Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SAS Infocom France a demandé au tribunal administratif de Marseille de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les véhicules de sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015 ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1907577 du 12 mars 2021, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de la SAS Infocom France.
Par un arrêt n° 21MA01753 du 13 avril 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la société contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2021.
Par une décision n° 474966 du 18 juin 2024, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure postérieure au renvoi après cassation :
Par mémoires enregistrés les 19 juillet 2024, 19 novembre 2024 et 20 janvier 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la SAS Infocom France, représentée par Me Rambaud, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2021 ;
2°) de prononcer la décharge des cotisations de taxe sur les véhicules de sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015 ainsi que des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 224 000 euros HT en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les propositions de rectification qui lui ont été notifiées sont insuffisamment motivées ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales ;
- l'administration a méconnu les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales ;
- du fait d'irrégularités substantielles, l'administration est tenue de décharger les impositions en litige en application de l'article L. 80 CA du même livre ;
- la charge de la preuve repose sur l'administration qui n'a pas effectué de diligences pendant la période du contrôle et ne peut en effectuer a posteriori ;
- les conventions portent sur la location de véhicules et ont été conclues à titre onéreux ; elle exerce une activité de loueur de véhicules ;
- l'administration ne démontre pas que les collectivités qui bénéficient de la mise à disposition des véhicules ne se livrent pas à une activité dans le secteur concurrentiel, ce qui les rendrait redevables de la taxe sur les véhicules de sociétés en application de l'article 1654 du code général des impôts ;
- il résulte de l'instruction administrative référencée BOI-TFP-TVS-10-30 qu'aucune condition n'est prévue relative à la durée de la location quant au principe d'imposition de la société qui loue un véhicule ; elle est fondée à se prévaloir des réponses ministérielles n° 7618 du 23 octobre 2012 et n° 02450 du 10 janvier 2013 qui confirment le caractère onéreux des contrats de mise à disposition de véhicules par abandon de recettes publicitaires ;
- la réponse du 27 août 2007 à sa demande de rescrit relative à la taxe sur la valeur ajoutée et dont il ressort qu'elle exerce une activité de location de véhicule à titre onéreux est opposable à l'administration en application de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales ;
- les locataires des véhicules exercent une activité lucrative et sont, dès lors, seuls redevables de la taxe sur les véhicules des sociétés.
Par mémoires en défense enregistrés les 17 octobre 2024 et 14 janvier 2025, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts ;
- le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Rambaud pour la SAS Infocom France et de M. C... B..., inspecteur principal des finances publiques, accompagné de Mme F... D..., inspectrice divisionnaire et de Mme E... A..., inspectrice, pour la direction du contrôle fiscal Sud-Est.
Considérant ce qui suit :
1. La société Infocom France, qui met à disposition de tiers des véhicules sur lesquels sont apposés des espaces publicitaires, a fait l'objet de deux vérifications de comptabilité à l'issue desquelles elle a été assujettie à la taxe sur les véhicules de société au titre de la période du 1er octobre 2012 au 30 septembre 2015. Par un arrêt du 13 avril 2023, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté son appel contre le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 mars 2021 rejetant sa demande tendant à la décharge de ces cotisations ainsi que des pénalités correspondantes. Par une décision n° 474966 du 18 juin 2024, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille et lui a renvoyé l'affaire.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification en date des 5 juillet 2016 et 24 juillet 2017 doit être écarté par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Marseille au point 3 du jugement attaqué.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ".
4. Pour soutenir le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions, la société requérante se borne à formuler l'hypothèse du recours à un droit de communication par l'administration, que celle-ci conteste en défense, alors qu'il ressort des propositions de rectification adressées à ladite société que les éléments sur lesquels elle s'est fondée dans le cadre des opérations de contrôle pour fonder l'imposition litigieuse, en particulier quelques exemples de contrats de mise à disposition de véhicules à titre gracieux au bénéfice, notamment, de collectivités territoriales, lui ont été communiqués par la société elle-même. Ce moyen doit, par suite, être écarté.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales alors applicable : " Afin d'en restituer le véritable caractère, l'administration est en droit d'écarter, comme ne lui étant pas opposables, les actes constitutifs d'un abus de droit, soit que ces actes ont un caractère fictif, soit que, recherchant le bénéfice d'une application littérale des textes ou de décisions à l'encontre des objectifs poursuivis par leurs auteurs, ils n'ont pu être inspirés par aucun autre motif que celui d'éluder ou d'atténuer les charges fiscales que l'intéressé, si ces actes n'avaient pas été passés ou réalisés, aurait normalement supportées eu égard à sa situation ou à ses activités réelles. / En cas de désaccord sur les rectifications notifiées sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité de l'abus de droit fiscal. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité. / Si l'administration ne s'est pas conformée à l'avis du comité, elle doit apporter la preuve du bien-fondé de la rectification. / Les avis rendus font l'objet d'un rapport annuel qui est rendu public ".
