Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'une part, d'annuler l'arrêté du 5 avril 2023 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi, d'autre part, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, et enfin, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2308541 du 19 décembre 2023, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 18 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Cauchon-Riondet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 5 avril 2023 lui refusant l'admission au séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard et, à défaut, d'instruire à nouveau sa demande et de prendre une nouvelle décision dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour durant le réexamen de sa demande.
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'arrêté en litige, pris en tous ses objets, est insuffisamment motivé en fait et procède d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle et familiale, dès lors que l'acte ne mentionne pas la présence en France de son frère de nationalité française et que, contrairement à ses mentions, elle est entrée en France sous couvert d'un visa ;
- le refus de titre de séjour en litige est entaché d'erreurs de fait en ce qui concerne son entrée en France sous couvert d'un visa en 1998 et le décès de sa mère en mars 2023 ;
- ce refus porte atteinte à son droit à mener en France une vie privée et familiale, méconnaît donc l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle, compte tenu de sa présence en France depuis 1998, de la présence de son frère français, de l'absence d'attaches familiales aux Comores et des liens amicaux qu'elle a pu nouer en France, les circulaires, dont celle du 12 mai 1998, prévoyant une durée de présence de seulement cinq ans ;
- l'ancienneté de son séjour en France justifie son admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale, conformément à l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus d'admission au séjour ;
- cette mesure d'éloignement en litige méconnaît elle aussi, compte tenu de son objet propre, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête de Mme A... a été communiquée au préfet des Bouches-du-Rhône qui n'a pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la Cour a désigné M. Revert, président assesseur, pour présider la formation de jugement de la 4ème chambre, en application des dispositions de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Revert,
- et les observations de Me Garnieri, substituant Me Cauchon-Riondet, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., née en 1972 et de nationalité comorienne, a sollicité le 15 décembre 2022 son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 5 avril 2023, le préfet des Bouches-du-Rhône a rejeté sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et a fixé le pays de renvoi. Par un jugement du 19 décembre 2023 dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté pris en ses trois objets et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de procéder à un nouvel examen de sa demande d'admission au séjour.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en 1998 sous couvert d'un visa Schengen, y a vécu la majeure partie de sa vie d'adulte aux côtés de son frère de nationalité française et des enfants de celui-ci et y justifie depuis 2019 d'activités associatives bénévoles. Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, et plus particulièrement de la durée importante du séjour en France de Mme A..., le préfet des Bouches-du-Rhône, en refusant de lui délivrer un titre de séjour et en lui faisant obligation de quitter le territoire français, a commis une erreur manifeste d'appréciation. Mme A... est donc fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2023. Il y a donc lieu pour ce motif, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, d'annuler ce jugement et cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
3. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". L'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".
4. Le présent arrêt implique nécessairement, compte tenu de son motif et en l'absence au dossier de tout élément indiquant que la situation de la requérante se serait modifiée, en droit ou en fait, depuis l'intervention de l'arrêté en litige, la délivrance à Mme A... d'un titre de séjour. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer ce titre dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, en application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois. En revanche, il n'y a pas lieu, au cas d'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais liés au litige :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par Mme A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2308541 rendu le 19 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de Mme A... tendant à l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2023 lui refusant un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et fixant le pays de renvoi et à ce qu'il soit enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa demande, ainsi que cet arrêté sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de délivrer à Mme A... un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de la munir d'une autorisation provisoire de séjour durant ces deux mois.
Article 3 : Les conclusions présentées par Mme A... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône et au procureur de la République près le tribunal judiciaire de Marseille.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, où siégeaient :
- M. Revert, président,
- M. Martin, premier conseiller,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.
N° 24MA001292