Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SCI Stepan a demandé au tribunal administratif de Toulon, à titre principal, d'annuler la délibération du 10 octobre 2017 par laquelle la commission de délimitation de la commune de Cavalaire-sur-Mer a fixé les limites provisoires entre la parcelle cadastrée section BN n° 91 et le domaine public maritime, ensemble la décision du 8 juillet 2021 par laquelle l'inspectrice des finances publiques du centre des impôts fonciers de Draguignan a refusé de modifier le plan cadastral.
Par un jugement n° 2102430 du 8 février 2024, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 4 avril 2024, la SCI Stepan, représentée par la SELAS Lawtec, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 8 février 2024 ;
2°) d'annuler la délibération du 10 octobre 2017 et la décision du 8 juillet 2021 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la preuve de la réception par ses soins, le 16 octobre 2017, de la délibération du 10 octobre 2017 n'est pas apportée ; le tribunal ne pouvait rejeter ses conclusions tendant à l'annulation de cette délibération comme tardives ;
- aucune partie de la parcelle en cause, telle qu'antérieurement délimitée, n'appartient au domaine public maritime ; un permis de construire a d'ailleurs été délivré sans que le préfet ne le conteste ; aucune procédure de délimitation n'a été mise en œuvre ; aucun document d'arpentage n'a été établi ; aucun accord valable n'a été recueilli.
La procédure a été communiquée au ministre chargé des comptes publics qui n'a pas produit d'observations.
Les parties ont été informées, qu'en application de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, il était envisagé d'appeler l'affaire à l'audience avant la fin de l'année 2024, et l'instruction pourrait être close à partir du 8 octobre 2024 sans information préalable.
Par une ordonnance du 18 décembre 2024, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Des observations ont été enregistrées pour la ministre chargée des comptes publics le 15 janvier 2025 à la suite de la communication d'une pièce intervenue sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative ; la ministre se bornant à y soutenir que cette pièce n'apporte rien au débat, ces observations n'ont pas été communiquées.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- la loi n° 74-645 du 18 juillet 1974 ;
- le décret n° 55-471 du 30 avril 1955 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Poullain,
- et les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI Stepan est propriétaire d'un bien immobilier à Cavalaire-sur-Mer, en bord de mer, aujourd'hui cadastré section BN n° 91. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Toulon ayant rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 10 octobre 2017 par laquelle, dans le cadre des travaux de remaniement du cadastre, la commission de délimitation de la commune a fixé les limites provisoires entre cette parcelle et le domaine public maritime, ensemble la décision du 8 juillet 2021 par laquelle l'inspectrice des finances publiques du centre des impôts fonciers de Draguignan a refusé de modifier le plan cadastral.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours fixés par le code de justice administrative, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance.
3. En l'espèce, si la SCI Stepan soutient qu'il n'est pas établi qu'elle aurait reçu le courrier électronique du 16 octobre 2017 par lequel le service des impôts fonciers l'a informée de la délibération du 10 octobre 2017 de la commission de délimitation de la commune, fixant les limites provisoires entre sa parcelle et le domaine public maritime dans le cadre du remaniement cadastral, il est constant que ce courriel a été produit par la requérante elle-même à l'appui de ses écritures devant le tribunal administratif le 6 septembre 2021. Il fait suite à un précédent échange intervenu entre l'administration et son conseil le 27 juin 2017. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Toulon a retenu qu'il était établi qu'elle avait eu connaissance de cette délibération le 16 octobre 2017 et, par suite, que le recours juridictionnel tendant à son annulation, présenté dans ses écritures du 11 avril 2022, avait été exercé au-delà d'un délai raisonnable et était de ce fait irrecevable. Le jugement n'est dès lors entaché d'aucune irrégularité à cet égard.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. D'une part, en application de l'article 6 de la loi du 18 juillet 1974 sur la mise à jour périodique de valeurs locatives servant de base aux impositions directes locales, le remaniement consiste en une nouvelle rénovation du cadastre. L'article 3 du décret du 30 avril 1955 relatif à la rénovation et à la conservation du cadastre prévoit que la rénovation cadastrale peut être effectuée soit par voie de révision, soit par voie de réfection reposant sur un nouvel arpentage parcellaire. Aux termes de l'article 10 de ce décret : " La réfection du cadastre s'accompagne obligatoirement d'une délimitation des propriétés publiques et privées. (...) ". En application de son article 13, la commission de délimitation a notamment pour mission de statuer, à titre provisoire, sur les contestations n'ayant pu être réglées à l'amiable. Aux termes de l'article 