Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nice, d'une part, d'annuler l'arrêté du 2 avril 2024 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes l'a obligé à quitter sans délai le territoire français, a fixé le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'autre part, d'enjoindre à l'administration de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de faire procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission.
Par un jugement n° 2401825 du 19 avril 2024, le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 15 mai 2024, M. B..., représenté par Me El Attachi, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du 19 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 2 avril 2024 ;
3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes, dans un délai de 15 jours et sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de réexaminer sa situation en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler et de faire procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé, notamment en ce qu'il écarte les moyens tirés de l'insuffisante motivation de l'arrêté attaqué et du défaut d'examen sérieux de sa situation ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé et n'a pas été précédé d'un examen sérieux de sa situation dès lors qu'il expose des faits erronés ; sa présence sur le territoire national depuis 1998 est établie, de même que ses liens intenses et stables en France et sa disposition d'un hébergement ;
- ce défaut d'examen résulte également de ce que l'arrêté est intervenu alors que le délai qui lui avait été imparti pour compléter son dossier en vue du réexamen de sa demande d'admission au séjour n'était pas échu ;
- l'arrêté est entaché d'erreur de droit et méconnait l'autorité de chose jugée attachée au jugement du tribunal administratif de Nice du 21 mars 2024, enjoignant au réexamen de sa demande d'admission au séjour ; le préfet ne pouvait prononcer une obligation de quitter le territoire français sans se prononcer sur cette demande ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît son droit au séjour, au regard des dispositions des articles L. 435-1 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il est présent en France de façon continue depuis 1998 ainsi qu'il en justifie ; il y est arrivé âgé de 15 ans, il y a noué des liens intenses, l'ensemble de sa famille y réside et il n' a plus d'attache dans son pays d'origine ; il a exercé diverses activités professionnelles et dispose d'une promesse d'embauche ;
- sa présence ne constitue pas une menace réelle, actuelle et suffisamment grave à l'encontre d'un intérêt fondamental de la société au sens des dispositions de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise sur ce fondement ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- le refus de délai de départ volontaire méconnait les articles L. 612-1 à L. 612-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; il a effectué une demande de renouvellement de passeport, il dispose d'une résidence effective et permanente, il ne représente pas une menace à l'ordre public ; le préfet a d'ailleurs admis, par son arrêté du 18 avril 2024, qu'il possédait de solides garanties de représentation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire est disproportionnée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2024, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la requête est non fondée dans les moyens qu'elle soulève.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Poullain a été entendu en audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né en 1983, relève appel du jugement du 19 avril 2024 par lequel le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de l'arrêté du 2 avril 2024 du préfet des Alpes-Maritimes l'obligeant à quitter sans délai le territoire français, fixant le pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et prononçant à son encontre une interdiction de retour d'une durée d'un an, d'autre part à ce qu'il soit enjoint au préfet de réexaminer sa situation et de faire procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Par un jugement du 21 mars 2024, le tribunal administratif de Nice a annulé la décision implicite par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes avait refusé d'admettre exceptionnellement au séjour M. B..., à la suite de sa demande du 16 juin 2022. Il a enjoint au préfet de procéder au réexamen de cette demande dans un délai de trois mois à compter de la notification dudit jugement. Par un courrier du même jour, le préfet des Alpes-Maritimes a, en exécution de ce jugement, invité M. B... à lui transmettre, sous un délai de 15 jours, l'ensemble des documents faisant apparaître toutes évolutions significatives de sa situation personnelle depuis le dépôt de sa demande. L'arrêté en litige est intervenu le 2 avril 2024, avant l'expiration de ce délai et sans que M. B... n'ait pu faire parvenir les compléments à sa demande. Les éléments produits par l'intéressé par courrier daté du 3 avril 2024 n'ont dès lors pas été examinés par l'administration. En outre, cet arrêté ne statue pas sur la demande d'admission au séjour présentée par le requérant. Par ailleurs, il prononce une obligation de quitter le territoire sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 251-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne s'appliquent qu'aux étrangers dont la situation est régie par le livre II dudit code, c'est-à-dire aux citoyens de l'Union européenne et aux membres de leur famille, dont ne relève pas M. B.... Au regard de l'ensemble de ces éléments, ainsi que le soutient le requérant, l'arrêté en litige est intervenu sans qu'il ne soit procédé à un examen sérieux de sa situation.
3. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de l'arrêté du 2 avril 2024.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
4. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement, ainsi que le sollicite le requérant, que le préfet des Alpes-Maritimes, conformément aux dispositions de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, procède à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système Schengen, puis au réexamen de sa situation au regard du droit au séjour. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à cette autorité de procéder, sans délai, à cet effacement et, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, à ce réexamen, en délivrant à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. B... de la somme de 1 500 euros à ce titre.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement du magistrat désigné près le tribunal administratif de Nice du 19 avril 2024 et l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 2 avril 2024 sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder, sans délai, à l'effacement du signalement de M. B... aux fins de non-admission dans le système Schengen et, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, au réexamen de sa situation au regard du droit au séjour en délivrant à l'intéressé, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera à M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Nice.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2025.
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N° 24MA01220
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