23MA02720


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SCI Duraffourd Colonna a demandé au tribunal administratif de Bastia d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le maire de la commune de Vico a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison et un garage sur la parcelle cadastrée section A n° 1203, lotissement " A Torra ", située au lieudit " Sagone ", ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté le 6 décembre 2021, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Corse-du-

Sud de rendre sur sa demande de permis un avis conforme favorable dans un délai de quin...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SCI Duraffourd Colonna a demandé au tribunal administratif de Bastia d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 octobre 2021 par lequel le maire de la commune de Vico a refusé de lui délivrer un permis de construire une maison et un garage sur la parcelle cadastrée section A n° 1203, lotissement " A Torra ", située au lieudit " Sagone ", ensemble la décision implicite rejetant son recours gracieux présenté le 6 décembre 2021, d'autre part, d'enjoindre au préfet de la Corse-du-Sud de rendre sur sa demande de permis un avis conforme favorable dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, et à la commune de Vico de lui délivrer un permis de construire selon les mêmes modalités et enfin, de mettre à la charge de la commune de Vico et de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2200405 du 12 octobre 2023, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 17 novembre 2023 et un mémoire enregistré le 16 janvier 2025, et non communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative, la SCI Duraffourd Colonna, représentée par Me Fiat, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 12 octobre 2023 ;

2°) d'annuler les décisions en litige ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de Vico de lui délivrer le permis de construire sollicité sous astreinte de 50 euros par jour de retard passé un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Vico la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le site de Sagone d'inclusion du lotissement d'implantation de son projet, qui comporte des commerces, services et administrations, doit être considéré comme une agglomération ou un village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel que précisé par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), ce lotissement d'une soixantaine de lots en comprenant cinquante déjà bâtis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2025, le ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que le moyen d'appel n'est pas fondé.

La requête de la SCI Duraffourd Colonna a été communiquée à la commune de Vico qui n'a pas produit d'observations.

Par une ordonnance du 24 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2025 à 12 heures, puis a été reportée au 13 janvier à 12 heures, par une ordonnance du 6 janvier 2025, puis au 17 janvier 2025 à 12 heures par une ordonnance du 8 janvier 2025.

Vu les autres pièces du dossier

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Revert,

- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,

- et les observations de Me Fiat représentant la SCI Duraffourd Colonna.

Une note en délibéré, présentée par Me Fiat, pour la SCI Duraffourd Colonna, a été enregistrée le 27 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. La SCI Duraffourd Colonna avait obtenu, par un arrêté du maire de la commune de Vico du 23 février 2005, le permis de construire une maison d'habitation avec garage, d'une surface hors œuvre nette de 170 m², sur la parcelle cadastrée section A n° 1203, constitutive du lot n° 14 du lotissement A Torra situé lieu-dit Sagone. En raison de la caducité de cette autorisation, et compte tenu des travaux déjà réalisés sur son fondement, la SCI Duraffourd Colonna a déposé le 10 juin 2021 une demande de permis de construire à titre de régularisation. Mais, après avis conforme défavorable du préfet de la Corse-du-Sud du 5 juillet 2021, le maire de Vico a refusé de délivrer ce permis de construire par un arrêté du 5 octobre 2021, pris au motif du non-respect des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme. Par un jugement du 12 octobre 2023, dont la SCI Duraffourd Colonna relève appel, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et du rejet de son recours gracieux.

Sur le cadre juridique applicable :

2. Un permis de construire peut être légalement délivré après l'exécution des travaux si ces travaux sont conformes à la réglementation qui leur est applicable à la date du permis.

3. Aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants./ Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages.". Il résulte de ces dispositions que l'urbanisation peut être autorisée en continuité avec les agglomérations et villages existants, c'est-à-dire avec les zones déjà urbanisées caractérisées par un nombre et une densité significatifs de constructions, mais qu'aucune construction nouvelle ne peut en revanche être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les zones d'urbanisation diffuse éloignées de ces agglomérations et villages.

4. Le plan d'aménagement et de développement durable de Corse (PADDUC), qui précise, en application du I de l'article L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, les modalités d'application des dispositions citées ci-dessus, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'elle constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs, un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune. En outre, le PADDUC prévoit que, pour apprécier si un projet s'implante en continuité d'un village ou d'une agglomération, il convient de tenir compte de critères tenant à la distance de la construction projetée par rapport au périmètre urbanisé existant, à l'existence de ruptures avec cet ensemble, tels qu'un espace naturel ou agricole ou une voie importante, à la configuration géographique des lieux et aux caractéristiques propres de la forme urbaine existante. Ces prescriptions du PADDUC apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme citées au point 3.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

5. Pour refuser de faire droit à la demande de permis de construire de régularisation présentée par la SCI Duraffourd Colonna, le maire de Vico, conformément à l'avis défavorable du préfet de la Corse-du-Sud du 5 juillet 2021 recueilli sur le fondement de l'article L. 422-5 du code de l'urbanisme, a considéré que le projet en litige s'implante dans un secteur composé de groupes de constructions ne constituant ni un village ni une agglomération, et méconnaît donc les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.

6. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet, d'une contenance de 1 103 m², constitutif d'un des dix derniers lots non bâtis du lotissement " A Torra " qui en comporte une soixantaine et dont le tènement d'ensemble se caractérise par une forte déclivité, est situé en lisière sud-ouest de ce lotissement, au-delà de laquelle s'ouvre un très vaste espace naturel lui aussi marqué par une forte pente. Compte tenu des dimensions des parcelles concernées, de l'organisation des constructions d'habitation qui y sont implantées et de la configuration des lieux, un tel lotissement correspond, à la date de l'avis défavorable du préfet comme à celle du refus en litige, à une forme d'urbanisation diffuse, insusceptible de constituer une agglomération ou un village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme tel que précisé par le PADDUC.

7. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, confortées par les données publiques disponibles sur le site Géoportail, que le secteur de Sagone, en continuité duquel s'inscrit au sud-ouest le lotissement " A Torra ", supporte une urbanisation dispersée, implantée le long d'une route de bord de mer, s'étant prolongée sur les hauteurs de la zone prise dans sa partie ouest, et étirée de manière plus diffuse encore le long de cette même route, à l'arrière de la plage de Sagone. Si le secteur, pris dans son ensemble, comporte, disséminés sur ce vaste espace, quelques commerces, services et administrations, dont une mairie annexe, le caractère très diffus de son urbanisation et l'absence de fonction structurante à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire ne sauraient lui conférer, à la date de l'avis défavorable et du refus en litige, le caractère d'une agglomération au sens des dispositions citées aux points 3 et 4, sans qu'y fassent obstacle les projets communaux de pôle administratif et médical à Sant'Appianu et d'éco-quartier. A ces mêmes dates, la morphologie et la trame urbaines de ce secteur, marquées par une importante dispersion des indices de vie sociale, ne sont pas non plus de nature à lui donner la nature d'un village au sens de ces mêmes dispositions, alors même qu'il constitue pour la commune le seul point d'accès à la mer. Les circonstances que, peu de temps avant l'avis défavorable du préfet, ou postérieurement à celui-ci et au refus en litige, des permis de construire ont été délivrés dans le lotissement et aux alentours, ne sont pas de nature à contribuer significativement à la densification du secteur, dès lors d'une part, qu'il n'est pas justifié de la mise en œuvre des premiers à la date des mesures en cause, et d'autre part, que les seconds sont postérieurs à celles-ci.

8. Il suit de là que, la SCI Duraffourd Colonna ne contestant pas que son projet conduit à l'extension de l'urbanisation et ne se prévalant pas, en tout état de cause, des dispositions dérogatoires de l'alinéa 2 de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, c'est sans méconnaître les dispositions du premier alinéa de cet article, tel que précisé par le PADDUC, que le préfet de la Corse-du-Sud a rendu un avis conforme défavorable à la délivrance du permis de construire qu'elle sollicite. Le maire de Vico était dès lors tenu, comme il l'a fait, de rejeter sa demande de permis de construire de régularisation.

9. Il résulte de tout ce qui précède que la SCI Duraffourd Colonna n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du maire de Vico du 5 octobre 2021 et à ce qu'il soit enjoint au préfet de rendre un avis favorable à son projet et au maire de lui accorder le permis de construire sollicité. Sa requête d'appel doit donc être rejetée, y compris ses conclusions à fin d'injonction et ses prétentions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la SCI Duraffourd Colonna est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Duraffourd Colonna, au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation et à la commune de Vico.

Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, où siégeaient :

- M. Marcovici, président,

- M. Revert, président assesseur,

- M. Martin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.

2

N° 23MA02720


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de MARSEILLE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23MA02720
Date de la décision : 04/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-001-01-02-03 Urbanisme et aménagement du territoire. - Règles générales d'utilisation du sol. - Règles générales de l'urbanisme. - Prescriptions d'aménagement et d'urbanisme. - Régime issu de la loi du 3 janvier 1986 sur le littoral.


Composition du Tribunal
Président : M. MARCOVICI
Rapporteur ?: M. Michaël REVERT
Rapporteur public ?: Mme BALARESQUE
Avocat(s) : SELARL CDMF - AFFAIRES PUBLIQUES - AVOCATS ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-04;23ma02720 ?
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