6. Il résulte des propositions de rectification adressées à la SAS Infocom France, que, contrairement à ce qu'elle soutient, l'administration n'a pas écarté les contrats de location de véhicules conclus avec, notamment, les collectivités territoriales, comme ne lui étant pas opposables, mais en a examiné les stipulations en les confrontant aux allégations des représentants de cette société durant le contrôle, pour conclure que s'il y avait une activité de location de voitures, le chiffre d'affaires en provenant n'était pas significatif et qu'elles sont essentiellement utilisées comme support de publicité. Le moyen tiré de ce que l'administration aurait implicitement fondé les cotisations de taxe sur les véhicules des sociétés en litige sur les dispositions de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales sans respecter les garanties prévues à cet effet ne peut, dès lors, qu'être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales : " La juridiction saisie peut, lorsqu'une erreur non substantielle a été commise dans la procédure d'imposition, prononcer, sur ce seul motif, la décharge des majorations et amendes, à l'exclusion des droits dus en principal et des intérêts de retard. / Elle prononce la décharge de l'ensemble lorsque l'erreur a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France ".
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 2, 4 et 6 du présent arrêt, en l'absence de toute erreur dans la procédure d'imposition, que le moyen tiré de l'application des dispositions de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ne peut être qu'écarté.
En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :
9. D'une part, aux termes de l'article 1010 du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au litige : " Les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. / (...) / La taxe n'est toutefois pas applicable aux véhicules destinés exclusivement soit à la vente, soit à la location de courte durée, soit à l'exécution d'un service de transport à la disposition du public, lorsque ces opérations correspondent à l'activité normale de la société propriétaire. (...) / Lorsqu'elle est exigible en raison des véhicules pris en location, la taxe est à la charge de la société locataire. Les conditions d'application du présent alinéa sont fixées par décret ". Aux termes du III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code, dans sa rédaction applicable au litige : " (...) En ce qui concerne toutefois les véhicules loués, la taxe n'est due que si la durée de la location excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs (...) ". Pour les véhicules dont la première mise en circulation intervient à compter du 1er juin 2004 et qui n'étaient pas possédés ou utilisés par la personne redevable avant le 1er janvier 2006, les dispositions de l'article 1010 du code général des impôts fixent le tarif de la taxe en fonction du taux d'émission de dioxyde de carbone. Pour les autres véhicules, le tarif applicable croît en fonction de la puissance fiscale du véhicule, exprimée en chevaux-vapeur. A compter du 30 mai 2014, s'ajoute une composante relative aux émissions de polluants atmosphériques, dont le tarif est déterminé en fonction du type de carburant et de l'année de première mise en circulation du véhicule.
10. D'autre part, aux termes du premier alinéa de l'article 1654 du même code : " Les établissements publics, les exploitations industrielles ou commerciales de l'Etat ou des collectivités locales (...) doivent sous réserve des dispositions des articles 133, 207, 208, 1040, 1382, 1394 et 1449 à 1463 acquitter, dans les conditions de droit commun, les impôts et taxes de toute nature auxquels seraient assujetties des entreprises privées effectuant les mêmes opérations (...) ".
11. Il résulte du premier alinéa de l'article 1010 du code général des impôts cité au point 9 que les sociétés sont soumises à une taxe annuelle à raison des véhicules de tourisme qu'elles utilisent en France, quel que soit l'Etat dans lequel ils sont immatriculés, ou qu'elles possèdent et qui sont immatriculés en France. Il en va de même, en vertu de l'article 1654 du même code cité au point 10, des personnes publiques exerçant une activité qui relève, eu égard à son objet ou aux conditions particulières dans lesquelles elle est exercée, d'une exploitation à caractère lucratif. Toutefois, en vertu du dernier alinéa de cet article 1010 et du III de l'article 406 bis de l'annexe III à ce code, la taxe due à raison de véhicules pris en location pour une durée qui excède une période d'un mois civil ou de trente jours consécutifs n'est due que par le locataire lorsqu'il est lui-même assujetti à la taxe en vertu du premier alinéa de ce même article 1010 ou de l'article 1654 précité.
12. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la société Infocom France met, par le biais de contrats intitulés " contrat de location de véhicule consenti à titre gracieux ", à disposition, notamment, de collectivités publiques, des véhicules dont elle est propriétaire ou crédit-preneuse pour une durée, en général, de quatre années. Ces contrats prévoient que le règlement des loyers est réalisé par le locataire par l'abandon des recettes publicitaires générées par la commercialisation des espaces publicitaires figurant sur les véhicules. En dépit de ces modalités spécifiques de paiement, la société Infocom France doit, sans qu'il soit dès lors besoin de se prononcer sur les moyens tirés de l'application de la prise de position formelle du 27 août 2007, de la méconnaissance du principe d'égalité, et, en tout état de cause, de la nature de marchés publics des contrats litigieux, être regardée comme exerçant une activité de loueur de véhicules. Elle est, par suite, en application du dernier alinéa de l'article 1010 précité du code général des impôts, susceptible, en dépit de sa qualité de propriétaire, de ne pas être assujettie à la taxe sur les véhicules des sociétés dans l'hypothèse dans laquelle le locataire, exerçant grâce aux véhicules ainsi mis à sa disposition, une activité présentant un caractère lucratif, est le seul redevable de ladite taxe.
13. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si la situation du contribuable entre dans le champ de l'assujettissement à la taxe sur les véhicules des sociétés ou, le cas échéant, s'il remplit les conditions légales d'une exonération.
14. La requérante, qui a seule la connaissance de l'identité des collectivités auxquelles elle a loué des véhicules, produit, outre quelques contrats de location qui ne permettent pas de vérifier l'existence éventuelle d'une activité lucrative, les réponses à 8 questionnaires adressés à ses clients. Il résulte toutefois de l'instruction que ces 8 questionnaires ne sont que très peu représentatifs de l'ensemble de l'activité de la société au cours de la période vérifiée dès lors qu'il résulte des propositions de rectification des 5 juillet 2016 et 24 juillet 2017 et, notamment, de leurs annexes, que plus de 350 véhicules sont concernés par la procédure dont certains, au demeurant, sont exclusivement destinés au transport du personnel dans le cadre de ses fonctions administratives ou des élus de collectivités territoriales et ne peuvent, dès lors, être regardés comme utilisés à des fins lucratives. Par ailleurs, il résulte également de l'instruction que sur ces 8 questionnaires, 3 concernent des associations régies par les dispositions de la loi du 1er juillet 1901 (offices municipaux des sports d'Annemasse et de Veynes et Club omnisports d'Evry-Courcouronnes), lesdites associations n'étant pas régies par les dispositions de l'article 1654 précité du code général des impôts et n'étant pas assujetties à la taxe sur les véhicules des sociétés. En outre, deux des questionnaires produits (commune de Saint-Jean d'Angély et centre communal d'action sociale de Sète) concernent des véhicules mis à disposition des locataires postérieurement à la période contrôlée et ne sauraient dès lors, être pris en considération. Par ailleurs, le questionnaire concernant la communauté de communes " collines du matin " n'est pas probant dès lors que les cases " gratuit " et " payant " sont cumulativement cochées. Enfin, s'agissant de la communauté de communes du pays d'Andaine et de la commune de Vaux-sur-Mer, il résulte de l'instruction et notamment des délibérations des conseil de communauté ou conseil municipal produites par l'administration fiscale, que si un tarif, de 0,18 euros par kilomètre dans le premier cas et de 0,10 euros dans le second cas, est pratiqué pour la mise à disposition du véhicule aux associations locales dans le cadre notamment d'activités sportives ou de loisirs, celui-ci ne vise qu'à compenser les frais de carburant et ne procure aucun bénéfice à la collectivité publique qui ne saurait, dès lors, être regardée comme exerçant une activité lucrative. Par suite, les locataires des véhicules ne peuvent, dans les circonstances de l'espèce, être assujettis à la taxe sur les véhicules des sociétés dont est, dès lors, seule redevable la société requérante au regard du critère de possession desdits véhicules.
15. Enfin, la requérante ne peut se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni des énonciations de la documentation administrative référencée BOI-TFP-TVS-10-10 20120912 n° 80 à 100, BOI-TFP-TVS-10-20 n° 70, et BOI-TFP-TVS-10-30, ni des réponses ministérielles n° 7618 du 23 octobre 2012 et n° 02450 du 10 janvier 2013, lesquelles ne comportent aucune interprétation formelle de la loi fiscale différente de celle dont le présent arrêt fait application.
16. Si la société fait valoir qu'il y aurait eu des erreurs de calcul pour la détermination du montant de la taxe due pour certains véhicules dont elle joint les cartes grises, elle n'assortit pas son moyen de précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé.
17. Il résulte de ce qui précède que la société Infocom France n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins de décharge des impositions litigieuses et des pénalités y afférentes.
Sur les frais d'instance :
18. En vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge. Les conclusions présentées à ce titre par la SAS Infocom France doivent, dès lors, être rejetées.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la SAS Infocom France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Infocom France et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Sud-Est.
Délibéré après l'audience du 24 janvier 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- Mme Poullain, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 février 2025.
N° 24MA01583 2
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