19 : " Les résultats de l'enquête prévue à l'article 18 sont soumis à l'examen de la commission de délimitation, qui donne son avis sur les réclamations présentées, essaie de concilier les intéressés et, à défaut de conciliation, fixe les limites provisoires des immeubles telles qu'elles doivent être figurées au plan. Les documents cadastraux sont alors, sauf pour les parties en litige, réputés conformes à la situation actuelle des propriétés et mis en service. / En ce qui concerne les parties en litige, les rectifications du plan cadastral consécutives à des règlements amiables ou judiciaires intervenus postérieurement à la clôture des opérations sont effectuées, à l'occasion des travaux de conservation cadastrale, suivant les dispositions prévues au titre II pour la constatation des changements de limite de propriété ". L'article 25 du même décret, figurant au titre II, précise : " Dans les communes soumises au régime de la conservation cadastrale, tout changement de limite de propriété notamment par suite de division, lotissement, partage doit être constaté par un document d'arpentage établi aux frais et à la diligence des parties et certifié par elles, qui est soumis au service du cadastre, préalablement à la rédaction de l'acte réalisant le changement de limite, pour vérification et numérotage des nouveaux îlots de propriété. Ce document est soit un procès-verbal de délimitation, soit une esquisse, suivant la distinction établie à l'article 28 ci-après ". Aux termes de l'article 33 : " Le service du cadastre est habilité à constater d'office, pour la tenue des documents dont il a la charge, les changements de toute nature n'affectant pas la situation juridique des immeubles ".
5. D'autre part, aux termes de l'article L. 2111-4 du code général de la propriété des personnes publiques : " Le domaine public maritime naturel de L'Etat comprend : / 1° Le sol et le sous-sol de la mer entre la limite extérieure de la mer territoriale et, côté terre, le rivage de la mer. / Le rivage de la mer est constitué par tout ce qu'elle couvre et découvre jusqu'où les plus hautes mers peuvent s'étendre en l'absence de perturbations météorologiques exceptionnelles ; / (...) / Les terrains soustraits artificiellement à l'action du flot demeurent compris dans le domaine public maritime naturel sous réserve des dispositions contraires d'actes de concession translatifs de propriété légalement pris et régulièrement exécutés ". Aux termes de l'article R. 2111-5 du même code : " La procédure de constatation des limites du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières est conduite, sous l'autorité du préfet, par le service de l'Etat chargé du domaine public maritime. / (...) ". Le premier alinéa de l'article R. 2111-11 précise : " Les limites du rivage de la mer, des lais et relais de la mer et des limites transversales de la mer à l'embouchure des fleuves et rivières sont constatées par arrêté préfectoral ".
6. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, si l'administration est saisie, postérieurement à l'achèvement des opérations de rénovation du cadastre, d'une demande tendant à la rectification des énonciations portées sur les documents cadastraux relatives à la situation juridique d'une parcelle et qu'un litige s'élève sur l'appartenance de celle-ci au domaine public maritime, elle est tenue de se conformer à la situation de la propriété telle qu'elle a été constatée pour l'élaboration des documents cadastraux et ne peut que refuser la rectification demandée tant qu'un arrêté préfectoral n'a pas constaté les limites du domaine public maritime.
7. En l'espèce, d'une part, si dans le cadre du remaniement du cadastre de la commune de Cavalaire-sur-Mer, par voie de réfection, la commission de délimitation a été saisie de la réclamation présentée par la SCI Stepan, contestant la délimitation retenue entre sa parcelle anciennement cadastrée section AK n° 543 et le domaine public maritime, la requérante n'a pas contesté en temps utile, ainsi qu'exposé ci-dessus au point 3, la délimitation provisoire fixée par la commission en sa délibération du 10 octobre 2017.
8. D'autre part, dès lors que sa demande du 6 mai 2021, tendant à la modification de cette limite, est intervenue postérieurement à l'achèvement des opérations de rénovation du cadastre, l'administration était tenue de lui opposer un refus. Les moyens de la requérante, tirés de ce que le remaniement cadastral aurait été effectué sans que ne soit mise en œuvre une procédure de constatation des limites du rivage de la mer, sans qu'un accord des parties n'ait été recueilli, et sans même qu'un document d'arpentage ne soit établi, sont par suite inopérants à l'encontre de la décision du 8 juillet 2021, rejetant cette demande.
9. Sans préjudice de la demande que la SCI Stepan peut, si elle s'y croit fondée, formuler auprès du préfet du Var afin qu'une procédure de constatation des limites du rivage de la mer soit engagée, il résulte de tout ce qui précède qu'elle n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SCI Stepan est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI Stepan et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2025.
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N° 24MA00809
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