Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F... A... a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler la décision du 20 janvier 2023 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a procédé à son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Par un jugement n° 2302709 du 10 avril 2024, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la requête de M. A....
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 11 juin 2024 et 13 mars 2025, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. F... A..., représenté par Me Poncelet, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille ;
2°) d'annuler la décision en date du 20 janvier 2023 par laquelle le recteur de l'Académie d'Aix-Marseille a décidé de le licencier pour insuffisance professionnelle ;
3°) d'enjoindre au recteur de l'Académie d'Aix-Marseille de le réintégrer et de procéder à la reconstitution de sa carrière ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal aurait dû rechercher si les membres de la commission consultative paritaire, qui a émis un avis le 15 décembre 2022, avaient été convoqués paritairement ;
- le principe de parité entre représentants du personnel et représentants de l'administration à la commission consultative paritaire n'a pas été respecté ;
- on lui a indiqué verbalement qu'il ne pouvait pas participer à la séance de la commission consultative paritaire au mépris de la procédure contradictoire ;
- le compte-rendu de son premier dispositif institutionnel d'accompagnement spécifique (DIAS) ne figurait pas dans son dossier administratif et n'a pas été signé par ses soins ;
- la décision attaquée est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense enregistré le 26 février 2025, le recteur de l'académie d'Aix-Marseille conclut au rejet de la requête de M. A....
Il soutient que les moyens de la requête sont infondés.
Le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a produit un mémoire enregistré le 24 avril 2025, soit postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vincent,
- les conclusions de M. Guillaumont, rapporteur public,
- et les observations de Me Poncelet pour M. A... et de M. D..., chef du service inter académique des affaires juridiques du rectorat de l'académie d'Aix-Marseille pour le recteur de l'académie d'Aix-Marseille.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... exerçait, depuis octobre 2009, les fonctions de professeur de sciences de la vie et de la terre. Il a bénéficié de contrats à durée déterminée puis, à compter du 15 février 2016, d'un contrat à durée indéterminée. Par une lettre en date du 28 octobre 2022, il a été informé qu'était envisagée à son encontre une mesure de licenciement pour insuffisance professionnelle. Après un entretien préalable le 29 novembre 2022 et avis de la commission consultative paritaire académique le 15 décembre 2022, M. A... a, par une décision du 20 janvier 2023, été licencié pour insuffisance professionnelle. M. A... interjette appel du jugement du 10 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de ce licenciement.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne les conclusions aux fins d'annulation du licenciement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article 1-2 du décret 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " I.- Dans toutes les administrations de l'Etat et dans tous les établissements publics de l'Etat, il est institué, par arrêté du ministre intéressé ou par décision de l'autorité compétente de l'établissement public, une ou plusieurs commissions consultatives paritaires comprenant en nombre égal des représentants de l'administration et des représentants des agents mentionnés à l'article 1er (...) IV.- Les commissions consultatives paritaires sont consultées sur : 1° Les décisions individuelles relatives aux licenciements intervenant postérieurement à la période d'essai, à l'exclusion des licenciements prononcés en application du troisième alinéa du IV de l'article L. 114-1 du code de la sécurité intérieure (...) ".
3. Une commission administrative paritaire ne peut valablement délibérer qu'à la condition qu'aient été régulièrement convoqués, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres de la commission, habilités à siéger dans chacune de ces formations, et eux seuls, et que le quorum ait été atteint. Si la règle de la parité s'impose ainsi pour la composition des commissions administratives paritaires, en revanche, la présence effective en séance d'un nombre égal de représentants du personnel et de représentants de l'administration ne conditionne pas la régularité de la consultation d'une commission administrative paritaire, dès lors que ni les dispositions précitées, ni aucune autre règle, ni enfin aucun principe ne subordonnent la régularité des délibérations des commissions administratives paritaires à la présence en nombre égal de représentants de l'administration et de représentants du personnel. L'obligation de convoquer régulièrement, en nombre égal, les représentants de l'administration et les représentants du personnel, membres d'une commission administrative paritaire constitue une garantie pour les fonctionnaires dont la situation est soumise à la commission.
4. M. A... fait valoir que le principe de parité fixé par les dispositions précitées n'a pas été respecté dès lors, d'une part, que quatre représentants de l'administration et trois représentants du personnel seulement ont siégé lors de la séance de la commission consultative paritaire du 15 décembre 2022 et, d'autre part, que les membres de la commission n'ont pas été convoqués en nombre égal. Il ressort des pièces nouvellement produites en appel par le recteur de l'académie d'Aix-Marseille à la suite d'une mesure d'instruction ordonnée par la Cour, que les huit membres titulaires et suppléants des représentants de l'administration ont été convoqués tandis que six membres titulaires et suppléants des représentants du personnel l'ont été. Si le recteur explique cette différence par le fait que Mme G..., titulaire, n'a pas été convoquée car elle avait réussi le concours de professeur certifié à compter du 1er septembre 2022 et que M. E..., suppléant, ne bénéficiait plus d'un contrat depuis le 31 août 2021, cette circonstance ne faisait pas obstacle à ce que, soit il veille au remplacement des membres élus qui ne pouvaient plus siéger, soit ne convoque que six membres du collège des représentants de l'administration, soit encore, ne permette qu'à trois membres du collège des représentants de l'administration de siéger le 15 décembre 2022. Dans ces circonstances et alors au demeurant que la mesure envisagée a recueilli quatre votes favorables au licenciement contre trois votes défavorables, M. A... a été privé d'une garantie, cette irrégularité étant de nature à entacher le licenciement attaqué d'illégalité.
5. En deuxième lieu et au surplus, lorsqu'un agent a, à la suite de visites d'inspection, bénéficié d'un dispositif institutionnel d'accompagnement spécifique, le bilan effectué par son tuteur à la suite de la mise en œuvre dudit dispositif fait partie des pièces qui doivent être incluses dans son dossier administratif et dont il doit recevoir communication en application de l'article 65 de la loi du 22 avril 1905.
6. Il ressort des pièces du dossier que les bilans établis les 27 juin 2022 par Mme B..., et 13 décembre 2022 par Mme C..., tutrices de M. A..., à l'issue des deux dispositifs d'accompagnement dont il a bénéficié et qui ne comportent aucune numérotation, ne figuraient pas à son dossier administratif et n'ont pas été communiqués au requérant, dont il n'est pas établi qu'il en aurait eu connaissance par ailleurs, ni même mis à disposition des membres de la commission consultative paritaire académique du 15 décembre 2022. Cependant, ces documents étaient utiles à la défense du requérant dès lors que s'ils faisaient tous deux état de la persistance de lacunes et difficultés, le premier de ces rapports concluait par une appréciation " satisfaisante " et mettait en exergue le fait qu'il s'était montré à l'écoute des remarques et des conseils et avait pris le soin de les mettre en pratique en reprenant la construction de ses cours, tandis que le second faisait état de ce qu'il avait réalisé des progrès dans la gestion de la discipline et fait des efforts quant à la structure des cours. Il suit de là que l'absence de communication de ces documents a également privé M. A... d'une garantie de nature à entacher d'illégalité le licenciement dont il a fait l'objet.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement attaqué ni de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de la décision du 20 janvier 2023 par laquelle le recteur de l'académie d'Aix-Marseille a décidé de le licencier pour insuffisance professionnelle. Il y a lieu, dès lors, d'annuler ledit jugement et la décision du 20 janvier 2023.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "
9. Le présent arrêt implique nécessairement que M. A..., qui bénéficiait d'un contrat à durée indéterminée depuis le 15 février 2016, soit réintégré juridiquement dans ses fonctions à compter de la date de prise d'effet de son licenciement et qu'il soit réintégré effectivement dans un emploi équivalent à celui qu'il exerçait précédemment. En revanche, le présent arrêt n'implique pas nécessairement que M. A..., qui était agent contractuel et non fonctionnaire, bénéficie d'une reconstitution de carrière.
10. Il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'enjoindre au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de réintégrer juridiquement M. A... dans ses fonctions à compter de la date de prise d'effet de son éviction et, sauf changement dans les circonstances de droit ou de fait qui y ferait obstacle, de le réintégrer effectivement dans un emploi équivalent à celui précédemment exercé dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais d'instance :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le paiement de la somme de 2 000 euros qui sera versée à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2302709 du tribunal administratif de Marseille du 10 avril 2024 est annulé, ensemble la décision du recteur de l'académie d'Aix-Marseille du 20 janvier 2023 ayant prononcé le licenciement de M. A... pour insuffisance professionnelle.
Article 2 : Il est enjoint au recteur de l'académie d'Aix-Marseille de réintégrer juridiquement M. A... dans ses fonctions à compter de la date de prise d'effet de son éviction et de le réintégrer effectivement dans un emploi équivalent à celui précédemment exercé, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à M. A... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. F... A... et au recteur de l'académie d'Aix-Marseille.
Délibéré après l'audience du 25 avril 2025, où siégeaient :
- Mme Chenal-Peter, présidente de chambre,
- Mme Vincent, présidente assesseure,
- M. Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 mai 2025.
N° 24MA01488 2
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